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Cessez de grimper dans les rideaux!

D’une part on se plaint qu’on investit trop en santé. Puisque ce secteur accapare près de 45% du budget provincial annuel, il y a de quoi questionner les dépenses faramineuses occasionnées par le réseau de la santé et des services sociaux. D’un autre point de vue, les débordements aux urgences et les ressources insuffisantes en première ligne pourraient nous faire croire le contraire puisque la main-d’oeuvre professionnelle à ce niveau est à bout de souffle et bénéficieraient grandement d’une bonification des effectifs. Notre bon gouvernement, ne niant ni l’un ou l’autre de ces points de vue, tente de couper la poire en deux et préconise plutôt le fait que nous dépensons mal les grosses enveloppes budgétaires dorées en santé et il applique des coupures générales aux effets plus ou moins douloureux selon le type d’établissement; un bel exemple que l’application de la loi 100 illustre ces jours-ci. Alors? Qui dit vrai? Comment prendre position dans cet enjeu critique?

D’abord, considérons qu’il est facile de critiquer quand les journalistes font la bonne oreille pour pondre des articles qui font la manchette des journaux. Trop de cadres dans le réseau (n’est-ce pas Dr. Barrette?), trop d’heures travaillées par du personnel d’agence qui coute plus cher, trop de bureaucratie (les gens du réseau sont tous des fonctionnaires), trop de niveaux hiérarchiques… la liste s’allonge. Les divers établissements mènent leur combat individuel prétextant qu’ils sont dans une situation unique. Bref, on pointe des coupables du doigt et personne ne veut de ces contraintes budgétaires; «pas dans ma cour»; allez voir l’autre hôpital (ou remplacer par un autre établissement de votre choix)… Évidemment, il est plus facile d’être porté à critiquer le voisin d’abord puisqu’on ne connait pas toujours sa réalité qui peut être différente de comment on la perçoit. «Les coupures leurs feront moins mal… ils en ont de l’argent EUX!» Encore des munitions pour le gouvernement qui prône une attitude «égalitaire» dans l’application de ses restrictions budgétaires imposées à tous les établissements, de cette même manière peu spécifique.

Ensuite, il faut garder en tête que malgré tous ces comités de beaux penseurs qui semblent ralentir le système, des idées sont débattues et les grands enjeux sont examinés à notre insu. Les débats qui font rage dans les journaux semblent ne considérer que l’information minimale pour le scoop. On apportera les précisions plus tard… Par exemple, croyez-vous sérieusement que les établissements auraient encore un recours légal au personnel d’agences professionnelles s’il n’y avait pas un avantage pour eux en bout de ligne? Évidemment, si on ne va pas au fond des choses et qu’on se concentre sur le taux horaire qu’ils facturent, la question peut sembler ridicule. Les factures d’agences n’impliquent pas les coûts que l’employeur doit assumer pour un employé. Les avantages sociaux, la CSST, la contribution au fond de pension, la contribution à l’assurance collective et la formation pour ne nommer que ceux-là, peuvent facilement faire grimper la facture. Une auxiliaire à 60$ de l’heure? Pas dans le privé… Au sein de notre réseau… Voilà des coûts surprenants. Ah oui, au fait… c’était combien déjà dans le privé?

Poursuivons avec l’exemple des cadres. Il y en a 11 000 dans l’ensemble du réseau. Et on considère cela un réseau surcadré? Pour 110 000 soignants? Pas si mal pour une petite PME à but non-lucratif d’un quart de million d’employés… En fait, ce qui ne ressort pas assez du débat entamé par Dr Barrette, c’est la présence de 85 000 employés administratifs dans notre réseau. Là, peut-être qu’en grattant un peu on aurait pu s’apercevoir qu’ils se concentrent à certains niveaux hiérarchiques, faire l’analyse de leurs tâches et donner quelques coups de hache. Cible manquée! Tout ce que les gens retiennent, c’est qu’il y a un cadre pour un soignant… Quel non-sens! Magnifique! Pour nous tous qui tentons jour après jour de créer des actions positives et d’obtenir la confiance du public! Et quelle différence entre un «employé administratif» et un cadre! Semaines de 45 voire 50 heures, gardes de soirées et de fins de semaines, responsabilités face aux urgences du quotidien… Les cadres sont constamment entre l’arbre et l’écorce, pris entre les demandes des employés et les exigences du sommet. Et il y en aurait trop? Et pour conclure cette section, j’ajouterais qu’il y aurait peut-être moins d’employés administratifs si le réseau ne s’étouffait pas autant avec une colossale somme de données et d’indicateurs de performance qui mesurent tout ou presque, sans que la pertinence du contexte n’y soit rattachée. C’est ainsi qu’on crée les politiques ministérielles, du moins faut-il le croire…

Une piste de solution pour le réseau semble la condamnation du palier régional (les agences). Quand on parle de couper des frais administratifs... WOW! Demain matin, la grande région de Montréal se retrouverait avec environ 25 millions de plus à se diviser entre les 150 divers établissements, (hôpitaux, CLSC, CHSLD, instituts privés conventionnés et autres) donc un peu plus de 150 000$ par point de service...  Oups! De quoi payer deux infirmières… ou un médecin. Au fait, où allez vous les trouver? Les bureaux de l’assurance-emploi ne vous aideront pas beaucoup sur ce point… On peut donc prendre l’offre ou réaliser que finalement, ça semble donner bien peu pour éliminer un niveau administratif qui a tout de même un certain rôle à jouer. Avez-vous consulté leur rapport annuel? (Oui oui, je sais, tout est beau dans un rapport annuel…) Il n’en demeure pas moins que les agences s’impliquent sur des aspects régionaux qui m’étaient méconnus jusqu’à cette lecture.

Vous n’êtes pas convaincus? On élimine quand même les agences? D’accord. Que fait-on pour l’harmonisation entre les établissements d'une même région? Qui compilera les statistiques cumulatives de l'ensemble des établissements? Ces tâches devront être imparties inévitablement au niveau ministériel, d'où la réapparition de certains coûts de fonctionnement. C’est vraiment ce que vous voulez?

À mon avis, ce n’est pas sur la pertinence des agences ni sur leur coût de fonctionnement qu’il faut s’attarder. En fait, c’est plutôt sur la redéfinition de leur position hiérarchique. Est-ce normal que le DIRECTEUR d’un CSSS voie parfois ses questions remonter 5 ou 6 niveaux hiérarchiques DANS L'AGENCE avant d'obtenir une réponse? RI-DI-CU-LE! Les CSSS, les CH et les autres établissements sont déjà assez imputables des services qu'ils rendent par une reddition de comptes serrée. Les objectifs ministériels et les cadres de référence pour les programmes sont clairs; les objectifs populationnels, bien définis. Ne pourrait-on pas laisser un peu de latitude de ce côté? Qui peut le mieux desservir la clientèle de son territoire? L’agence ou les établissements? Il est grand temps que les principes de base de la gestion moderne s’appliquent! Laissez les gens de terrain vous guider!

En résumé, nous sommes tous concernés par les coûts de fonctionnement actuel et futur du RSSS, débat auquel il ne semble pas y avoir de solution facile. Je fais partie de ceux qui croient que l’on puisse améliorer encore beaucoup le réseau de la santé, progressivement, par des actions collectives concrètes. Toutefois, je ne crois pas qu’on puisse le faire d’un seul coup de baguette magique ou qu’il y ait de grands coupables au sein même du réseau. Même en récupérant quelques millions ici et là, la nature des soins de santé demeure couteuse, le vieillissement de la population combinée à une pénurie de personnel crée un contexte pénible pour tous et l’inflation aura tôt fait de saper nos efforts... Je le rappelle : nous avons décidé de faire le magnifique choix collectif d’avoir un système de santé universel, accessible et intégral. Il faut donc être conséquent et accepter ses imperfections, encore plus apparentes dans ces années de vaches maigres pour les fonds publics. À moins que vous soyez prêts à couper dans le panier de services actuel? «Pas dans ma cour» comme dirait l’autre…

Frédérick Boulé

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