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Le droit à la santé aux États-Unis d’Amérique ou la survie de l’État de droit

Blogue #2  El-Hadji Sawaliho BAMBA :   le droit à la santé aux États-Unis d’Amérique ou la survie de l’État de droit

Selon la Constitution française de 1958, la démocratie se définit par "le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple".  En d’autres termes, c’est le régime politique dans lequel  le peuple est souverain et détient collectivement le pouvoir. Elle repose sur les principes de  l’égalité, de la  liberté, de la justice et de la solidarité.

Dans un État de droit[1],  toute la société est basée sur un système de droits constitutionnel, public et administratif qui garantissent la démocratie aux citoyens. Le droit constitutionnel définit ses fondements légaux  qui reposent  sur la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judicaire. Le doit public établit son organisation et son  fonctionnement. Le droit administratif fixe les règles qui régissent le fonctionnement de l’administration ; cette dernière applique et exerce le droit en faveur des populations. Pour ce faire, l’administration publique reçoit les taxes et les impôts pour financer les services et répartir la richesse. L’État de droit   s’engage à créer et  à redistribuer  équitablement la richesse collective.

 

L’objet de notre contribution vise, dans une approche comparative,  à analyser la crise politique intervenue suite à la reforme  du système de santé proposée et adoptée par le parti « démocrate » des États-Unis d’Amérique. Il s’agit, à la  lumière des normes essentielles définissant un État de droit et son fonctionnement démocratique, d’analyser les réactions de la classe politique américaine. Dans une démarche descriptive et comparative, nous questionnons la montée de l’extrême droite  ces dernières années dans les démocraties européennes. La description critique de cet avatar de la démocratie européenne permet  de  mieux comprendre les enjeux sociaux politiques de la reforme du président Obama.

 

La reforme de la santé aux États –Unis d’Amérique

Jusqu’en 2008,  la première puissance économique du monde comptait au moins 46,3 millions d'Américains qui ne bénéficiaient d’aucun régime d’assurance-maladie ; les assureurs refusent de leur fournir des polices en raison de leur bilan de santé ou simplement annulent leurs polices après avoir versé des indemnisations. Ce qui a pour conséquence que des pauvres meurent aux États-Unis d’Amérique,  faute d’accès aux soins médicaux. Pendant ce temps, les nantis américains  sont soignés dans des conditions optimales,  contribuant ainsi à maintenir  la « fracture sociale » insoutenable dans tout État de droit. Le rétrécissement de la  « fracture sociale »  justifie, entres autres, la volonté du président Obama de mettre sur pied un régime  de couverture médicale publique pour les millions d’Américains exclus par le système actuel.  De façon concrète,  le président et ses alliés démocrates ont adopté  la création de bourses des assurances afin de permettre aux citoyens américains de s'assurer plus facilement et à meilleur coût.

 

Loin d’être une action politique ou un reniement de l’idéologie libérale, les défis  majeurs portent    sur la solidarité,  l’accessibilité et l’intégralité des soins essentiels à la majorité des citoyens. Il s’agit également, d’appliquer et d’exercer le droit à la santé pour tous ; ce qui permet  de redistribuer les richesses atteignant   le niveau  ultime de l’État de droit ; les États-Unis d’Amérique, par cet acte,  donnerait un contenu aux principes d’universalité (accès à tous les citoyens sur l’ensemble du territoire) liés à ceux  d’égalité des citoyens, en passant du stade de la création de la richesse à celui de sa redistribution  à la majorité des citoyens.  Au plan économique, le parti « démocrate », prétend – cela est discutable-   réduire le déficit budgétaire  et favoriser ainsi la création de richesse.  Au total,  le parti « démocrate » vise à faire droit aux principes fondamentaux de la démocratie et de l’État de droit comme l’égalité, la solidarité, la justice par une équité dans l’accès au bien-être et au  mieux-vivre collectifs.

Les  adversaires de la reforme,  usant des principes démocratiques, notamment ceux des libertés d’opinion, d’action et d’expression critiquent la reforme. Fondamentalement, la réserve se fonde sur la cohérence entre ce type de reforme et l’orientation libérale de la société américaine ; ladite reforme nécessitant la prise en charge du système de santé par l’État,  ne peut qu’accroitre l’interventionniste de l’État. Au plan des libertés fondamentales, la reforme oblige les Américains à souscrire  à une police d'assurance-maladie. Au plan des finalités économiques, les républicains estiment  que ce type de reforme budgétivore, risque d’aggraver le déficit budgétaire.

Les postions des deux blocs politiques  reflètent la norme d’un  débat démocratique dans un État de droit ; le parti majoritaire gouverne par des textes législatifs et réglementaires  et l’opposition s’oppose par la contre argumentation. Mais l’actualité ces derniers jours fait apparaitre des signes inquiétants et effroyables dans un État de droit. Des  sénateurs démocrates sont menacés de mort pour avoir apporté leur vote au projet de reforme. La radio « chorus » de Montréal a rapporté le jeudi 24 mars  2010  que   des cercueils ont été déposés dans l’arrière cour d’un des sénateurs « démocrates » pour avoir soutenu la reforme.  Malgré le caractère antidémocratique de telles actions, l’on peut penser qu’elles constituent des actes isolés d’extrémistes ou d’anarchistes. Que non! Selon la même radio, rapportant les résultats d’un récent sondage américain,  24% des élus républicains taxent Obama d’antéchrist pour avoir fait adopter la reforme de santé. Dans le même élan, la candidate malheureuse aux dernières élections présidentielles américaines,  la sénatrice Sarah Palin,  n’est pas allée de main morte, en mobilisant les « the blooded American » pour s’opposer à la reforme lors d’un regroupement politique d’un  groupe extrémiste (le Tea party) dans le Nevada. Bien plus que sa présence à ce meeting, ce type de discours questionne d’une part, les  rapports du parti « républicain »  des États-Unis d’Amérique avec l’extrême droite  et d’autre part,  son attachement aux valeurs démocratiques. Si ces dérives verbales ne peuvent suffire  pour remettre en cause l’attachement du parti « républicain » aux valeurs démocratiques, on peut cependant s’interroger sur leur bien-fondé dans un État de droit ;  Penser et dire qu’un adversaire représente le diable construit-il la démocratie ou permet-il de conquérir le pouvoir?  La citoyenneté dans les états de droit est-elle liée au sang ou au droit?  Ces dérives ne remettent-elles pas  en cause l’orientation libérale des États –Unis que la reforme qu’ils combattent?  La violence est-elle un moyen de contestation politique dans un État de droit? Comme on le constate déjà, par la présence de la Sénatrice Sarah Palin à la réunion du « Tea party », l’enjeu majeur de ce type de combat ne revient-il pas  à faire le lit aux valeurs de l’extrême droite?

 Pour notre part,  nous en sommes convaincus ;  la situation politique  française, voire européenne, fonde notre conviction

Les vielles démocraties européennes ont du mal à redistribuer les richesses collectives. En Franc, malgré les efforts des gouvernants,  à travers des outils comme le Revenu Minimum d’Insertion(RMI) ou le Revenu de Solidarité Active (RSA), la «fracture sociale» reste une réalité palpable dans toutes les grandes villes françaises. On y trouve presque toujours, face à des quartiers huppés, des grandes  banlieues de concentration de la pauvreté sociale.  L’échec ou l’incapacité de tout  État de droit à réaliser une  transition réussie de la création de la richesse à sa redistribution équitable, favorise le dépit et le découragement des populations. Les citoyens doutent des instruments démocratiques et se  refugient dans les valeurs simplistes prônées par l’extrême droite. 

 La montée de l’extrême droite en France

Si l’on doit retenir deux faits essentiels de dernières élections françaises, ce sont  la victoire de la gauche et la remontée du Front National (FN), un parti d’extrême droite. Les valeurs  affichées du FN sont le nationalisme et la remise en cause de l’ordre mondial actuel. Ce parti en remettant en cause les chambres à gaz, affiche clairement son attachement à l’antisémitisme et au nazisme. Il ne cache pas son attachement au racisme et à la xénophobie. « Lors des dernières élections, il a confectionné une affiche représentante  une femme intégralement voilée à côté d'une carte de France recouverte du drapeau algérien sur laquelle se dressent des minarets en forme de missiles. Sur l’affiche, il était mentionné : «non à l'islamisme» - Cette affiche a été interdite par la justice française. Son leader,  Monsieur Jean-Marie Le Pen,  répète souvent qu’il « préfère les étrangers quand ils sont chez eux ». Le FN étale au grand jour son anti parlementarisme et son apposition de principe au système de libre-échange  qui fonde la mondialisation. A juste titre, rejoignons Michel Winock[2]   (2004) à partir d’une analyse descriptive du FN, pour dire :

 « les partis d’extrêmes droite se caractérisent par   la haine du présent, considéré comme une période de décadence,  par l'anti-individualisme, conséquence des libertés individuelles et du suffrage universel et par  la peur du métissage génétique et de l’effondrement démographique ».

En France, ces dernières années, le FN bien qu’aux antipodes des valeurs démocratiques, monte en puissance au plan électoral. En  2002, au premier tour des élections présidentielles,  il devient la deuxième force politique  avec 17 % des suffrages. Son candidat s’est retrouvé au deuxième tour. La même année, la mobilisation des démocrates  contre ses idées non démocratiques, ramènera son score à 4,3 % lors des élections législatives. Alors que l’on était en droit de penser que le FN était en train de disparaitre, il devient la troisième force politique aux dernières élections régionales avec 22% des suffrages. Ce qui questionne l’avenir de la démocratie dans les consciences des électeurs. Les nombreux suffrages exprimés et de façon répétitive   pour un parti dont les fondements idéologiques et la stratégique de conquête de pouvoir, remettent en cause l’État de droit et tous les principes démocratiques,  expriment-ils seulement un dépit ? N’est ce pas également la manifestation d’un péril progressif des valeurs  démocratiques dans les consciences des populations ?  Sinon, comment peut –on comprendre que 22% des électeurs français, c'est-à-dire, un peu d’un électeur sur cinq soutienne la remise en cause du parlementarisme, la remise en cause du libre échange, n’accepte pas les principes des libertés individuelles et du suffrage universel?  La situation en France, loin d’être un cas isolé, reflète une réalité à l’échelle européenne. En 1999[3], en Autriche, le parti  de JorgHaider a remporté les élections et a gouverné avec  le parti conservateur ; il en a été de même en Italie où le président Berlusconi a du s’appuyer sur deux formations d’extrême droite,  « la Ligue lombarde d'Umbcrto Bossi et l’Alliance Nationale de GianfrancoFini » pour gouverner entre 1995 et 1997. En Belgique, l’extrême droite rassemblée dans « le Vlaams Blok »,  a obtenu 33 % des suffrages aux élections communales à Anvers en octobre 2000 et près de 10 % aux dernières élections législatives et européennes. Aux Pays-Bas, l’entrée  spectaculaire de la  liste « Pim Fortuyn » avec 17%, des sièges entre au Parlement, après seulement trois mois d’existence politique. 

La France,  malgré ces suffrages massifs exprimés pour le FN, reste un État de droit. Cependant le niveau de légitimité de l’extrême droit questionne  la mise en œuvre des principes et valeurs démocratiques en France

Loin d’exprimer absolument un danger de retour du fascisme dans l’Europe démocratique, les succès électoraux de l’extrême droite illustrent très bien une tendance d’interrogation sur les valeurs et les principes démocratiques. Chaque fois que les populations se sentent exclues des retombées des richesses créées collectivement, elles se refugient dans le populisme de droite. ce qui lui permet d’en faire  un rempart contre un État de droit qui abandonne pour des raisons diverses, ses engagements primaires : l’accessibilité aux soins médicaux, à l’éducation, à un mieux-être et à un mieux-vivre. Tout se passe comme si les populations, lasses d’être toujours pauvres et désespérées par la gouvernance   des partis démocratiques  européens, qu’ils soient de la gauche, de la droite ou du centre,  se retrouvent à utiliser la démocratie pour la fusiller.

Enfin, les scores de plus en plus élevés de l’extrême droite  en France relativement aux autres pays européens, semblent montrer que, plus la population est hétérogène au plan de sa composition sociale, plus le processus d’adoption des valeurs de l’extrême droite s’amplifient. Cette thèse donne une composante raciale très importante dans le mécanisme  d’évolution des idées de l’extrême droite dans la société. Les États-Unis d’Amérique, appelés pays arc-en-ciel pour mettre en évidence sa diversité raciale, réunirait ainsi  les conditions potentielles d’une évolution plus rapide  à  l’avancée des valeurs de l’extrême droite. les États-Unis d’Amérique peuvent-ils  s’en accommoder? Comment peut on imaginer que les États-Unis d’Amérique remettent en cause le libre échange, la démocratie, les libertés individuelles? Si aujourd’hui, au regard de la culture démocratique américaine,  ces questions paraissent paradoxales, il faut toutefois craindre  que des combats tels ceux des adversaires de la reforme du système de santé ne viennent les légitimer. L’avancée et l’implantation des idées de l’extrême droite dans tout continent, dans toute culture produisent les mêmes effets globaux, toute chose étant égale par ailleurs.

Au total, pour toutes ses raisons, il faut souhaiter que la reforme de santé du président Obama réussisse.  Ce qui suppose encore plus d’audace et d’ambition.  La référence du voisin canadien, qui s’est affranchi de l’extrême droite, peut servir à approfondir le modèle de régime d’assurance maladie. Pou ce faire, la reforme devra, à terme,  adopter des principes[4] audacieux comme la gestion publique ,  l’intégralité , l’universalité, ,  la transférabilité  et  l’accessibilité  . En d’autres termes,  la gestion de l’assurance maladie est exercée par une autorité publique,  tous les types de soins sont couverts,  les citoyens ont une égale admissibilité dans les structures sanitaires,   les droits sanitaires des citoyens sont transférables dans toutes les provinces et un accès raisonnable aux différents services est assuré pour tous.  La survie de l’État de droit dans le pays arc-en-ciel en dépend.



[1]Note de cours, Principes et enjeux de l’administration publique de Monsieur  Trudel Rémi, ÉNAP Montréal  (Hiver 2010)

 

[2] Michel Winock (2004, « l'invention de la démocratie, 1789-1914 »  Seuil, l'univers historique,  2004

[4] Note de cours, Principes et enjeux de l’administration publique de Monsieur  Trudel Rémi, ÉNAP Montréal  (Hiver 2010)

 

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