Un pays de moins en moins engagé sur la scène internationale
Blog 2 du cours Principes et Enjeux de l’Administration publique, ENAP
Professeur : M. Rémi Trudel
Écris par : Émilie Lemieux – cours du lundi soir
Le 12 octobre dernier, le Canada a reçu « une gifle » de l’ONU, comme le rapportait Le Devoir, le jour suivant. En plus de ne pas accéder au Conseil de sécurité, le Canada s’est retrouvé au troisième rand du premier tour de votes avec 114 voix, derrière le Portugal (122 voix) et l’Allemagne, qui l’a emporté avec 128 votes.
Une dégringolade, pour un Canada qui, il y a à peine une dizaine d’années, était reconnu comme un pays impliqué dans la communauté internationale pour l’avancement des grands dossiers fondamentaux comme le développement international, les changements climatiques et la paix dans le monde.
Alex Castonguay, dans le Devoir du 16 octobre dernier, souligne que le gouvernement Harper traite désormais les enjeux internationaux selon une perspective partisane, souvent dans le but de marquer des points politiques au Canada. Mais cette fois-ci, le gouvernement canadien a perdu le peu de points qui lui restait face à la communauté internationale.
De plus en plus de pays partenaires du Canada expriment leur opinion quant au fait que le Canada ne respecte plus ses obligations face aux populations pauvres de la planète. Il semble que ce fut le cas lors du vote de la semaine dernière, alors que le Portugal a remporté beaucoup de votes en Afrique, où le Canada a restreint son aide au développement en 2009.
Le Canada est en effet devenu un contributeur médiocre au développement dans le monde. Au milieu des années 1980, les dépenses canadiennes en aide étrangère correspondait à 0,5% du produit intérieur brut (PIB). Au milieu des années 1990, elles sont tombées à 0,4%, et en 2005, à 0,3% du PIB, se maintenant à ce ratio jusqu’ aujourd’hui. Avec le gel des dépenses en aide étrangère annoncées dans le budget fédéral de 2010, cette tendance à la baisse risque de se poursuivre.
En effet, comme le souligne Patrick Johnston de la Fondation Gordon dans une étude intitulée « Modernizing Canadian Foreing Aid and Development », lorsque le gouvernement fédéral applique des compressions budgétaires, les dépenses en aide étrangère sont toujours parmi les premières à subir des coupures, et ce, de façon disproportionnée. Le budget de 2010 présenté par le ministre conservateur des Finances, Jim Flaherty, dévoile des compressions budgétaires pour réduire le déficit du gouvernement canadien. Johnston souligne dans son étude que plus du quart de l’argent que le gouvernement compte épargner au cours des cinq prochaines années proviendra des coupures dans les dépenses de l’aide officielle au développement, ce qui représente $4.4 milliards.
En plus de la faible contribution monétaire du Canada au développement international, la responsabilité de l’aide canadienne au développement incombe à plusieurs organisations fédérales, selon une répartition inégale et confuse. L’Agence canadienne de développement international (ACDI) est l’agence gouvernementale en tête de la distribution de l’aide officielle au développement (AOD), mais c’est seulement l’une des nombreuses organisations fédérales impliquée dans ce mandat.
Patrick Johnston souligne qu’en 2008-2009, $1.279 milliards, soit 26% des $4.854 milliard dépensés pour l’aide officielle au développement, étaient utilisés par des départements autres que l’ACDI, dont Finance Canada et le Ministère des Affaires étrangères et du commerce international (MAECI).
Le ministère des Affaires étrangères a d’ailleurs toujours joué un rôle clé dans les décisions concernant l’aide étrangère canadienne. La législation canadienne réserve un rôle de subordonnée à la ministre de la coopération internationale. La Loi sur le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (1985) stipule que le MAECI contrôle et supervise l’agence canadienne de développement international. Le rôle de la ministre de la coopération internationale se réduit donc à assister le ministre des affaires étrangères dans la conduite des relations extérieures du Canada. D’ailleurs, quand Bev Oda est passée du Ministère du Patrimoine canadien pour devenir ministre de l’Agence canadienne de développement international, certains on vu ce passage comme un recul.
De plus, en ce qui concerne l’ACDI, les constants changements de ministres et de priorités ont laissé l’agence sans orientation claire. Depuis sa création en 1968, l’ACDI a reçu de multiples mandats qui ont souvent confondu la population canadienne sur l’intention réelle de sa mission. Alors que la mission de l’ACDI, comme indiqué sur son site internet, est de « mener l’effort international du Canada pour aider les populations qui vivent dans la pauvreté », les intérêts politiques et commerciaux du Canada sont clairement des facteurs qui façonnent l’aide canadienne au développement.
Comme le souligne Gil Courtemanche dans Le Devoir du 16 octobre dernier, le gouvernement Harper n’a conservé en 2009 que sept pays africains dans sa liste de pays prioritaires pour le développement. Il a abandonné, entre autres, trois des pays les plus pauvres de la planète: le Burkina Faso, le Niger et le Bénin. L’aide au développement a alors favorisé certains pays d’Amérique du Sud, comme le Pérou et la Colombie, avec qui le Canada venait de signer des traités de libre-échange. Les objectifs de la politique canadienne étrangère sont l’un des trois critères utilisés pour déterminer où l’ACDI devrait concentrer ses actions. Cette décision d’augmenter l’aide à plusieurs pays d’Amérique latine a été commentée par plusieurs comme étant directement en lien avec le support des intérêts miniers canadiens dans certains pays riches en ressources minières.
Pourtant, les objectifs de l’aide canadienne au développement n’ont pratiquement jamais été questionnés. Une enquête menée en 2003 par l’ACDI et préparée par le Environics Research Group démontrait que 55% des répondants ne se considéraient pas informés à propos du programme canadien d’aide étrangère. Ceci n’est pas très surprenant. Le gouvernement fédéral ne fait pas d’efforts particuliers pour aider la population canadienne à comprendre de quelle façon leur argent est dépensé en aide étrangère. De plus, le rôle de l’aide au développement attire peu l’attention des parlementaires et des médias. Dommage, car l’aide canadienne au développement est l’un des éléments qui faisait du Canada un pays engagé dans l’amélioration du sort de la planète, un engament qui semble aujourd’hui réduit à des poussières.
Références :
Alex Castonguay Le Devoir du 16 octobre 2010. « Les faiblesses d’un plan de match »
Gil Courtemanche, Le Devoir du 16 octobre 2010. « Un siège au Tim Horton ».
Patrick Johnston, « Modernizing Canadian Foreing Aid and Development », 2010.
Commentaires
Cette analyse est perstinente à plusieurs niveaux eu égard à la position du Canada sur la scène internationale. N'oublions pas qu'avec la géopolitique, tout se dessine sur la base des intérêts stratégiques, des enjeux internationaux. De part même la nature et les idéaux de ce gouvernement, il est à craindre d'autres reculades notamment l'aide internationale qui a connu une chute brutale de plus de 2% du PIB en moins de 10 ans. L'aide publique au développement a beaucoup diminué surtout en Afrique parce qu'elle ne constitue pas un enjeux pour ce parti au pouvoir qui est téléguidé par le grand voisin. C'est ce qui a poussé ce gouvernement contrairement aux précédents à s'en empresser de soutenir officiellement Israël qui méprise et bafoue les différentes résolutions de l'ONU.
Je partage l'opinion de mon collègue-commentateur! En effet, l'analyse de Mme Lemieux est très pertinente et l'aide canadienne est liée à la nature et aux idéaux de l'actuel gouvernement Harper. À mon sens, il s'agit d'un problème de nature politique, voire idéologique. Nous avons affaire, en ce moment, au Canada, à un gouvernement de droite qui non seulement réduit ou élimine son aide à des populations qui en ont vraiment besoin, mais qui de surcroît "conditionne" son aide à des valeurs de droite comme empêcher l'aide à l'avortement aux femmes de ces pays qui en ont besoin. Cet état de fait a d'ailleurs été décrié par la secrétaire d'État américaine, Hilary Clinton, mais ça n'a pas fait broncher Harper. Belle illustration d'un argument soulevé il y a fort longtemps par Simone de Beauvoir. N'ayant pas la citation sous la main, je paraphrase : ceux-là mêmes qui s'empressent de défendre les droits des enfants à naître (en voulant empêcher l'avortement) se contrefichent d'aider ces mêmes enfants une fois qu'ils sont nés (s'ils sont pauvres, c'est de leur faute ou celle de leurs parents; s'ils ont commis un crime parce qu'ils avaient faim, on s'empresse de les jeter en prison et on veut les juger comme des adultes).