Les classes d’accueil au Québec, sont-elles si accueillantes? – Blog 1
Les classes d’accueil au Québec, sont-elles si accueillantes? – Blog 1- GHanca- Montréal
Le constat d’une journée sur la réussite scolaire
Il y a quelques jours j’ai eu l’occasion de participer à une présentation sur un programme de français de transition pour les jeunes allophones dans le cadre d’une journée sur la réussite scolaire. À la fin, les témoignages de quatre jeunes ayant bénéficié de ce programme ont été accueillis avec des applaudissements de la part des participants. En dépit de leurs origines diverses, les trajectoires de ces jeunes se ressemblent et ce, malheureusement, grâce au cumul d’épreuves qu’ils ont dû affronter autant dans leur pays d’origine que dans celui d’accueil. Enjoués, spontanés et en même temps un peu intimidés par l’assistance, ils partagent leurs expériences d’intégration en Formation générale aux adultes. Aujourd’hui, l’un d’entre eux veut devenir médecin, un autre aimerait travailler dans l’aéronautique, et une troisième est contente de pouvoir finalement intégrer le Secondaire III tout comme ses amies. Les mots de leurs maîtres sont élogieux et la fierté est facilement percevable des deux côtés. C’est le revers heureux de la médaille d’un système d’éducation qui semble ne pas toujours savoir comment s’y prendre avec les jeunes immigrants qui arrivent à un âge trop avancé pour intégrer la formation régulière et qui accumulent trop de retards scolaires pour suivre la formation aux adultes après seulement la simple fréquentation des classes d’accueil. Le fait d’intégrer un nouveau système scolaire et, en plus, de changer de langue de scolarisation, entraîne des difficultés scolaires particulières pour les élèves qui arrivent en âge d'étudier au secondaire. En termes de proportion dans l’ensemble des nouveaux arrivants, ils représentaient 28 % en 2007-2008, comparativement aux jeunes arrivés au préscolaire (37 %) ou primaire (34 %).
Il y a seulement un an ou deux ans, les mêmes jeunes étaient mis en situation d’échec répété par les tests de classement et considérés comme ayant des retards d’apprentissage tellement grands que suivre des cours de secondaire était considéré inconcevable autant par eux-mêmes que par leurs maîtres. Provenant des pays gravement touchés par la pauvreté ou la guerre, ils sont arrivés au Québec vers l’âge de 15 ou 16 ans, âge suffisamment ingrat pour qu’il ne leur permette pas d’intégrer la formation régulière après le passage obligé par les classes d’accueil. Il ne leur restait que l’option de la Formation générale aux adultes. Toutefois, semble-t-il que les classes d’accueil destinées à les familiariser aux bases du français oral et certains des codes du savoir vivre dans la société québécoise ne soient pas suffisamment adaptées pour apprendre aux jeunes comment bien écrire. Or, la réussite des examens en Secondaire passe par la maîtrise suffisante du français écrit. Il est connu que les jeunes qui ne lisent pas ou qui éprouvent des difficultés en français écrit ou en lecture ont des résultats scolaires globaux inférieurs aux élèves qui maîtrisent le français. Moins bons sont les résultats scolaires des élèves, plus ces derniers s’absentent de l’école et risquent d’y décrocher.
Compte tenu de ces constats, on peut se demander, quel est le degré d’adéquation des classes d’accueil à ce type de clientèle? Sont-elles suffisamment adaptées pour assurer l’intégration en bonnes conditions des nouveaux arrivants dans le système scolaire québécois, quelque soient leur âge ou retards d’apprentissage?
Les classes d’accueil au Québec
La classe d’accueil fermée s’impose au Québec comme le modèle d’intégration des élèves nouvellement arrivés ayant comme objectif la connaissance fonctionnelle du français et l’adaptation au milieu scolaire et à la culture locale. Les premières classes d’accueil apparaissent en 1969 au sein de la Commission des Écoles Catholiques de Montréal, et dès l’adoption de la loi 101, tout élève non francophone faisant ses débuts dans le système scolaire québécois doit passer par une classe d’accueil.
Toutefois, il est à noter que le contexte historique dans lequel naît et se développe le modèle des classes d’accueil diffère largement de celui d’aujourd’hui. Ainsi, à l’époque, la majorité francophone cherche à franciser les nouveaux arrivants afin que ces derniers ne viennent pas grossir les rangs des établissements scolaires anglophones tandis que, dans l’enseignement régulier, la proportion des jeunes immigrants est beaucoup moins importante qu’elle n’est le pas présentement. Dans un tel contexte, le modèle de classe d’accueil fermée paraît le plus pertinent. Trente ans plus tard, des changements majeurs se sont produits à l’intérieur de l’école francophone dans le cadre de laquelle l’enseignement régulier lui-même est de plus en plus multiculturel, les différences entre la composition d’une classe d’accueil et celle d’une classe régulière étant parfois plus ou moins significatives. Par exemple, les élèves issus de l'immigration récente représentaient 14,3 % de l'ensemble des élèves québécois durant l'année scolaire 1997-1998, alors qu'ils représentent 18,4 % des élèves dix ans plus tard, soit en 2007-2008. Ce changement est encore plus visible à Montréal où près de 50 % des élèves sont issus de l'immigration récente
Depuis les années 1990, le modèle de classe d’accueil fermée a fait l’objet de nombreux questionnements compte tenu du profil de plus en plus diversifié des nouveaux arrivés et des conséquences de cette formule sur leur intégration sociale et linguistique. Par exemple, la durée du séjour dans la classe d’accueil est considérée comme étant trop longue pour certains élèves possédant déjà des connaissances suffisantes en français et ayant hâte d’intégrer l’enseignement régulier, et trop courte ou insuffisamment adaptée pour ceux accumulant d’importants retards au plan scolaire et arrivés à partir dès 13-14 ans. Le cas des jeunes immigrants en situation de retard scolaire semble l’un qui remet encore plus en question l’utilité des classes d’accueil fermées dans le contexte du système scolaire québécois contemporain.
Les jeunes immigrants en situation de grand retard scolaire au Québec
Les quatre élèves ayant suivi le programme de français de transition et leurs collègues, pour l’instant très peu nombreux comparativement aux besoins existants, faisaient jusqu’à récemment partie des élèves immigrants en situation de grand retard scolaire. Il s’agit de jeunes qui, à leur arrivée au Québec, accusent trois ans de retard ou plus par rapport à la norme québécoise et qui doivent être considérés en difficulté d’intégration. On estime à l’échelle québécoise qu’un élève sur quinze, parmi ceux pouvant bénéficier des services d’accueil serait en situation de retard scolaire.
Le retard scolaire, quant à lui, est mesuré à partir des connaissances en mathématiques. Suite à un test, les jeunes âgés entre 15 et 17 ans qui démontrent un retard de plus de trois ans en mathématiques sont intégrés aux groupes normaux dans les classes d’accueil et non pas regroupés dans des classes spécialement conçues, qui pourraient faciliter non seulement l’apprentissage de la langue, mais également celui d’autres disciplines, ce qui leur permettrait de terminer leurs études de secondaire dans l’enseignement régulier. Ces élèves sont obligés, à cause de leur âge, à terminer leurs études en formation des adultes, ce qui signifie un nouveau déracinement et une nouvelle adaptation avec des conséquences néfastes sur leur réussite et persévérance scolaires. Car, semble-t-il, qu’avec tous les retards et changements vécus, les élèves ne parviennent pas plus facilement à obtenir leur diplôme au secteur des adultes.
Un rapport réalisé par le ministère de l’Éducation (Politique d’intégration et d’éducation interculturelle) mettait en évidence dès 1998 l’absence de mesures particulières de soutien linguistique (passerelle entre l’apprentissage de base et les compétences nécessaires pour étudier en français), pour appuyer ces jeunes dans leur démarche de formation. Les auteurs du rapport étaient également d’accord que, plus l’élève arrive tard dans le système, plus le soutien qu’on doit lui apporter en vue de la maîtrise de la langue d’enseignement devrait être important et différent de celui qui nécessite l’élève qui y arrive au tout début du primaire, et dont le rattrapage linguistique sera beaucoup moins long. Notons que, sans une intervention appropriée, ces jeunes, notamment ceux et celles qui sont arrivés dans le système québécois à l’âge de 13 ans ou plus, sont exposés à ne jamais obtenir leur diplôme d’études secondaires. Aussi est-il essentiel que le milieu scolaire mette en œuvre des mesures compensatoires efficaces à leur intention.
Les mesures prises
Peu d’actions concrètes ont été menées depuis, alors que l’intervention devrait être immédiate et adaptée aux réalités du milieu et aux besoins variés de l’élève.
Le programme de français de transition en fait partie. Il s’adresse aux jeunes immigrants âgés de 16 à 20 ans dont la francisation dans les classes d’accueil est insuffisante pour accéder à la formation générale des adultes. Diverses compétences sont acquises lors de cette formation, dont la communication orale et écrite, mais également des connaissances en mathématiques (ils obtiennent même des unités nécessaires pour leurs cours en secondaire). Seulement quelques 300 élèves ont pu en bénéficier jusqu’à présent. Par ailleurs, ce programme initié il y a seulement trois ans est devenu un projet phare de la Commission scolaire de Montréal
Dans le plan de lutte au décrochage scolaire de la Commission scolaire de Montréal, la maîtrise du français – au cœur de tous les apprentissages – et le soutien aux élèves en difficulté constituent, pour les cinq prochaines années, les deux priorités pour l’ensemble des établissements de la CSDM. La CSDM demande à ses écoles d’insister de façon prioritaire sur l’enseignement du français et de multiplier les interventions en lecture et en écriture, et ce, tant au primaire, au secondaire et en formation professionnelle qu’en formation générale des adultes. On veut faire en sorte que tous les élèves lisent à 6 ans, lisent et écrivent bien à 12 ans, lisent et écrivent parfaitement à 16 ans. La CSDM vise, d’ici 5 ans, une moyenne des notes de 80 % en lecture et en écriture au primaire, la moyenne actuelle se situant autour de 74 % en lecture et de 75 % en écriture.
À la formation générale des adultes, les établissements accorderont plus d’importance à l’enseignement du français. Un plus grand nombre d’élèves devront réussir leur cours de français, et la CSDM vise à hausser de 5 % le nombre d’élèves du programme « français de transition » qui entrent au secondaire. Or, est-ce que c’est un objectif suffisamment ambitieux pour répondre aux besoins d’une population si délaissée à elle-même?
En guise de conclusion
Plusieurs questionnements découlement naturellement de cet état des lieux. Est-ce que le modèle d’intégration représenté par les classes d’accueil fermées est-il adaptable et applicable à toutes les catégories de jeunes immigrants voir plus précisément à ceux en situation de grand retard scolaire? Est-ce que les mesures mises en place pour soutenir les jeunes en situation de grand retard scolaire sont suffisantes et démontrent une vraie volonté des autorités de prendre en charge cette population?
Si on veut mettre toutes les chances du côté de ces jeunes, il faudrait qu’un renouvellement des pratiques d’intégration s’opère. Le modèle des certaines provinces canadiennes dont notamment l’Ontario, pourrait servir d’exemple. Ainsi, là-bas, le modèle le plus répandu est celui de l’insertion directe du jeune en classe régulière avec un soutien linguistique sous forme de retrait pour l’apprentissage de l’anglais. Un modèle utilisé en Ontario, mais également en Grande-Bretagne est celui de l’intégration d’un spécialiste dans la classe régulière qui accompagne l’enseignement principal et aide les élèves nouvellement arrivés sur le plan linguistique.
Les critiques d’un tel système pourraient argumenter qu’il s’agit des méthodes plus coûteuses et qui demandent un investissement plus élevé en termes de ressources humaines. Toutefois, un rapport paru l’année passée soulignait les coûts qu’un décrocheur entraîne pour le gouvernement : il représente un manque à gagner pour le gouvernement de 120 000 $ par décrocheur ou de 1,9 milliard de dollars par cohorte (28 000 jeunes), mais aussi les coûts en termes personnels. Compte tenu de ces données, le ministère et les Commissions scolaires devraient se donner tous les moyens possibles pour aider à la réalisation de l’intégration scolaire et sociale d’autres jeunes immigrants, qui pourraient rêver par après, tout comme nos quatre élèves en programme de français de transition, de devenir médecins, ingénieurs mais, surtout, partie intégrante et active de la société québécoise contemporaine.
Bibliographie
Billette, Amélie (2007), L’intégration scolaire et sociale des élèves en classe d’accueil : le cas de l’école secondaire Antoine de Saint-Exupéry. Collectif Jeunesse de Saint-Léonard, Montréal.
Ministère de l’Éducation, du Loisir et des Sports , Alain Carpentier, Cédric Ghislain, Elismara Santana et Rachid Aït-Saïd, Les élèves issus de l’immigration – Regards de 2009, dossier Vie Pédagogique.
Ministère de l’Éducation, du Loisir et des Sports, Politique d'intégration scolaire et d'éducation interculturelle : Une école d'avenir (1998)