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Vivre dignement sa mort M.Lacroix.ENP7328

Comme il est souligné dans l’introduction du document, notre attitude face à la mort a beaucoup changé. Le déclin des valeurs religieuses catholiques et la pénétration d’autres valeurs religieuses ou philosophiques pour expliquer la mort, le développement de la médecine, de la pharmacologie et de la technologie, la masse critique des «boomers» vieillissants et confrontés à leur propre mort et surtout à leur vie qui se prolonge ne sont que quelques éléments pour expliquer ce débat sur à la mort.

 

Si cette consultation n’apporte pas de changement sur la loi entourant la mort, ce n’est que partie remise. Les personnes âgées de 65 ans et plus formaient environ 7 % de la population en 1971, proportion qui est passée à 14,6 % de la population en 2008. On prévoit que cette proportion grimpera à plus de 25 % en 2031. L’âge médian, qui sépare la population en deux parties égales, est passé de 26 ans en 1971 à 41 ans en 2008 et devrait atteindre 47 ans en 2031. La génération des « boomers » a eu l’habitude de donner son opinion et de faire bouger les choses, la génération « Y » qui les suit de près, a eu l’habitude d’être consultée, de s’exprimer librement et d’être écoutée.

 

Qu’est-ce que mourir dignement? Qu’est-ce donc que la dignité? Vivre et mourir dignement fait appel au principe selon lequel une personne doit être traitée comme une entité intrinsèque. Elle mérite un respect inconditionnel, indépendamment de son âge, de son sexe, de son état de santé physique ou mentale, de sa condition sociale, de sa religion ou de son origine ethnique.  La dignité désigne aussi une attitude de respect de soi, la fierté, le sentiment que la personne a de sa propre valeur. Elle est inspirée par le désir de respectabilité. L’exemple : conserver sa dignité dans toute circonstance renvoie à ce principe d’autonomie, d’inviolabilité et d’intégrité de la personne consacré par le Code civil du Québec. Les Chartes canadienne et québécoise reconnaissent ce droit à la dignité et le droit à l’intégrité de la personne. Alors que la dignité fait appel au respect de la personne pour ce qu’elle est, l’intégrité reconnaît le droit à la protection physique et psychologique de celle-ci.

 

Alors, vivre et mourir dignement ferait appel à la notion de choix, libre et éclairé. Avoir le choix signifie pouvoir décider de sa vie et de sa mort.

 

Une personne voulant être accompagnée ou assistée lors du moment choisi de mourir devrait être en mesure de le faire, comme celle qui souhaite que tout soit tenté pour prolonger la vie jusqu’à la mort naturelle. Il faudrait que le testament de vie soit reconnu, tout comme l’est le droit au consentement éclairé et au refus de traitement.  Il ne faudrait pas laisser au hasard des valeurs des soignants, le pouvoir de décider, mais offrir un encadrement légal rigoureux qui éviterait le dérapage possible et le malaise actuel.

 

Quand on demande aux gens : « Avez-vous peur de la mort? » La plupart répondent : « Je n’ai pas peur de la mort, mais j’ai peur de souffrir avant de mourir ». La population semble beaucoup plus tolérante à accepter la sédation palliative ou terminale dans la mesure où elle sert à soulager la douleur physique, même si cela risque d’écourter la vie, ce qui pourrait se comparer à la mort assistée (euthanasie).

Les valeurs sont bousculées quand vient le moment où une personne décide qu’elle veut mourir avant la fin du parcours naturel ou lorsque la souffrance psychologique est telle, qu’elle justifierait le désir de mourir. Dans ces cas, l’accompagnement s’avère nécessaire sans quoi des choix pourront être faits sans avoir considéré toutes les possibilités.

 

Cela nous amène donc à dire que chaque individu devrait avoir la liberté de choisir alors qu’il est complètement lucide et apte à décider pour lui une fois que toute alternative raisonnable selon lui a échoué. Cependant, l’expression de ce choix devra être encadrée comme les moyens pour l’aider à mourir.

 

Comme le précisait Mme Francine Lalonde, députée bloquiste de la Pointe-de-l’Îlele 15 avril dernier dans un article au Devoir, le Canada est une fédération dans laquelle le Code criminel est de juridiction fédérale, le Parlement devra d'abord décriminaliser l'aide médicale à mourir, pour qu'ensuite les conditions devant encadrer cette aide soient établies par les ministères provinciaux de la Santé et les Collèges des médecins.[1]

 

Le projet de loi C-384 déposé au Parlement d’Ottawa en avril dernier, intitulé Loi modifiant le Code criminel (droit de mourir dignement), donne déjà quelques balises pour encadrer la loi. Ce projet de loi vise à donner le choix aux personnes souffrantes, en fin de vie et sans perspective de soulagement, de demander à un médecin de les aider à mourir. Celui-ci doit d'abord accepter et faire confirmer le diagnostic par écrit  par un autre médecin qui n’a pas d’intérêt dans la mort de la personne. Il doit s'assurer que la personne fait sa demande de son plein gré et en toute lucidité, que toutes autres possibilités lui ont été offertes et qu'elle sache que c'est toujours elle qui décide du moment de sa mort, et si elle veut toujours être aidée à mourir, confirme Mme Lalonde[2].  

 

Le projet de Loi C-384[3] prévoit aussi que la personne qui demande à mourir dignement :

Ø      est âgée d’au moins 18 ans,

Ø      selon le cas, elle continue, après avoir essayé ou expressément refusé les traitements appropriés et disponibles, d’éprouver des douleurs physiques ou mentales aiguës sans perspective de soulagement et elle est atteinte d’une maladie en phase terminale;

Ø      elle a remis à un médecin, alors qu’elle était apparemment lucide, deux demandes écrites à plus de dix jours d’intervalles indiquant expressément son consentement libre et éclairé à opter pour la mort.

Ø      elle a désigné, par écrit, fait avec son consentement libre et éclairé et devant deux témoins qui n’ont pas d’intérêt personnel dans sa mort, une autre personne qui agira en son nom auprès de tout médecin lorsqu’elle ne sera apparemment pas lucide

 

Les conditions qui s’appliquent en Belgique, au Luxembourg et aux Pays-Bas[4] sont très intéressantes et elles ont inspiré le projet de Loi canadien.  Toutefois, certaines conditions nécessitent quelques précisions. Le deuxième médecin consulté devra avoir les compétences pour évaluer la maladie de la personne. Ensuite, le délai entre les deux demandes écrites devrait être allongé de dix jours à un mois. Enfin, l’âge requis pour prendre une décision, la responsabilité légale quand une personne est inapte à le faire, ainsi  que la nécessité d’une équipe de soutien lors du processus décisionnel.

 

Au Québec, une personne âgée de 14 ans et plus est reconnue apte à décider ou à refuser un traitement. Comme pour les Pays-Bas, le consentement parental devrait quand même être exigé ou du moins les parents devraient être consultés dans le processus décisionnel.

 

Pour les enfants de moins de 14 ans et pour les personnes inaptes à prendre une décision, il en revient à la personne légalement reconnue : parents, tuteurs, exécuteur du testament de vie, le soin de prendre la décision ou de faire la demande.

 

Enfin, toute personne, ou son représentant légal,  faisant une demande d’accompagnement en fin de vie, que ce soit en soins palliatifs, pour l’euthanasie ou pour le suicide assisté, devrait pouvoir être accompagné et soutenu dans ce processus. Car, mourir dignement signifie avoir le choix de partir quand et comment la personne le désire et surtout de ne pas être seule à faire ce choix et à le vivre.

 

 La deuxième chose qu’il faudrait éviter après la souffrance, et cela la technologie ne le prévoit pas, c’est la solitude au moment de mourir.



[1] Lalonde, F. (2010). Projet de Loi C-384- Pour le droit de mourir dignement. Le Devoir.

[2] Idem

[3] Projet de Loi C-384, Parlement du Canada, Les Éditions et Services de dépôt. Travaux publics et services gouvernementaux Canada

 

[4] Assemblée nationale du Québec. 2010. Commission spéciale. Mourir dans la dignité. Document de consultation, p.33 et 34.

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