Au lendemain du Discours du Trône
Au lendemain du Discours du Trône :
Compressions budgétaires et perspectives d'emploi dans la fonction publique fédérale
Par Nicolas Turcotte, ENP 7505, gr. 25 (jeudi soir) - Blogue # 1
La fonction publique fédérale a connu une expansion notable au cours de la dernière décennie. Le renouvellement d’une partie de la main-d’œuvre et l’embauche de jeunes diplômés sortant tout juste des établissements d’enseignement supérieur ont permis d’apporter un dynamisme renouveler à l’institution. Ainsi, grâce aux nombreux efforts qui ont été mis sur pied pour renforcer l’image de marque de la fonction publique et pour attirer les jeunes, le recrutement postsecondaire a été plus prolifique que jamais pendant les dernières années. D’ailleurs, l’année 2009 a été particulièrement intéressante au niveau du recrutement postsecondaire :"les campagnes de recrutement auprès des diplômés postsecondaires ont dépassé les objectifs de 4000 embauches qui avaient été pris dans le Plan d'action pour le renouvellement.[1]"
Malheureusement, plusieurs changements récents ont contribué à assombrir les perspectives d’embauches dans la fonction publique canadienne. Bien sûr, au premier rang on retrouve la crise économique mondiale qui a profondément affecté les revenus du gouvernement et du même coup, entrainé des dépenses massives pour relancer l’économie, notamment au niveau des infrastructures, des prestations aux chômeurs et des subventions à centaines industries. Ainsi, alors que cette crise se résorbe peu à peu, les prévisions budgétaires sont pessimistes et laissent croire à plusieurs années de déficits subséquents avant un retour à l’équilibre budgétaire. Déjà on peut facilement anticiper les compressions et/ou le gel d’embauche dans l’appareil gouvernemental.
Cela s’est confirmé lors du dernier Discours du Trône qui a eu lieu le 3 mars 2010. Le gouvernement conservateur procédera donc à d’importantes compressions au sein de son administration : "La deuxième étape pour rétablir l’équilibre fiscal consistera à limiter l’ensemble des dépenses au titre des programmes fédéraux"[2]. Par exemple, le Discours du Trône fait référence au gel des budgets de fonctionnement des ministères, au gel du salaire des représentants (Premier ministre, ministres, députés, et sénateurs.), puis à l’élimination de toutes nominations superflues au sein d’organismes fédéraux, de conseils de commissions et de sociétés d’État. Or, il est important de comprendre que le concept de nomination revêt un caractère particulier au niveau de l’embauche dans la fonction publique. Contrairement au secteur privé, les fonctionnaires fédéraux doivent être nommés pour avoir un poste à durée indéterminée et la sécurité d’emploi. Donc, si le gouvernement s’engage à limiter au minimum le nombre de nominations, il envisage probablement de se limiter aux effectifs présents ou d’inciter l’embauche de personnel déterminée ou contractuel (90 jours).
La décision de vouloir réduire la taille de la fonction publique et les coûts reliés à celle-ci se manifeste déjà concrètement. Tout d’abord, des annonces de coupures, plutôt symboliques, ont été annoncées le 8 mars dernier. Cela fera en sorte d’éliminer 245 postes, nommés par décret, dans divers organismes du gouvernement canadien[3]. Ensuite, les intentions de sabrer dans les dépenses reliées à l’appareil gouvernemental sont tangibles à un peu plus d’un an du renouvellement de la prochaine convention collective. Le gouvernement voudrait notamment repousser l’âge de la retraite et revoir l’indexation des prestations de pension. Malgré la volonté du ministre fédéral des finances , Jim Flaherty, ce régime minceur ne sera pas des plus faciles à appliquer. Par exemple, souvenons-nous qu’après l’élection de libéraux de Jean Charest au Québec, la ministre Monique Jérôme-Forget s’est lancée dans une réingénierie de l’État québécois. Cependant, même en étant déterminée, elle a réussi au mieux à limiter la croissance des dépenses à 3,5 % annuellement[4]. Cela nous ramène donc à la loi de Wagner qui stipule que lorsque l’on observe les dépenses publiques d’un État à travers le temps, on ne peut que constater une croissance continue de celles-ci.
Pour conclure, les importantes compressions au sein du gouvernement fédéral représentent donc un revirement de situation important qui affecte les perspectives d’embauche avantageuses des dernières années. Sans nécessairement être aussi restreintes que dans les années 90, les chances pour les jeunes diplômés d’obtenir un emploi permanent dans la fonction publique fédérale se sont quelque peu détériorées à court terme. Il reste néanmoins que l’âge moyen des effectifs dans la fonction publique fédérale est de 44 ans et que celle des cadres est de 50 ans[5]. Ces départs à la retraite représenteront, d’ici 5 à 10 ans, une opportunité en or pour progresser rapidement et pour accéder à des postes de haut niveau.
SOURCES
- (1) GABOURY, Paul. 4200 embauches de nouveaux diplômés. Le Droit, Actualités, vendredi, 27 mars 2009, p. 24.
- (2) Discours du Trône, 3 mars 2010.
- (3) GIROUX, Raymond. Stockwell Day coupe dans le mou, Le Soleil, Actualités, mardi, 9 mars 2010, p. 14
- (4) DUTRISAC, Robert. L’héritage inachevé de la dame de fer, Le Devoir, Sam. 11 et dim. 12 avril 2009.Hélène;
- (5) GABOURY, Paul. 4200 embauches de nouveaux diplômés. Le Droit, Actualités, vendredi, 27 mars
- BUZZETTI, Hélène; CASTONGUAY, Alec. Discours du Trône - Les fonctionnaires feront les frais de la crise, Le Devoir.
- GABOURY, Paul. Au sein de la fonction publique fédérale - Les portes s'ouvrent pour la relève. Le Droit. Cahier spécial, samedi, 15 novembre 2008, p. B48
- GAUDREAULT, Patrice. Régimes de retraite et services publics - Le budget fédéral inquiète les fonctionnaires. Le Droit. Actualités, mercredi, 3 mars 2010, p. 2
- GRANDPRÉ, Hugo. DISCOURS DU TRÔNE - Une ère d'austérité s'annonce à Ottawa. La Presse. Actualités, jeudi, 4 mars 2010, p. A4
Commentaires
Je suis d'accord avec lorsque tu dis que les perspectives d'emploi dans la fonction publique ne seront pas aussi attrayantes voire faciles d'accès que par le passé. Ce qui me trouble dans la situation actuelle, c'est de savoir si le Gouvernement pliera aux pressions de la population (par rapport aux atritions de postes), ou s'il pliera aux pressions syndicales ou alors fera l'impossible pour répondre aux besoins de la population. Comme nous l'avons vu aujourd'hui, le plus facile pour réduire les dépenses, pour le gouvernement, est de couper dans la masse salariale (en nombre d'individu ou alors en salaire). Une des questions à se poser est de savoir si le service restera le même avec un nombre d'employé diminué? Tous les efforts faits lors des dernières années pour attirer, recruter et maintenir des employés dans la fonction publique auront été vains malheureusement. Son expertise ainsi que son renouvellement seront des plus affectés. Tout ce que je souhaite, c'est que les décisions prisent le seront avec des visées à longs termes et non des décisions sur le coup du moment pour plaire à l'électorat.
Il est vrai qu'en contexte de compressions budgétaires, l'embauche de nouveaux effectifs au gouvernement fédéral sera sûrement affecté. Le vent de fraîcheur à l'intérieur des murs du gouvernement sera ralenti. Les périodes d'embauches sont souvent cycliques, en fonction des besoins et de la situation économique. Nous passerons d'une ère de croissance à un ère stable ou peut-être même décroissante.
Ceux qui viennent tout juste d'avoir accès à un emploi au gouvernement fédéral ont une belle perspective de carrière : ils auront le temps de prendre une solide expérience et ainsi convoiter des poste de haut niveau d'ici cinq à dix ans! Dans cinq ou dix ans, une nouvelle vague de nouveaux jeunes fonctionnaires seront ainsi engagés pour remplacer ceux qui viennent d'accéder à la fonction publique et promus à des postes de haut niveau!