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LE RETOUR À LAVANT-SCÈNE DE LA CRISE DES FINANCES PUBLIQUES - Jean-François Morel (Brossard)

 

Le thème revient périodiquement à l’avant-plan de l’actualité, tant sur la scène canadienne que québécoise : nos deux niveaux de gouvernement font face à une grave crise de leur finances publiques, crise qui atteindra un point de non retour – voir une « faillite » de l’État - si aucune action concrète n’est entreprise pour y remédier dans les prochaines années par nos bons élus et administrateurs des deniers publics.

 

À ce sujet, au tour cette semaine du directeur parlementaire du budget canadien, Kevin Page, d’ajouter sa noble contribution à la question avec le dépôt rendu public le 18 février dernier d’un rapport qui contient des ingrédients dignes du prochain film catastrophe à la Hollywood[1]. Poste créé par le Ministère des Finances du Canada dans la foulée du budget conservateur de 2006 dans le but de «rehausser l’imputabilité envers les Canadiennes et les Canadiens et à assurer une plus grande transparence des opérations de l’État[2] », notre directeur parlementaire du budget canadien ne va pas jusqu’à prévoir la fin du monde pour l’année 2012 mais c’est tout comme : au rythme actuel où vont les choses, le pourcentage de la dette fédérale sur le PIB canadien passera de 33.8% en 2013-2014 à 100% en 2050-2051. M. Page va jusqu’à avancer que ce ratio sera d’environ 365% en 2084-2085. Oui, vous avez bien lu : 365% en 2084-2085! Que ma conjointe qui accouchera de notre deuxième enfant en mai prochain se le tienne pour dit, dans ces conditions, notre futur rejeton, qui aura 75 ans en 2085, devra peut-être travailler 70 heures par semaine jusqu’à cent ans, soit en 2110, avant de pouvoir peut-être profiter de sa retraite. Est-ce finalement une bonne idée que de donner la vie lorsqu’on prend connaissance de telles projections financières qui donnent froid dans le dos? Je blague… Au-delà de mes rigolades, que vous me pardonnerez, je l’espère, on comprend ici que l’objectif est clair. À la manière des discours catastrophes de certains climatologues, le directeur parlementaire du budget canadien a bien compris qu’il attirera l’attention médiatique à coup sur s’il met l’emphase sur les éléments sensationnels de son rapport.

 

Mis à part son contenu futurologique, le rapport Page évoque à court terme les effets négatifs déjà connus du choc démographique pour justifier ses propos. Avec le vieillissement de la population, une proportion de plus en plus élevée de Canadiens délaissera le marché du travail dans les prochaines années, ce qui entraînera ipso facto une réduction de l’assiette fiscale et une hausse des dépenses reliées aux programmes sociaux tels que les soins de santé et les pensions de vieillesse. Comme solution, le rapport Page propose au gouvernement canadien un combo « réduction des dépenses publiques/hausse des revenus fiscaux » équivalant à 1% ou 2% du PIB national, ce qui permettrait une économie annuelle de 20 à 40 milliards de dollars. Tous les grands partis fédéraux, à l’exception évidente du NPD, ont salué les constats du rapport Page, sans toutefois proposer de solutions concrètes. On peut difficilement être contre la vertu mais quand vient le temps de définir publiquement quels services gouvernementaux devraient être éliminés ou dans quelle mesure nos impôts devraient être augmentés, nos élus se font plus discrets, de peur bien sûr de déplaire à la clientèle électorale…

De son côté, dans un article publié dans le cadre des Jeux olympiques d’hiver de Vancouver, le magazine économique américain Forbes y allait il y a quelques jours d’une analyse de la santé économique de l’État canadien qui, on l’espère, soulagera les plus anxieux parmi les adeptes de finances publiques[3]. Pour le renommé périodique new-yorkais, on a toutes les raisons d’être optimiste quant à l’avenir économique du Canada. Ainsi, Forbes explique que, contrairement aux Etats-Unis, le Canada a su gérer ses finances publiques de manière adéquate durant la crise économique qui vient de se terminer. Ceci fait en sorte qu’actuellement, le Canada se classe bon premier parmi les pays du G8 avec la plus faible dette publique per capita. Pas si mal pour un pays au bord de l’abyme financier…

 

La contradiction flagrante entre le message du directeur parlementaire du budget canadien (le Canada est au bord du désastre financier) et celui de l’article du Forbes (le Canada en meilleure posture financière parmi le G8) illustre à quel point il peut être ardu d’en arriver à une opinion arrêtée en ce qui concerne la gravité relative de l’état des finances publiques, que ce soit pour Canada ou le Québec. D’autant plus que dans ce cas-ci, la question va plus loin que le débat gauche-droite puisqu’on peut difficilement taxer M. Page ou le Forbes d’être des porte-parole du courant socialiste. Doit-on s’inquiéter pour notre avenir collectif? Doit-on exiger de nos gouvernements qu’ils mettent au plus vite la hache dans les services publics et qu’ils procèdent à des hausses significatives de nos taxes et de nos impôts? Ou doit-on au contraire voir notre futur économique avec optimisme malgré les hausses galopantes de la dette publique?

 

Les mêmes questions se posent également au Québec. L’actualité politique actuelle nous en fait la preuve avec la sortie publique de l’ex-premier ministre québécois Lucien Bouchard qui s’en est pris, pour résumer ses propos, à l’entêtement du PQ pour la souveraineté et son penchant pour la laïcité de l’État[4]. Mais l’élément des propos de M. Bouchard rapportés par Le Devoir qui nous intéressera le plus ici est celui concernant la gestion des finances publiques du Québec : « … [Il faut que le Québec] secoue sa torpeur et se remette en marche, qu'il accepte de voir les obstacles qui lui barrent la route [tels que] le piètre financement des universités et les tarifs d'électricité trop bas. »

 

Cette proposition de revoir le financement du réseau universitaire (en haussant les frais de scolarité… quoi d’autre?) et d’augmenter les tarifs d’électricité n’est pas sans nous rappeler le manifeste publié en 2005 par les « lucides », avec en tête Bouchard, André Pratte, Joseph Facal et autres Pierre Fortin. Il n’en fallait pas plus pour que les médias poussent l’affaire un peu, disons plutôt beaucoup plus loin. Ainsi, le 20 février 2010, un sondage Angus Reid publié dans La Presse révèle que « Les Québécois [sont] d’accord avec Bouchard.[5] »Selon le sondage, une majorité de Québécois croit qu’il ferait le meilleur premier ministre s’il s’ajoutait aux choix actuels (Charest, Marois, etc.) et voterait donc pour lui s’il effectuait un retour dans l’arène politique à la tête d’un nouveau parti.

 

Est-ce donc dire qu’en 2010, une majorité de Québécois souhaiterait l’élection d’un gouvernement qui privilégierait une réforme en profondeur des finances publiques, réforme qui inclurait donc, on ne pourrait faire autrement, une baisse des services publics et une hausse des impôts ? Peut-être bien que oui, à très court terme, le temps d’une lune de miel post-électorale… Mais en pratique, à plus long terme, alors qu’arriverait le temps de faire les choix difficiles qui auraient un impact tangible sur le budget des ménages québécois ? Il est permis d’en douter. Ce qui nous ramène à notre interrogation précédente qui concernait le Canada : Doit-on s’inquiéter pour l’avenir financier du Québec ou s’agit-il d’un faux problème? J’ai fait beaucoup d’efforts pour trouver un article du Forbes qui ferait l’apologie de l’avenir des finances publiques québécoises mais malheureusement, je cherche toujours…

 

Jean-François Morel

ENP7505

Hiver 2010

 



[1] Gouvernement du Canada  - Bureau du directeur parlementaire du budget: Rapport sur la viabilité financière

http://www2.parl.gc.ca/Sites/PBO-DPB/documents/RVF_2010.pdf

 

[2] Ministère des Finances Canada : Le Budget en bref 2006

http://www.fin.gc.ca/budget06/brief/brief-fra.asp

 

[3] Forbes.com, 11 février 2010 : « The Canadian Century ? »

http://www.forbes.com/2010/02/11/canada-olympics-economy-business-sportsmoney-canada.html

[4] LeDevoir.com, 17 février 2010: « La souveraineté n’est pas réalisable, dit Bouchard »

http://m.ledevoir.com/politique/quebec/283286/la-souverainete-n-est-pas-realisable-dit-bouchard

[5] Cyberpresse.com, 20 février 2010 : « Les Québécois d’accord avec Bouchard »

http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/politique-quebecoise/201002/20/01-953593-les-quebecois-daccord-avec-lucien-bouchard.php

Commentaires

  • Jean-François...Douglas !

    On va lire et déguster ça avec grand intérêt.
    Bravo pour avoir osé!
    Prof

Les commentaires sont fermés.