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BLOGUE #2 - GATINEAU - DE QUOI SE MÊLE L'ÉTAT? - (BROSSARD)

Parmi tout le plateau des quelque 2 800 organismes publics qui assurent au quotidien le fonctionnement et le développement de l’État québécois, il s’en trouve certaines qui font saliver d’envie tout le secteur privé. Vous avez deviné? Ce sont les monopoles d’État, comme Hydro-Québec ou, plus fréquemment encore, la Société des alcools du Québec.

 

L’Institut économique de Montréal, s’inquiétant « des conséquences du vieillissement rapide de la rapide de la population québécoise sur notre capacité à assurer le maintien de notre système universel de soins de santé, étant donné que les citoyens du Québec se classent déjà parmi les plus taxés et les plus endettés en Amérique du Nord. » propose de vendre Hydro-Québec pour renflouer les coffres.

 

Quand je vous dis qu’ils salivent : ils ont déjà figuré comment débiter les morceaux de l’animal : « Puisque la structure d’Hydro-Québec a déjà été divisée en quatre entités autonomes (Production, TransÉnergie, Distribution et Équipement), on pourrait tenir compte de ces divisions pour l’inscription progressive de l’entreprise à la Bourse de Toronto. La première division à être privatisée serait Hydro-Québec Distribution. Une fois cette étape accomplie, il serait plus facile d’ajuster les tarifs en fonction des coûts encourus pour obtenir cette électricité puisqu’une société privée se doit de faire des profits. »

 

Autrement dit, votre maison est magnifique, mais vous avez une hypothèque! Vendez-nous-la, vous pourrez ainsi rembourser votre hypothèque et nous pourrons ensuite vous louer cette magnifique maison en fonction des coûts encourus pour l’obtenir, puisqu’une société privée se doit de faire des profits. 

 

Il s’agit bien sûr encore une fois, d’une remise en cause du modèle québécois et des choix que nous avons fait pour assurer notre croissance et redistribuer la richesse collective. En effet, la nationalisation de l’électricité, après avoir permis au Québec de se doter d’une technostructure et d’une technologie de pointe, lui permet d’offrir aux Québécois une énergie propre à bas prix et peut servir de moteur économique pour développer d’autres grands projets et attirer des entreprises en leur offrant des tarifs énergétiques intéressants. Ce qui est structurant pour notre économie.

 

Mais tant qu’à vendre l’Hydro, pourquoi ne pas nous la vendre à nous-mêmes? L’idée est surgie dans le Devoir en 2008. La Caisse de dépôt et placement du Québec se porterait acquéreur de la société d’État pour la valeur de la dette du Québec plus 15 milliards de dollars pour constituer un fonds dont les rendements serviraient uniquement en périodes difficiles (c'est-à-dire maintenant!). Qui a dit que l’administration publique n’était pas simple? C’est comme avoir le beurre et l’argent du beurre! Comme astuce, on peut difficilement trouver mieux. Et quand l’Institut économique de Montréal rapplique avec ses rengaines, on lui dit que c’est trop tard, on a déjà vendu l’Hydro, mais qu’il nous reste encore la Société des alcools! Parce que cet autre monopole intéresse aussi ces gens.

 

La vente d’alcool au Québec est un monopole d’État depuis 1921. À l’époque, la prohibition régnait partout en Amérique du Nord et le Québec se distinguait déjà. La modération avait bien meilleur goût que l’abstinence. Le monopole de la Commission des liqueurs a été créé pour des motifs de santé et de bon ordre public, parce que l’alcool n’est pas un bien comme les autres. On contrôlait ainsi l’accessibilité à l’alcool. Mais ce qui devait arriver arriva, puisque du 1er mai au 31 décembre 1921, la Commission avait encaissé des revenus de 9, 325 M$, dont 4 M$ de bénéfices. Encore de quoi faire saliver!

 

L’Institut économique de Montréal pose la question : Le monopole de la Société des alcools du Québec est-il toujours justifié ? Ils fournissent aussi la réponse à l’effet qu’elle devrait être privatisée. Leurs arguments sont que le secteur privé, vu son efficacité, permettrait aux consommateurs de meilleures conditions de marché concernant les prix et les heures d’ouverture. Or la province de l’Alberta s’est laissée tentée par la privatisation de son monopole d’alcool en 1993. Une étude portant sur ses impacts, réalisée 10 ans plus tard, fait ses observations : « De tous les arguments en faveur des privatisations, celui voulant que le secteur privé soit plus efficace que le secteur public est, plus souvent u’autrement, avancé par les gens d’affaires voulant mettre la main sur des secteurs rentables de l’économie. Dans le cas de la privatisation de l’ALCB, cet argument fut avancé à plus d’une reprise. Près de dix ans plus tard, les faits tendent toutefois à démontrer, au contraire, l’inefficacité du secteur privé. Que ce soit au niveau de la sélection disponible en magasin, des prix ou des conditions de travail, les faits démontrent que le secteur privé n’a pas réussi là où le gouvernement albertain réussissait très bien. »

 

L’État doit prendre en compte des préoccupations concernant la santé publique dans ses décisions. L’alcool étant une drogue psychotrope, la question de son commerce doit être traitée avec prudence.

 

Puisque, depuis le virage commercial qu’a effectuée la SAQ il y a quelques années, avec les promotions, circulaires,  cartes à gratter, certificats-cadeau à l’achat de 100 $ d’alcool, etc. pour stimuler les ventes, l’argument de la tempérance est moins tangible, peut-on encore justifier le monopole?

 

Cette intensification des pratiques de vente incitatives de l’alcool inquiète l’Institut national de santé publique du Québec qui effectue une vigie spécifique sur le monopole de la SAQ en consacrant des rapports spécifiques sur la question et en les mettant à jour périodiquement (rôle de contrôleur de l’État).

 

Le vérificateur général du Québec aborde aussi cette question dans son Rapport spécial à l’Assemblée nationale concernant la vérification particulière menée auprès de la Société des alcools du Québec : « Comment offrir à la clientèle une gamme de produits variée, au meilleur prix de détail, en maximisant les dividendes à l’actionnaire et en maintenant la consommation d’alcool à des niveaux acceptables? ».

 

On peut être critique face à la façon dont la société est parfois gérée, mais notre système politique possède des mécanismes pour l’exprimer. Un ministre en est responsable et doit en répondre.

 

 

 

Toutefois, est-il permis de douter qu’un opérateur privé soit plus scrupuleux à cet égard? Voici la position de l’Institut économique de Montréal à ce sujet : « Cependant, même si l’alcool pouvait être à l’origine de maladies graves, le monopole de la SAQ ne s’en trouve pas  justifié pour autant.[…] Même s’il y a des risques pour la santé, les consommateurs prennent en compte ces effets potentiellement dangereux et les rajoutent aux coûts monétaires qu’il faut débourser pour consommer des boissons alcooliques. »

 

Il s'avère donc que seul un monopole d’État sur la vente au détail de l’alcool est en mesure de garantir un équilibre entre les enjeux de santé et de sécurité publiques et les enjeux se rapportant à la satisfaction de la clientèle. Parce qu'il permet d'exclure la recherche de profits personnels de ces opérations commerciales et qu'il pose certaines limites à l'accessibilité du produit (lieu, nombre et heures d'ouverture des points de vente, et la fixation des prix). Avec une privatisation partielle ou totale de la SAQ, le pire des scénarios serait bien sûr celui affectant le réseau de vente au détail. Ce serait comme retirer le filet protecteur que se sont collectivement donné les Québécois il y a maintenant près de 100 ans sur la façon de contrôler le  risque social rattaché à l'alcool, un produit pas comme un autre!

 

Dans une étude récente de l’Organisation mondiale de la santé, parmi 31 options possibles, un groupe international d’experts de l’alcoolisme a classé les dix « meilleures pratiques ». Le monopole d’État sur les ventes au détail se classe deuxième après la fixation d’un âge légal minimum pour l’achat de boissons alcoolisées.

Comme pour tous les services de l’État, l’accessibilité universelle et un prix égal de l’alcool sont assurés par le fait du monopole. En effet, dans un libre marché, comment pourrait-on s’assurer que les gens de la Gaspésie ou de l’Abitibi payent leur rouge au même prix que ceux de Montréal ou Québec?

 

Comment ne pas aborder la question des profits? Parce que comme, comme cité précédemment, «une société privée se doit de faire des profits. »  Tant qu’à contrôler la vente de l’alcool pour  toutes les raisons énumérées, pourquoi ne pas en profiter pour financer l’ensemble des services que l’État rend à la population?

 

Public choice oblige, laissons donc le dernier mot sur la question aux électeurs. Dans un sondage de la firme Léger Marketing, commandé par l'institut économique de Montréal (encore elle!), on constate que 63 % des Québécois demeurent partisans du maintien d'un monopole d'État pour la vente d'alcool, contre 30 % qui jugent que cette opération devrait être confiée à l'entreprise privée. Rappelons que ce sondage a été effectué en 2005, au sortir d’une grève qui avait fait passer un Noël sec à bien des Québécois. C’est donc dire l’attachement des Québécois pour leur monopole!

 

Heureusement que l’État s’en mêle!

 

 

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