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Blogue #1 - L’État; un Papa poule – Catherine Martel (Montréal)

Blogue #1 - L’État; un Papa poule – Catherine Martel (Montréal)

 

Oui, c’est mon premier blogue à vie. J’étais réticente à l’idée de mettre mes propos par écrit car on ne cesse de me rappeler de tempérer ces derniers. Le premier réflexe est donc de suivre le moule, de prendre le travail des textes à analyser à l’aide de la matière connue et enseignée. Parce que ce n’est pas évident de prendre position clairement sur un sujet qu’on ne maîtrise pas nécessairement. Il y a ce malaise de la contrainte du jugement, d’avoir à peser le pour et le contre du propos, de se conformer aux lois, aux règles, de l’aspect plus complaisant de suivre les rangs. On valorise rarement la différence puisque, d’une part, elle nous confronte et parce qu’elle demande une réflexion, un travail et une démarche qui requiert un effort supplémentaire et qui, souvent, ébranle et dérange tous ceux impliqués dans le processus.

 

Mais rien ne sert de copier l'originalité

Si tu te modèles au modèle tu deviens pâte à modeler

Au départ tu critiques, aujourd'hui tu imites

Ton intelligence grandit, voici ton seul mérite

Car imitation égale limitation[1]

 

Ce manque de pro activité, de confiance en soi et de prise en charge sur notre avenir, revient fondamentalement au fait que nous sommes d’éternels poussins-citoyens et partisans du syndrome que j’appelle « cpamafaute ». Nous sommes donc coincé dans un perpétuel cercle vicieux pathologique que l’on sait malsain mais tellement complaisant puisqu’il nous permet de faire notre surplace sans culpabilité. D’une part, poussin ne veut rien faire car il est bien au chaud sous Papa qui le couve, lui donne tout cru dans le bec, renforce son insécurité et retarde son envol. De l’autre côté, Papa a peur de lâcher prise car poussin ne semble pas démontrer qu’il est prêt à faire face à la vie comme un grand. Poussin peut faire des erreurs ou tenter d’abuser de la bonté de Papa. Mais pourtant, on sait tous que la leçon demeure et prend souvent tout son sens après l’échec et les conséquences à assumer.

 

Ici, malheureusement, admettre l’erreur ou l’échec et devoir réajuster le tir est loin d’être coutume au pays. On préfère faire l’autruche à coup de bureaucratie qui découragerait même le plus combattant voulant renverser la vapeur. L’erreur ne doit pas exister ou à tout prix être étouffée, camouflée pour éviter de se plonger dans le travail de répondre aux vrais enjeux de notre existence à travers la communauté et alors devoir remplir son rôle en tant que citoyen et en tant qu’État. Mais fondamentalement de quel rôle parle-t-on au juste ? Parce que depuis quelque temps, Papa a le dos large et y prend plaisir et poussin a des attentes grandissantes sur tout. On lui fournit même des pastilles de couleurs pour l’aider dans son choix de vin… Mais pour faire place au changement, il faut le vouloir au départ. Il faut être ouvert à la critique et faire l’effort pour reconnaître et identifier les mauvais patterns, les raccourcis empruntés et les lieux communs pour alors y échapper. Quand on marche dans des pas déjà tracés, ce n’est pas un peu comme se rendre à l’abattoir ?

 

Par définition, le rôle de l’État se veut un rôle unificateur, fédérateur, administrateur d’un territoire dont il s'efforce de fixer les limites avec précision et présidant les destinées d'un peuple auquel il s'identifie. L’article de Pierre Simard « La grande garderie » vient effleurer le manque de prise en charge des citoyens supposément dû à un État qui pond une règle ou une loi pour chaque situation afin de protéger ou d’excuser à la fois prédateur et proie. Mais ce n’est ici que la pointe de l’iceberg. On a qu’à penser au système d’éducation. Juste le terme éduquer devrait être remplacé par enseigner pour éviter les ambiguïtés. C’est au professionnel en enseignement de venir compléter, rehausser l’apprentissage de l’élève en lui enseignant principalement à lire, à écrire et à compter. L’éducation, quant à elle, revient aux parents. Parce qu c’est ça choisir d’avoir un « mini-moi ». C’est de l’éduquer (à ne pas confondre avec l’élevage), soit de lui montrer à avoir une opinion, une personnalité propre à lui, au respect, à l’écoute, au partage, à la non-violence, à se responsabiliser, à être autonome, c’est aussi savoir le prioriser dans son espace temps malgré les contraintes que peuvent apporter la vie adulte et de ne pas tout abandonner dès la première embûche et de remettre la faute à l’État.

 

Certain diront que l’État nous protège, nous défend du mal et ce n’est qu’un retour d’ascenseur notamment de par les impôts. Ils diront que les règles et l’encadrement sont mis en place pour ne pas à payer les frais des erreurs ou des abus qui pourraient survenir. Pourtant, c’est lorsque l’on prend la peine de regarder ce qui se passe ailleurs qu’on se rend compte que ce n’est qu’ici qu’on prend la peine de nous avertir de faire attention aux roches qui peuvent être glissantes proches d’un point d’eau… Dans mon éducation, mes parents m’ont souvent fait refléter la conséquence de mes choix. Par exemple, si je choisissais de ne pas porter mon casque en vélo, je devais prendre en considération que si j’avais un accident, ce serait par choix. La finalité ne pouvait être plus claire, je devais logiquement mettre mon casque pour éviter les conséquences négatives de me retrouver à gérer un handicap possible mais j’avais au moins l’impression d’avoir eu la possibilité de choisir quelque chose dans l’histoire. De mon côté, je pense que de trop vouloir prévenir les maux, l’État s’éloigne de sa mission première. On doit faire confiance aux individus. Cette notion n’existe plus nulle part. De nos jours, on doit plutôt gagner la confiance des amis, des collègues, des patrons, de l’État. De mon côté, je pense qu’on ne peut que la perdre. Peu importe les méthodes de contrôle, il y aura toujours des abuseurs et des imbéciles. Mais ce n’est pas la majorité. Laissons-les payer pour leurs actions avec un système judiciaire solide qui découragerait les élans des plus insouciants ou téméraires.

 

Le problème, à mon avis, c’est qu’il y a impasse. On ne sait pas trop quoi faire, ni par où commencer pour ce virement de cap. Parce que ça, Papa, nous ne le dit pas, il donne cette impression de surprotection pour en réalité se déculpabiliser de ne pas se concentrer sur les vrais enjeux qui rendrait son poussin plus responsable et autonome. Poussin, quant à lui, se sent coincé dans son nid douillet et en demande toujours plus puisqu’il se fait rarement dire non. On relève souvent cet aspect dans n’importe quel livre de psychologie 101. Je pense qu’il faut donc laisser poussin crier un peu, ne pas céder, maintenir le cap de la cohérence, le rappeler à l’ordre au besoin et le laisser sauter en bas du nid pour qu’il prenne son envol parce que Papa doit lui faire confiance.



[1] Extrait de la chanson « Superstarr » de Mc Solaar album Prose Combat 1994

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