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Mourir dans la dignité

Je suis convaincue du caractère sacré de la vie. La qualité de vie. Le respect de la vie. Deux notions qui nous amènent bien des questionnements, comme le démontre la Commission publique ayant présentement lieu à Montréal.

 

Les intérêts et opinions divergent grandement dans ce débat qui soulève de nombreuses questions éthiques, médicales et juridiques. Des questions sur lesquelles il faut se pencher en toute connaissance de cause. Le très intéressant document de consultation a permis d’expliquer clairement les différentes notions et de présenter les enjeux importants mis en cause. Vieillissement de la population, qualité de vie, qualité des soins, coûts des soins prodigués, revenus assurés pour les compagnies qui peuvent profiter par les produits prolongeant la survie… Par ailleurs, ce débat met aussi en jeu les principes d’autonomie, d’inviolabilité et d’intégrité de la personne. Il n’est pas seulement question d’une bataille fédéral / provincial ou juridique. Il s’agit d’un débat touchant aux valeurs de notre société, aux choix fondamentaux que nous avons à faire, à nos croyances en tant que société multiculturelle.

 

Tous ces questionnements n’ont rien de faciles. J’ai réfléchi longuement avant de me lancer dans l’écriture de cet humble texte. Comment mettre des mots sur une réflexion si difficile, tant sur le plan émotionnel que cognitif ? Je ne peux m’empêcher de penser à mon grand-père, décédé il y a un mois d’un cancer généralisé, qui alternait entre une douleur terrible dans les derniers jours de sa vie ou une stupeur médicamentée où il ne pouvait même plus reconnaître ses petits-enfants… Si ses souffrances avaient dû se poursuivre, la famille aurait-elle eu à envisager une telle décision… ?

 

Je pense que nous vivons en ce moment dans une société où l’euthanasie et le suicide assisté existent, même s’ils ne sont pas légiférés. C’est un flou thérapeutique qui se pratique et qui peut être dangereux et difficile tant pour les médecins, les patients que leur famille.

 

J’aimerais tout d’abord préciser que, selon moi, en aucun cas le suicide assisté ou l’euthanasie ne devraient être des prétextes pour libérer des lits ou être liés à des questions d’héritage, par exemple. Il ne s’agit pas non plus de mettre fin à la vie du malade dès que quelqu’un se sait condamné. Il ne faut pas sombrer dans un eugénisme économique justifié par la compassion. De ce fait, il est à mon avis d’une importance primordiale d’investir dans les soins à domicile, l’aide aux aidants naturels et dans les soins palliatifs. Il faut entourer les patients et leurs proches, les guider pour qu’ils apprivoisent la mort, pour les aider à faire leur deuil. Il est aussi indispensable que chacun ait droit à des soins adéquats et de qualité.

 

Cela dit, il m’apparaît essentiel que chacun ait la possibilité, le moment venu, de faire son choix (quel qu’il soit) de façon libre et éclairée, donc sans qu’il n’y ait de pression de l’extérieur et en ayant toute l’information nécessaire se rapportant aux soins qui lui seront donnés ainsi qu’à son état.

 

Dans le cas des personnes ayant l’aptitude à consentir aux soins, je considère qu’il est important que chacun ait la possibilité de vivre selon ses choix. Il faut respecter le désir de vivre le plus longtemps possible lorsque c’est le cas, mais aussi le fait que la mort appartient à l’individu. Je pense donc qu’il est nécessaire de respecter le choix de demander un arrêt de traitement (médication, appareillage maintenant en vie…). Il semble trop souvent que, dès que l’on est pris en charge par le système médical, on perd tout contrôle sur notre choix quant à la façon de terminer notre vie. Pourquoi s’acharner auprès des personnes en phase terminale, désirant mourir, dont la maladie est irréversible et qui ne peuvent même plus respirer ou manger par eux-mêmes ?

 

Dans ce même ordre d’idée, il est selon moi important de ne pas laisser les personnes souffrir lors de leurs derniers moments et de ne pas s’acharner à prolonger ceux-ci indûment. Il ne faut pas prolonger la vie au détriment de la dignité ou dans des conditions inhumaines. Cela est nécessaire tant pour les patients que pour leurs familles. Ces dernières souffrent et en viennent souvent à devoir prendre des décisions extrêmement difficiles. Doit-on aider grand-papa à quitter cette vie alors qu’il souffre tant et qu’il est condamné ? Est-ce que je peux regarder ma fille souffrir ainsi encore longtemps, prisonnière de son corps, alors qu’il n’y a plus rien qui puisse être fait pour l’aider ? Plutôt que de se retrouver seules avec ses questions si difficiles, pourquoi ne pas les aider en mettant en place des balises claires et des moyens soutenants ?

 

Même si cette décision doit être incroyablement difficile, je considère que les personnes souffrant d’une maladie incurable, invalidante ou qui éprouvent des douleurs (physique ou mentale) n’ayant pas de possibilité de soulagement devraient avoir droit à la sédation terminale ou au suicide assisté. Si c’est ce que ces personnes désirent. Je ne crois en effet pas qu’il faille prolonger une vie qui est dénudée de dignité, de qualité, de sens. En cela, un testament de vie, pour aviser ses proches de sa décision, serait aidant avant d’en arriver au moment ultime.

 

Quel que soit les décisions prises sur le plan national suite à la consultation publique, il n’en demeure pas moins que l’euthanasie et le suicide assisté relèvent du gouvernement fédéral, puisqu’ils sont reliés au code criminel. Le fédéral s’est montré fermé jusqu’à maintenant, rejetant le projet de loi déposé par la députée bloquiste Francine Lalonde en avril 2010. Je considère tout de même que la loi gagnerait à être amendée à ce niveau. D’ici là, ce sont tout de même les provinces qui appliquent les dispositions du droit criminel et qui pourront donc décider d’intenter ou non des poursuites criminelles ou pénales. J’espère que le gouvernement du Québec saura faire un choix éclairé en la matière, en se fiant entre autres aux expériences faites à l’extérieur du pays. Par exemple, l’expérience de la légalisation du suicide assisté en Oregon (2007) n’ayant pas causé une avalanche de ceux-ci. Seulement 0.2% de tous les décès depuis sont survenus par ce moyen. En Belgique, il s’agit de 0.2 à 0.9% de tous les décès qui sont attribués à l’euthanasie entre 2003 et 2009.

 

Quelle que soit la décision prise, les impacts seront majeurs. Il faudra être clair dans la façon de formuler la loi ou son amendement, s’il devait y en avoir un. Les dérapages sont possibles (abus, injustices…), mais il n’en demeure pas moins que, selon moi, le gouvernement fédéral devrait modifier les règles en vigueur, afin de donner une meilleure marge de manœuvre aux médecins et aux patients.

 

Mourir est une étape inéluctable. Il est donc primordial que cette étape incontournable soit vécue dans la dignité et le respect, de façon libre et éclairée. Il faut ainsi, selon moi, accepter la mort naturelle et l’euthanasie sainement pratiquée.

 

Marianne Paquet

ÉNAP

Commentaires

  • Marianne la toujours battante dresse le chemin de la parole pour les autres. On en veut encore...!
    Prof

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