Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Vers la fin d’un paradigme ? Regard croisé sur le concept de gestion publique en mode PPP (Partenariat Public Privé) au Québec. Cas des secteurs du transport et de la santé.

 

 

 

 

Par:  Nel Ewane, ENP 7505, Grpe 25,
         Montréal, Jeudi soir,  Blog No 1

 

Face à la multiplicité des critiques concernant la gestion classique de l’administration publique, plusieurs courants et écoles de pensés se sont développés, stigmatisant de ce fait, la lourdeur et l’inefficacité de l’administration publique, la mauvaise allocation des ressources, les dérives de gestions du système liées à l’ambition des fonctionnaires et donnant lieu à des pratiques de corruptions, de népotismes et de favoritismes, le manque de contrôle démocratique des citoyens sur l’administration publique, la préséance de l’intérêt individuel du fonctionnaire sur l’intérêt collectif  et la banalisation de la notion du bien commun.
Parmi ces mouvements idéologiques, figurent le Public choice et le Nouveau Management Public (NMP) qui proposent une réévaluation systématique et profonde du secteur public en lui introduisant comme le fait remarquer Mercier  (2008) des méthodes de gestions plus efficaces et plus flexibles semblables au secteur privé, des objectifs limités et opérationnels, l’application du principe de subsidiarité (ne confier au public ce que le privé ne peut pas faire), un contrôle plus rigoureux des résultats par des évaluations quantitatives, une remise en cause de la sécurité d’emploi.
Ainsi les PPP (Partenariat Public Privé) dérivent et s’inscrivent en même temps dans ces principes fondateurs du NMP (Nouveau Management Public). Ils traduisent comme l’observe Marty, Trosa et Voisin  (2006, P.4) une logique d’évaluation publique et privée dans un contexte de raréfaction des ressources publiques et d’accroissement important de la dette et des déficits budgétaires.
Au Québec, la gestion des affaires publiques en mode PPP a été officialisée avec la création de l’agence des partenariats public-privé née avec l’entrée en vigueur du  projet de loi 61. Cette loi référencée sous la loi L.R.Q., Chapitre A-7.002 et instituant la loi sur l’agence des partenariats public-privé du Québec définit en son chapitre 1er le contrat de partenariat public comme étant un  « contrat à long terme par lequel un organisme public associe une entreprise du secteur privé, avec ou sans financement de la part de celle-ci, à la conception, à la réalisation et à l'exploitation d'un ouvrage public » . Il s’agit donc, dans sa définition la plus banale d’un projet qui consiste à faire appel à l’intérêt  économique privé pour accomplir des tâches considérées traditionnellement comme étatique (Brunelle  2005, P. 56).
Dans le cadre de l’opérationnalisation de cette nouvelle forme de gouvernance des investissements publics, plusieurs projets mandatés par le gouvernement du  Québec dans le domaine des infrastructures et des services aux citoyens ont été administrés en mode PPP. Les bilans mitigés de mi-parcours que l’on observe dans les balbutiements et les errements que fournissement les évaluations de certains de ces projets, nous amènent à nous questionner sur les objectifs et les avantages des PPP.  Ceux-ci ont été  pompeusement annoncés par Québec  comme étant un processus de planification rigoureux, une réduction des coûts sur le cycle de vie des projets, une gestion budgétaire facilitée avec un partage de risque et une amélioration de la qualité de la prestation de service aux citoyens, lequel service est basé sur l’atteinte des résultats clairement définis.
Dans ce présent travail, nous allons analyser la mise œuvre de certains projets publics en mode PPP et voir si les avantages et les objectifs annoncés ou déclarés ont été atteints ou alors sont en voie d’être réalisés. En d’autres termes, évoluons-nous inexorablement vers la fin de ce paradigme?

Les PPP dans le secteur du transport

Deux (2) projets principaux sont exécutés en mode PPP dans le secteur des transports. Le projet de parachèvement de l’autoroute 25 et le projet de construction du parachèvement de l’autoroute 30. Tenons nous dans le cadre de ce travail à l’autoroute 25.

Projet de parachèvement de l’autoroute 25
Ce projet a pour objectif la construction d’un tronçon autoroutier de 7.4km de long entre le boulevard Henri-Bourrassa à Montréal et l’autoroute 440 à Laval et aussi la construction d’un pont de 1.2km qui passera au dessus de la rivière des prairies. L’annonce de sa réalisation en mode PPP a été faite par le gouvernement du Québec en décembre 2005. Selon le rapport  final du vérificateur du processus de consultation et de sélection, l’entreprise Concession A25, S.E.C (Infras-Québec A-25) a été retenue pour la réalisation dudit projet. Et ceci au terme d’un processus basé sur les principes d’équité, de transparence et de concurrence et sous l’encadrement législatif de la loi concernant les partenariats en matière d’infrastructure de transport, la loi sur l’administration publique, la loi sur l’agence des partenariats public-privé du Québec et la loi sur la qualité de l’environnement.
Faisant suite à une étude réalisée par une firme de consultation en gestion, PriceWaterHouseCoopers, pour ne pas la citer, le gouvernement du Québec conclut dans un rapport  sur l’analyse de la plus-value de la construction de l’autoroute 25. « La réalisation du parachèvement de l’autoroute 25 en mode PPP représente une excellente opportunité pour le gouvernement. Les économies escomptées en réalisant ce projet en mode PPP, sont de    226,1 M$ en valeur actuelle au 1er juillet 2007». Ce rapport met également en exergue la qualité des infrastructures qui seront réalisées, les avantages socio-économiques qui seront trois fois plus élevés que les coûts économiques du projet, un échéancier de réalisation qui sera plus court en mode PPP.
À l’analyse des indicateurs de performances sur les avantages de gestions des projets publics en mode PPP, tout laisse à croire que ce modèle de gouvernance dans le cas précis du secteur des transports n’offre pas de gains comparatifs escomptés tels qu’annoncés. D’abord le partenaire privé assume l’exploitation de l’ouvrage pour une période de 35 ans. Ne s’agit-il pas là d’une forme de privatisation progressive et à peine voilée de nos infrastructures routières ? Les principes de partages de risques, d’optimisation et de meilleures allocations des ressources, de respect de calendrier, d’efficacité et d’efficience ont-ils été respectés?
 Il y a un risque de voir le gouvernement perdre la maîtrise et le contrôle de l’ouvrage ainsi que d’importantes recettes financières qui seront générées par le système de péage, établissant le droit de passage et d’utilisation de l’autoroute. Aussi, le paiement par les usagers des frais de péage, devrait être pris en compte dans le calcul des coûts, ce qui réduirait grandement la plus-value escomptée dans la gestion du projet en mode PPP.
L’échéancier du partenaire privé, Concession A25 S.E.C. prévoyait la mise en service de l’ouvrage en 2011. On peut tous le constater, l’échangeur au niveau de Henri Bourassa offre toujours le visage d’une zone en chantier inachevée.
D’autres questions peuvent se poser notamment sur la transparence, l’équité, l’accès à l’information dans le processus d’attribution des contrats quand on a encore à l’esprit, les récents événements d’actualité sur les allégations de collusion, de surfacturation et de fausse facturation, de corruption dans l’industrie de la construction impliquant les niveaux hiérarchiques les plus élevés dans l’appareil d’État.
Il faut, pour conclure ce chapitre des transports, constater comme Carreau  (2005) que l’importance accordée aux PPP est révélatrice d’un caractère fortement idéologique.  À Mon sens, il s’agit d’une ouverture totale vers le marché telle que prônée dans le concept d’allégement réglementaire contenu dans le projet politique libéral de « réingénierie» ou de modernisation de l’État.

Les PPP dans le secteur de la santé

Dans le domaine de la santé, le projet du CHUM (Centre Hospitalier de l’Université de Montréal), la construction d’un Centre d’hébergement et de soins de longue durée (CHSLD), l’agrandissement et la rénovation de l’Hôtel-Dieu de Québec, le projet du Centre universitaire de Santé de McGill (CUSM)  sont tous des projets réalisés en mode PPP.
Le projet du CHUM vise principalement la fusion de trois hôpitaux universitaires ainsi que  la modernisation de leurs installations. Sa réalisation a connu comme dans le cadre des projets du secteur de transport, la mise en place du processus conduisant à la gestion en mode PPP. Appel d’offre, appel à qualification et appel à proposition aboutissant à la sélection du ou des partenaires privés devant conduire le projet. Les mêmes critères d’efficacité et d’efficience ont été avancés comme avantages de ce nouveau mode de gestion comparativement au mode conventionnel. Mais à peine les contrats signés et la phase de démarrage commencée, le Vérificateur Général du Québec  a constaté une hausse des coûts de 34% dans les 18 à 24 mois de la finalisation des plans au devis définitif.
Cette hausse de coût a été aussi rapportée par Tremblay  qui note que dans le cas de la construction du CHSLD et du CLSC de Saint Charles, les comptables avaient conclu un coût de 56,6 M$ en mode PPP contre 42,2 M$ en mode conventionnel. De plus, une extrême opacité entoure les pratiques de gestion de l’agence des PPP qui ne diffuse plus les annexes des ententes, ni le contenu des études motivant le recours au mode PPP.
De là à croire qu’il y a une vérité qui dérange, il y a qu’un pas. Où se trouve donc la transparence qui devait régir l’ensemble du processus ?

Dans le transport comme dans la santé, dans les services aux citoyens comme dans le domaine culturel, les PPP tardent  à tenir la promesse des discours tant flatteurs sur son sujet. Ils sont l’écho d’une rhétorique des bienfaits du libre marché. Leur bilan médiocre ou encore mitigé nous laisse nous interroger comme Lecours  (2008) sur l’éventuel  retour en grâce de l’État. Un État qui devra désormais assumer ces fonctions régaliennes.

 


[1] Jean, Mercier, L’Administration Publique. De l’école classique au nouveau management public, Les presses de l’université de Laval, 2008.

[2] Frédéric, Marty ;  Sylvie, Trosa  et  Arnaud, Voisin, Les partenariats public-privé, Collection  repères,  Édition la Découverte, Paris, 2006.

[3] Site web de l’Agence des partenariats public-privé : http://www.ppp.gouv.qc.ca/index.asp?page=accueil_fr&lang=fr

[4] Dorval, Brunel, (Dir.) Main Basse sur l’Etat  Les partenariats public-privé au Québec  et en Amérique du Nord, Québec, Edition Fides, 2005.

[5] Secrétariat du conseil du trésor du Québec, Moderniser l’État pour des services de qualité aux citoyens, Politique-cadre sur les partenariats public-privé, Briller parmi les meilleurs, Juin 2004.

[6] André Dumais, ing. Rapport final du vérificateur du processus de consultation et de sélection remis au comité exécutif, 18 septembre 2007.

[7] Transport Québec,  Partenariat Public-privé, Rapport de l’analyse de la valeur ajoutée pour la construction, le financement, l’exploitation et l’entretien du parachèvement de l’autoroute 25 dans la région métropolitaine de Montréal, 2007.

[8] Simon, Carreau,  Les partenariats public-privé au Québec,  in  Dorval, Brunel, (Dir.) Main Basse sur l’Etat  Les partenariats public-privé au Québec et en Amérique du Nord, Québec, Edition Fides, 2005

[9] Cité dans Santé et services sociaux Québec, Modernisation des centres hospitaliers universitaires de Montréal, 2007.

[10] Jacinthe Tremblay, En attendant les PPP, des partenariats novateurs se multiplient partout au Québec, le Devoir du 26 septembre 2008.

[11] Rudy Lecours,  Le retour en grâce de l’État, Journal La presse du 29 octobre 2008.

Les commentaires sont fermés.