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Blog N0 2. Budget 2010-2011.Une obsession démesurée vers le retour à l’équilibre budgétaire.Québec a t-il besoin de Keynes à son chevet?

 

 

Par:  Nel Ewane, ENP 7505, Grpe 25
         Montréal, Jeudi soir, Blog No 2


Parmi les principes fondamentaux qui régissent le processus budgétaire, notamment le principe de l’annualité, de l’universalité, de la limitation et de la spécialisation budgétaire, l’équilibre budgétaire occupe une place centrale en ce sens qu’il prescrit de façon presque rigide l’équilibre entre les dépenses et les recettes de l’État.

Cet engagement au déficit zéro qui vise à rééquilibrer les dépenses et les revenus publics fait même force de loi avec l’adoption du projet de loi N0 3 (1996, chapitre 55) qui est la loi sur l’élimination du déficit et l’équilibre budgétaire. Cette loi  selon les termes énoncés dans sa note explicative  prévoit l’élimination du déficit budgétaire du gouvernement dès l’année financière 1999-2000 et le maintien de l’équilibre budgétaire au cours des années subséquentes.
 À l’automne 2009, comme on peut le lire dans le plan budgétaire 2010-2011, un projet de loi modifiant la loi sur l’équilibre budgétaire a été adopté par  l’Assemblée Nationale afin, notamment, de prévoir une élimination graduelle du déficit. Ce déficit devra totalement être éliminé en 2013-2014. Et à partir de ce moment, comme le dit Pierre Cliche  le gouvernement ne pourra dans sa gestion, encourir aucun déficit budgétaire. 

Tout ceci illustre de manière éloquente, le fait que  le slogan « le déficit zéro d’abord  » dont parle Jean-Sébastien Bernatchez dans sa chronique économique à Radio Canada, se trouve au cœur de la politique budgétaire de Québec.

Comment à travers ce budget 2010-2011, améliorer les fondamentaux de l’économie québécoise (PIB, taux de chômage,  taux d’inflation, exportations, paiement du service de la dette, etc..) tout en gardant le cap vers le déficit zéro? Comment réduire les dépenses publiques, augmenter les impôts et les tarifs sans appauvrir la classe moyenne, ni diminuer la qualité du service public? Comment comprendre et mettre à contribution la théorie générale de Keynes sur la politique budgétaire de Québec?

Totalisant le faramineux montant de 4,3 milliards de dollars pour l’année budgétaire 2009-2010 avec des projections de 4,5 milliards de dollars pour l’année 2010-2011, le déficit budgétaire représente un lourd fardeau avec lequel le gouvernement est au prise. Ce solde budgétaire négatif, a conduit Québec vers un endettement constant, prolongé et même chronique (un peu plus de 50% de l’économie de la province). Ce qui a considérablement réduit sa marge de manœuvre dans la mise en œuvre de nouvelles initiatives ainsi que l’intervention et la régulation  de l’économie nationale.

L’assainissement des finances publiques à travers le retour à l’équilibre budgétaire représente à ce titre, pour le gouvernement du Québec, la condition sine qua non pour le retour à la prospérité nationale.
Selon les orientations économiques et budgétaires du gouvernement contenues dans le budget 2010-2011, le plan qui rétablira l’équilibre budgétaire en 2013-2014, se résume par ce que j’appellerai la règle du 62-31-7. Par cette règle le gouvernement devra assumer 62% des efforts liés à la contraction des dépenses. Les 31% et 7% seront assumés respectivement pas les contribuables et les entreprises.

Les mesures du plan sont les suivantes :


1. Contrôler et limiter la croissance des dépenses de programmes à 2.9% pour l’année 2010-2011 et à 2.2% pour les années suivantes. Cette limitation de la croissance des dépenses prévoit quand même pour 2010-2011, une augmentation des dépenses de santé, d’éducation, des transports, du ministère de la famille et des aînés respectivement à 3.7%, 2.2%, 9.4%, 5.4%. Ce qui en valeur nominale représenterait environ 2 milliards de dollars.


2. L’augmentation des revenus de l’État à travers des hausses de TVQ (1% d’ici 2012), l’augmentation des taxes sur le carburant, des tarifs d’électricité et l’instauration d’une taxe santé.
Si toutes ces mesures sont respectées, le déficit budgétaire, selon le budget 2010-2011 passera de  4.5 milliards de dollars en 2010-2011 à :
- Un déficit de 2,9 milliards de dollars en 2011-2012;
- Un déficit de 1,2 milliard de dollars en 2012-2013;
- l’équilibre budgétaire en 2013-2014.

La question toute pessimiste que suscite ce plan de déficit zéro est de savoir s’il est réaliste et réalisable à travers le prisme de l’approche budgétaire Keynésienne.
D’abord, selon la thèse de Laffer que reprend à son compte Pierre Cliche (2009. P.43), « Trop d’impôt tue l’impôt ou alors les hauts taux tuent les totaux».  Une hausse de la pression fiscale sur les ménages et les entreprises diminue l’assiette d’imposition, donc les recettes publiques. Il serait par conséquent approprié de maintenir des taux d’impositions à un niveau optimal afin de relancer l’activité économique.

Dans le cas de ce budget 2010-2011 que Rémy Trudel qualifie de Budget homéopathique, il s’agit d’euthanasier le contribuable par un étranglement à petite dose de pilule qui le conduira jusqu’au bout de son dernier souffle. L’effet escompté d’augmentation des revenus de l’État risque de ne pas se produire par le fait même d’une faible incitation au travail, et d’un faible taux d’investissement des entreprises.

Considérant la théorie générale de Keynes, Mercier (2002. P.185) note que Keynes énonçait qu’il n’existe pas d’équilibre budgétaire parfait et qu’un budget équilibré pouvait être nocif à l’économie, du fait de son caractère cyclique. Tout État qui veut se tirer d’une économie en surchauffe devrait tenter d’augmenter les revenus des ménages par une diminution des impôts et/ou une augmentation des dépenses afin que les ménages accroissent leur demande en biens et services avec un corollaire sur la création d’emploi.
La croissance des dépenses à un rythme plus élevé que la croissance des revenus est pour Keynes, un moyen de rétablir les fondamentaux en situation conjoncturelle malgré le déficit provisoire qu’il crée.

Il s’agit donc comme le fait remarquer Bernard Maris  d’une relance par le déficit du budget, la fin du laissez faire de l’idéologie libérale et l’appel à l’interventionnisme d’État par le principe de subsidiarité. «Les agendas de l’État ne sont pas des fonctions qui sont déjà remplies de manière privée mais celles qui ne le sont pas, et les décisions qui ne seront prises par personnes si l’État ne les prend pas»

Dans le cas du Québec et selon le modèle Québécois de l’État protecteur du citoyen, il se pourrait que les prescriptions de Keynes aient été mal appliquées. Le déficit provisoire recommandé par Keynes a laissé place à toute sorte d’abus par la classe politique qui trouvait là un argument de taille, électoralement rentable. De déficit provisoire en déficit provisoire, le provisoire a fini par devenir provisoirement définitif.  Le gouvernement du Québec fait face aujourd’hui à un problème endémique et croupit sous le poids d’une lourde dette et d’un déficit budgétaire chronique. L’augmentation des impôts, taxes et autres tarifs contenus dans le budget 2010-2011, dans ce contexte de faibles revenus des ménages, de baisse de la consommation, de taux de chômage relativement élevé, contraste encore avec l’approche Keynésienne qui recommande une augmentation des revenus de ces derniers et non des prélèvements forcés et additionnels chez les contribuables.

La politique budgétaire étant un instrument de politique économique et une arme à double tranchant comme le note Mercier, Québec  ne doit pas se laisser obstinément aller, coûte que vaille et à n’importe quel prix, à la réalisation du déficit zéro. Il devrait le faire avec beaucoup de prudence, souplesse, graduellement, en tenant compte des externalités que des mesures brutales engendreraient.
Et pour conclure, je dirai entre « l’économie d’abord » et « le déficit zéro d’abord»  il faut trouver le juste milieu.

 Bibliographie

1- Bernard, Maris, Keynes ou l’économiste citoyen, Presse de science Po, 1999
2- Pierre, Cliché, Gestion budgétaire et dépenses publiques, Presses de l’université  du 
Québec,  2009
3- Finances Québec, Budget 2010-2011, Plan Budgétaire, 2010
4- Loi sur l’élimination du déficit et l’équilibre budgétaire.

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