À quand la légalisation de l'euthanasie au Québec??
Blogue #1 - À quand la légalisation de l'euthanasie au Québec? - Caroline Bourgea, (session Hiver 2010, mercredi soir à Brossard)
À quand la légalisation de l’euthanasie au Québec??
Cette question fait souvent surface au Québec par l’entremise des médias. Malgré plusieurs débats, sondages, la loi est claire; l’euthanasie n’est pas permise.
En novembre 2009, l’Assemblée nationale du Québec sanctionne officiellement la tenue d’un débat social sur le sujet. Au Canada, le projet de loi C-384 a été déposé à 3 reprises à la Chambre des communes afin de décriminaliser l’euthanasie. Pourtant, en Europe, en Belgique, dans les Pays-Bas, au Luxembourg et dans 5 états des États-Unis, on a accepté de légaliser l’euthanasie. Pourquoi aujourd’hui, en 2010, ce projet de loi n’est-il toujours pas adopté au Québec??
Un sondage d’opinion démontre que 77% des Québécois sont favorables à l’euthanasie et qu'au Canada la moyenne est de 75%. De plus, si l’euthanasie était décriminalisée 71,3% des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) seraient prêts à y recourir dans leur pratique. Toutefois, ils reconnaissent que la décision de décriminaliser l’euthanasie revient à la société et non aux médecins. Alors, pourquoi attendre??
Aussi, l’Association québécoise Mourir dans la dignité (AQDFMD) se défend activement afin d’avoir une politique sociale et légale pour permettre aux gens de mourir dans la dignité par euthanasie et par suicide assisté. Grâce à une telle politique, voilà une belle occasion de faire disparaître plusieurs craintes reliées à l'euthanasie en établissant des critères stricts. À mon avis, la mise en place d’une politique empêcherait une pratique de l’euthanasie selon le bon vouloir de chacun et contribuerait à prévenir les risques d’abus possible. Il faut avoir des balises claires. Dans un avenir rapproché, avec le vieillissement de la population, la société fera face à une décision toujours aussi déchirante si le système judiciaire reste statu quo.
Au cours de l'histoire de l'humanité, on considérait comme moral le fait de s'enlever la vie pour ne pas tomber aux mains de l'ennemi ou comme on disait de donner "le coup de grâce" au soldat mourant. Aujourd'hui, comme citoyen, le moment au cours duquel on en arrive à se questionner au sujet de l’euthanasie, se présente très souvent quand la santé d’un membre de la famille, d’une amie ou d’un proche se détériore au point où on ne sait plus ce qu’il faut faire pour le soulager, le libérer.
Personnellement, je suis favorable à l’euthanasie lorsque les gens n’ont plus aucune qualité de vie (maladie dégénérative et incurable) et qu'ils endurent beaucoup de souffrances. Quand la médecine ne peut plus les soulager ou que les traitements sont devenus inutiles et qu'ils ne font que retarder le moment du décès; je pense que c'est la qualité de vie et le confort qui devraient être privilégiés dans de telles situations. La mort est alors préférable à la vie.
Je suis contre l'acharnement thérapeutique. À quoi sert d'essayer de guérir quelqu’un dont la maladie est devenue impossible de guérir? Quand le processus de la mort est devenu irréversible, à un non-retour. Que faire quand la souffrance prend de plus en plus le dessus et que l'entourage se sent de plus en plus impuissant? C’est souvent dans ces moments que l'on parle de l’euthanasie. Même si les circonstances rendent la décision plus logique ou plus facile, elles ne décriminalisent pas pour autant le geste face à la loi. Avec les années, nous avons fait beaucoup de progrès en médecine ce qui permet de prolonger des vies, mais à quel prix!!
Pour ma part, si la personne a déjà discuté de sa position face à la mort et qu'elle en a fait connaître sa volonté; ne pourrait-elle pas signer une carte similaire au don d’organe??. Je crois qu’il serait pertinent d’offrir cette possibilité à la société. Aussi, est-ce que l’euthanasie est pire que l’avortement?? Selon moi, non. Pourtant, on accepte la pratique de l’avortement.
Bien sûr, je pense que tant qu’il y a espoir que la personne guérisse malgré les souffrances reliées à la maladie, cela s’accepte mieux de la part de celle-ci, de ses proches et de sa famille.
Par exemple, ma belle-mère a commencé à éprouver des ennuis de santé. Après plusieurs examens et différents tests médicaux, elle a su qu'elle avait un cancer à un rein.
Elle décide de suivre les directives et les suggestions de traitements de son médecin et de son oncologue. Au début, sa qualité de vie était plus ou moins affectée par la maladie. Elle était capable de vaquer à ses activités quotidiennes. Avec le temps, la maladie progressait, la qualité de vie de ma belle-mère se détériorait. Puis, du jour au lendemain, elle tombait régulièrement mettant ainsi sa sécurité en jeu. La maladie ne cesse de progresser, les métastases augment, se propagent et finissent par atteindre les os et le cerveau. Elle doit être hospitalisée et il faut qu'elle demeure au lit, impossible pour elle de se lever ou de s’asseoir. Son corps enfle à cause des doses de cortisones qu’elle reçoit. Des ulcères apparaissent dans la bouche et font que le simple geste de s’alimenter est très douloureux. Elle ne mange presque pas et refuse même de boire.
Par contre, elle demeure toujours lucide. Elle disait être une impotente, un fardeau pour la famille. Malgré le fait qu'elle soit très croyante et pratiquante, elle désirait mettre fin à ses douleurs tout en sachant que cela entraînerait sa mort! Pourquoi ne l'a-t-on pas écoutée lorsqu'elle demandait de mettre fin à son calvaire?
Sincèrement, par amour, par compassion et avec tout le respect que j’avais pour elle, j’aurais bien aimé mettre fin à toutes ses souffrances. Oui, j’aurais bien aimé répondre à sa volonté: "poser l’acte qui aurait mis fin intentionnellement à ses souffrances et à sa vie".
Pourquoi criminaliser un geste qui serait uniquement posé par compassion?? Qui décidera si une vie vaut la peine ou non d’être poursuivie?? Bonne réflexion!!!
Références : Le magazine de l'AREQ, Quoi de neuf.
Commentaires
Tout comme vous, je suis d'accord pour qu'on légifère en tant que société sur l'euthanasie. Cependant, il y a quelques points dans votre discours qui me dérangent. Vous dites que votre belle-mère était malade et qu'elle demandait qu'on mette fin à ses souffrances, et tout de suite il aurait fallu procéder...là est le problème, ce n'est pas en état de crise qu'il faut que la décision se prenne mais bien en étant lucide, dans un état normal. Dans tous les pays, où l'euthanasie est permise, l'encadrement est présent et il faut que le requérant fasse la demande à plusieurs reprises. Je tiens aussi à souligner que votre comparatif entre l'avortement et l'euthanasie ne tient pas la route, pour la simple et bonne raison que le foetus (tant qu'il est dans le ventre de sa mère) n'a aucune raison légale, il n'existe pas légalement! Il faut de plus faire attention au propos...ce ne sont pas toutes les maladies incurables et dégénératives qui occasionnent de la souffrance...donc les requérants doivent-ils répondre à tous ces critères pour être acceptés? Vous voyez, ce n'est pas aussi facile que cela pour apporter des modifications ou appliquer légalement l'euthanasie. Comme vous le dites si bien, il faut y penser et en discuter ensemble! Réflechissons!!!
Éric Tétreault ENP-7505 Montréal
L’euthanasie, c'est-à-dire l’acte qui consiste à mettre fin à la vie d’une personne par "compassion", fait partie des sujets les plus controversés de la planète. Certains sont pour et d’autres sont contre. Il est manifeste que Caroline fait partie du 1er groupe et elle évoque et défend bien ses raisons. Ce que je respecte absolument. Mais personnellement je ne suis pas pour l’euthanasie pour plusieurs raisons qui n’ont rien à voir avec la religion, il faut le dire. En voici quelques unes.
Primo, contrairement à ce que laisse croire un paragraphe de Caroline, je cite : «Pourtant, en Europe, en Belgique, dans les Pays-Bas, au Luxembourg et dans 5 états des États-Unis, on a accepté de légaliser l’euthanasie.», l’euthanasie est interdite dans la majorité des États. En Europe, seul le Luxembourg a légalisé l’euthanasie. Aux Pays-Bas comme en Belgique, l’euthanasie demeure un crime, mais elle est seulement autorisée sous des conditions très strictes. C’est la même chose dans quelques États des USA comme Washington DC. Mais dans la plupart des États du monde, l’euthanasie est encore considérée comme un assassinant punissable par la loi.
Secundo, je crois que si le but de l’euthanasie est uniquement de soulager les douleurs de la personne malade et de ses proches, alors cet acte n’est plus utile au Québec en 2010. En effet, grâce aux progrès de la médecine, les soins palliatifs permettent aujourd’hui de soulager les douleurs physiques et la souffrance psychologique aussi bien chez la personne malade que chez ses proches. Et au Québec nous disposons d’un bon réseau de soins palliatifs comportant une équipe multidisciplinaire, des professionnels et des bénévoles qui accompagnent le malade et ses proches (1). D’ailleurs une étude récente a rapporté que les cas d’euthanasie sont en forte baisse aux Pays-Bas avec l’amélioration des soins palliatifs (2).
Tertio, la pratique de l’euthanasie serait une forme de déclaration de l’indignité de la vie de la personne souffrante ou mourante. Le plus souvent c’est la famille du malade qui décide à sa place parce qu’il est en incapacité de décider (inconscience, démence, …). C’est la famille qui juge de l’indignité de leur proche malade. Mais la dignité va au-delà de l’apparence et au-delà de la capacité de faire. Selon la Déclaration des droits de la personne, «la vie est inaliénable». La vie de la personne souffrante ne perd pas sa dignité intrinsèque. Et jusqu’à son dernier souffle cette vie mérite le respect le plus absolu. De mon expérience personnelle, j’ai appris que les moments qui précèdent la mort naturelle d’un être cher et ses proches sont essentiels, et il n’est pas souhaitable d’en priver la personne qui va quitter ce monde et ses proches par un empoisonnement brutal du 1er.
Quarto, légaliser l’euthanasie peut ouvrir la porte à certains dérapages. Des meurtres peuvent être maquillés en euthanasie par l’entourage. Des héritiers peuvent accélérer un héritage en passant l’euthanasie. Des proches au tourment de la souffrance psychologique peuvent exercer des pressions morales, rendant les dernières heures du malade très triste. Et si on légalise l’euthanasie, une forme d’élimination de la vie d’autrui contre la souffrance physique, pourquoi condamner les suicides contre la souffrance morale des gens en bonne santé physique?
À la place de la légalisation de l'euthanasie, moi je proposerais plutôt d'augmenter le financement du réseau des soins palliatifs ...
Merci à Caroline d'avoir proposé ce blog très intéressant
(1) http://www.aqsp.org
(2) http://www.lalibre.be/index.php?view=article&art_id=347601
Je suis d'accord avec la position énoncée dans votre blogue. Je pense qu'en tant que société, il faut légiférer au niveau de l'euthanasie. C'est un sujet à la fois complexe et délicat. Toutefois, je pense qu'il faut s'y attarder.
Tout comme vous, je suis contre l'acharnement thérapeutique et je pense qu'il faut permettre aux gens de pouvoir mourir en toute dignité. C'est bien beau de pouvoir soulager la douleur et permettre à la personne de vivre plus longtemps, mais si elle est allitée continuellement, branchée à une sonde, alimentée par gavage, etc. Quelle qualité de vie a-t-elle ? Qui voudrait d'une telle vie ?
Je ne peux que compatir avec la douleur que vous avez dû ressentir lors de la maladie de votre belle-mère. Que peut-on répondre à quelqu'un qui nous dit qu'il est prêt à partir et ne veut plus souffrir ? Je suis d'accord avec vous, pourquoi criminaliser un acte de compassion ?
La création d'une vraie politique, encadrant l'euthanasie m'apparaît essentielle. L'éthique doit être respectée et à mon avis, il faut mettre des balises claires et encadrantes pour permettre aux gens de mettre fin à leurs souffrances lorsque la qualité de vie n'est plus là.
Je suis tout à fait d’accord avec la légalisation de l’euthanasie. Nous avons eu le cas de Stéphane Dufour qui le 12 décembre 2008, a été acquitté par un jury d'Alma dans le Saguenay-Lac-Saint-Jean. Monsieur Dufour était accusé d'avoir aidé son oncle malade à s'enlever la vie. Cette décision, dans des circonstances similaires, fait jurisprudence.
Je crois que nous devrions être plus ouverts sur ce dossier. Je suis d’accord qu’une augmentation des soins palliatifs aurait un impact direct sur le nombre de demandes. Mais qu’en est-il des personnes qui souffrent d’une maladie incurable et qui demeure prisonnier de leurs corps tout comme était l’oncle de monsieur Dufour.
Je crois que dans un cadre bien précis avec de bonnes balises, nous pourrions légaliser l’euthanasie.