Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Mon avis sur le document de la Commission spéciale "Mourir dans la dignité"

 

Il ne m’est pas arrivé souvent de penser à la mort, surtout à ma propre mort. Je suppose que c’est inévitable d’y réfléchir puisqu’on passe tous par là.  Nous sommes en quelque sorte tous concernés par la consultation en cours actuellement auprès de la population québécoise par la commission spéciale sur nos convictions de ce qu’est « Mourir dans la dignité ».  C’est donc dans l’esprit de mon devoir de citoyenne que j’émets mon humble avis sur la question, orienté par ce que je voudrais pour ma propre fin de vie.

Personnellement, je suis en faveur de l’euthanasie1, du suicide assisté1, du droit au refus de traitement1, à la sédation palliative1 ou terminale1, et ce, bien évidemment dans un cadre donné.  Je crois que ce cadre devrait être défini par un comité d’experts incluant entre autres des avocats, des professionnels de la santé et services sociaux, des représentants des familles et des malades et des éthiciens.  Aussi, les critères les plus communs utilisés dans les pays pratiquant l’euthanasie ou le suicide assisté1 exigent une demande écrite de la part du malade et l’avis de 2 médecins.  Je propose que cette demande écrite et ces avis médicaux soient soumis à un comité d’éthique provincial qui s’assurerait du respect des critères préalablement définis et une uniformité dans le traitement des demandes. Ainsi, on préviendrait les dérapages et la banalisation du geste de donner la mort.

Je désire répondre aux arguments des opposants à l’euthanasie et au suicide assisté tels que détaillés dans le document consultatif pour appuyer ma position. En premier lieu, je place l’importance de la volonté individuelle au-dessus de la « dignité propre et inaliénable au fait d’être un humain » lorsqu’il s’agit du sort d’un individu.  Il se peut que, pour des raisons de croyances religieuses, l’euthanasie ou le suicide assisté ne soit pas une option. Il demeure alors important de le respecter, mais ces derniers ne doivent pas imposer leur point de vue aux autres.  Dans une société aussi multiculturelle, tolérante et ouverte qu’est la société québécoise, je ne crois pas que les valeurs d’un petit groupe d’individus doivent avoir préséance sur les autres.

En deuxième lieu, les opposants à l’euthanasie et au suicide assisté doutent de la capacité des personnes en fin de vie à prendre des décisions libres et éclairées, mais qui de mieux qu’elles pour connaître leur réalité?  En cas de doute pour une personne ayant fait la demande, sur sa capacité mentale à prendre une telle décision, le comité d’éthique pourrait demander un avis psychiatrique avant de se prononcer.  En troisième lieu, les opposants craignent également que les personnes malades fassent une telle requête afin d’éviter d’être un fardeau pour leurs proches ou la société.  Mais, si aux yeux de ces personnes, un minimum d’autonomie est nécessaire au goût de vivre, qui sommes-nous pour les contredire? En quatrième lieu,  à ceux qui craignent que les médecins n’essaient pas tout pour sauver un patient en optant pour la voie de l’euthanasie, je reviens avec ma suggestion de mise en place d’un comité d’éthique qui ne permettrait pas au médecin de prendre actes et décisions seul. 

En cinquième lieu, à ceux qui ne croient pas pertinent de discuter de la question à un niveau provincial sous prétexte qu’une modification de la législation appartient au gouvernement fédéral, j’ai envie de répondre que je ne suis pas de cet avis. La modification de la loi appartient au fédéral, certes, mais son application relève du provincial. En conséquence, nous détenons un pouvoir certain pour encadrer les actions de l’entourage des malades ou des professionnels confrontés à ces décisions. Sans cadre mieux défini que ce que nous possédons actuellement, il y a certainement des personnes dont la liberté d’action est freinée, de peur de représailles judiciaires. Aussi, le petit nombre de personnes exerçant leurs recours pour l’euthanasie ou le suicide assisté dans les pays où cela a été légalisé n’est également pas un bon motif pour remettre en question la pertinence de cette consultation. Pour les malades souffrants atteints d’une maladie incurable, ce n’est pas un argument de taille. Vu l’ampleur des souffrances ressenties et de l’impact psychologique que ces situations peuvent occasionner à l’entourage et au personnel soignant, compte tenu des avancées médicales dans le domaine et de l’évolution des mentalités, je crois essentiel que la Loi ou à défaut son application, soit revue. D’autant plus que des décisions concernant ces personnes souffrantes doivent se prendre au quotidien et qu’entre temps, le flou actuel entre tolérance et loi restrictive risque de mettre plusieurs dans l’embarras ou l’inaction.

En sixième lieu, on croit que la bonification de l’offre de ressources en CHSLD et services palliatifs peut venir en aide aux personnes en fin de vie, mais ce ne sont pas justement de ces personnes bénéficiant de ces services qui en font la demande? Je ne dis pas que les services actuels sont suffisants, mais je ne crois pas que les augmenter retirerait la souffrance psychologique et physique des malades. Au mieux, certains seraient mieux soutenus. Mais si ce soutien suffit à leur faire changer leur désir de rapprocher leur mort, c’est qu’ils n’auraient pas dû être considérés comme éligibles à l’euthanasie ou le suicide assisté selon les critères à établir. Aussi, toujours selon le document consultatif, les pays qui ont légalisé l’euthanasie et le suicide assisté ont vu une amélioration dans l’accès aux soins palliatifs et la formation du personnel soignant. Donc, euthanasie et suicide assisté et amélioration de l’offre des soins ne sont donc pas incompatibles.

En septième lieu, il m’apparait possible, mais peu probable que les investissements en recherche diminuent dans le domaine des soins palliatifs avec la légalisation (ou tolérance) de l’euthanasie et du suicide assisté puisque dans les pays le pratiquant, très peu de malades en font la demande. Il reste, en final, un nombre important de malade à soulager aux soins palliatifs, nombre qui ne se réduira pas avec le vieillissement de la population.

En terminant, que la consultation publique entreprise, par le biais de la commission spéciale, en arrive ou pas à modifier la loi ou son application, je ne suis pas très inquiète des résultats. Tout comme Foglia (La Presse, 7 septembre 2010), je crois que « pour l’essentiel, ne vit-on pas déjà dans l’esprit de cette loi qui n’existe pas? » puisque « médecins et patients s’entendent pour ne pas prolonger indûment une vie qui n’a ni sens, ni qualité, ni dignité ».  Ultimement, n’est-ce pas ce qui importe?

1 Document de consultation de mai 2010 de la Commission spéciale

 

Caroline Blais, ENP 7328, Automne 2010

Commentaires

  • Bravo Caroline pour avoir osée. L'administration publique demande que nous soyons "disert" sur ce que nous sommes sur la "planète publique" . Les réactions viendrons. Prof

  • la question de l'euthanasie et le suicide assisté est tés sensible puisqu'elles soulèvent des questions éthiques, juridiques et humaines.

    du point de vue personnel, accepter l'euthanasie signifie mettre fin à la profession noble qu'est la médecine, c à d remplacer un médecin qui essaie de guérir, soulager et surtout prendre soins de ses patients, par un médecin tueur. Ce qui contredit la mission de la médecine

    De plus, les gens favorisant l'euthanasie active ou le suicide assisté peuvent le faire pour eux même parce qu'ils sont seuls titulaires des droits associés à leurs corps, sans aucune intervention d'une loi qui peut légaliser une telle procédure. Par contre, c'est inacceptable de l'appliquer sur le corps des autres personnes que se soit père ou mère ou soeur ou fils ...."désolé je suis contre".

    il faut réfléchir et certainement pas banaliser les conséquences de cet acte qui peut être très terrible pour tout le monde.

    Pour moi, le plus grand problème se situe dans le fait qu'il devient de plus en plus difficile de mourir naturellement de nos jours et de laisser la décision dans les mains de dieu que dans les mains d'un médecin ou deux médecins.

    hanane
    Enp7505
    GR:023

  • Je suis en tout point d'accord avec votre réflexion. Toutefois, il me reste tout de même quelques intérrogations ou préoccupations. Par exemple, comment peut-on définir la qualité de vie? C'est en fait avec ce genre de critères avec lesquels devront travailler des comités d'éthique. Pour moi, cette question demeure entière, car elle relève de la subjectivité.

    Aussi, quels seront les balises qui guideront les travaux des comités d'éthique. Nous le savons, là où il y a de l'homme, il y a de l'hommerie. Les dérapages sont possibles et dans cette situation, il sera imposible de se reprendre.

    L'euthanasie est un choix individuel alors que nous sommes des être de relations. Rien pour nous aider....

    Mais comme la question est posée, nous devons y répondre. Alors je dirai que suis pour car mon libre arbitre transcende toutes ces questions.

    Bonne réflexion à tous!
    Christine

Les commentaires sont fermés.