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Yvon Douville mardi soir La loi sur l'équité : allo Bob?

 

La loi sur l’équité : Allo Bob?

 

Yvon Douville, groupe du mardi PM, ENAP 7505

Version modifiée du 17 novembre 2009 (la première version ayant déja parue sous le tite Équité en emploi : ou va t'on?)

 

En 1995, le Gouvernement fédéral adoptait la loi sur l'équité en matière d'emploi. L'article 2 de cette loi précise son objet :

 

Réaliser l’égalité en milieu de travail de façon que nul ne se voie refuser d’avantages ou de chances en matière d’emploi pour des motifs étrangers à sa compétence et, à cette fin, de corriger les désavantages subis, dans le domaine de l’emploi, par les femmes, les autochtones, les personnes handicapées et les personnes qui font partie des minorités visibles, conformément au principe selon lequel l’équité en matière d’emploi requiert, outre un traitement identique des personnes, des mesures spéciales et des aménagements adaptés aux différences.

 

Cette loi s'applique à tous les employeurs du secteur privé et tous les secteurs de l’administration publique fédérale mentionnés aux annexes I ou IV de la Loi sur la gestion des finances publiques, en plus de d'autres secteurs publics prévus dans la loi.

 

Après 14 ans de mise en force, je me propose de jeter un regard sur cette loi. Le sujet étant complexe, mon regard se portera uniquement sur l'équité au niveau de l'emploi des femmes dans la fonction publique fédérale. Je m’intéresserai à deux points : la loi sur l’équité a-t-elle été efficace? Y’a-t-il des objectifs clairs pour réaliser l’équité dans l’avenir? Ces questions sont importantes car il importe pour l’administration publique de s’assurer de l’efficacité de ses actions et de connaître avec un bon niveau de précision la direction à prendre dans l’avenir. Cela favorise une saine utilisation des fonds publics.

 

Pour traiter de ce sujet, j'utiliserai avec abondance les données statistiques. Celles-ci sont bénéfiques selon Beaud et Prévost (1997) pour une saine gestion de l'administration publique : bon nombre des problèmes qui occupent aujourd'hui le devant de la scène politique ne peuvent être compris qu'une fois situés dans l'espace politico-cognitif structuré par les pratiques statistiques (L'État administrateur p 202). Cela est d'autant plus vrai pour un sujet potentiellement chargé d'émotions comme celui de l'équité en matière d'emploi pour les femmes. Les statistiques permettent de jeter un regard objectif sur une situation donnée qui éclaircissent la prise de décisions.

 

Les statistiques qui nous préoccupent sont disponibles publiquement et à chaque année sur le site du Conseil du trésor. On y apprend qu'en 1995, les femmes formaient 45 % de la fonction publique fédérale. Ce pourcentage atteignait 52 % en 2001 et 54 % en 2008. Le pourcentage absolu de femmes a donc augmenté de 9 % en l'espace de 15 ans, de telle sorte qu'il y a actuellement plus de femmes que d'hommes agissant comme fonctionnaires pour le gouvernement canadien.

 

Selon l'objectif de la loi, le nombre de membres des groupes désignés doit refléter leur représentation au sein de la population apte au travail (article 5.1). La population active féminine s'établissait à 49 % en 2001 et à 52 % en 2008. En termes absolu, il y a 2 à 3 % plus de femmes engagées dans la fonction publique fédérale que leur représentation dans la population. Le rapport 2007-2008 du conseil du trésor conclut que la représentation des femmes surpasse les prévisions concernant leur disponibilité au sein de la population active.

 

Mais qu'en est-il de la représentation des femmes dans les diverses catégories professionnelles? La loi, toujours selon l'article 5.1, prévoit que le nombre de membres de ces groupes désignés dans chaque catégorie professionnelle de son effectif reflète leur représentation. Ces catégories sont au nombre de 6. En 2008, les femmes formaient 42 % des effectifs de direction, 45 % du secteur scientifique et professionnel, 62 % de l'administration, 33 % de la technique, 80 % du soutien administratif et 20 % de l'exploitation (je n'ai pas été en mesure d'établir un comparatif par rapport aux données de base de 1995 en raison de la non-disponibilité/diffusion de ces données). Devant ces statistiques, le conseil du trésor se propose de prolonger ses efforts afin d'assurer la représentation des groupes désignés dans toutes les catégories professionnelles (rapport 2007-08).

 

Un moyen pour y arriver est d'embaucher plus de femmes dans certaines catégories d'emploi. Le moyen technique d’y arriver est d’appliquer des mesures d’emploi qui donnent la priorité aux femmes si le niveau de compétence est le même qu’un homme. Manifestement, des progrès sont en cours à cet effet lorsqu'on examine les statistiques d'embauche des nouveaux fonctionnaires en 2008. Par exemple, 45 % des nouveaux employés au niveau de la direction sont des femmes, soit un pourcentage supérieur à celui de leur présence actuelle dans cette catégorie d'emploi. Un rattrapage se réalise donc peu à peu.

 

Un deuxième moyen est de donner plus de promotions aux femmes. Encore ici, on est sur une voie positive avec 62 % de toutes les promotions qui sont accordées à des femmes en 2008. Ce pourcentage n'était que de 56 % en 1996.

 

Après avoir été inondés de ces statistiques (le lecteur me le pardonnera), j'observe que la politique gouvernementale a été sans aucun contredit efficace, dans le sens que l'équité envers les femmes s'est accrue de façon notable depuis 1995. Plusieurs critères l'indiquent sans aucune ambiguïté : plus de femmes que d'hommes dans la fonction publique, plus de promotion aux femmes, plus d'embauches de femmes. À notre première question : je réponds donc que oui, que cette loi a donné des résultats tangibles depuis 14 ans.

 

Là où la sauce se gâte, c’est au niveau de la direction que donne le Gouvernement fédéral face aux mesures à prendre dans l’avenir. Malgré mes recherches, j’ai été incapable de découvrir les objectifs chiffrés du Fédéral en cette matière (ce qui n’est pas le cas du Gouvernement du Québec). Où va le Fédéral? Si on ne me dévoile pas les objectifs, je considère cela inacceptable car cela dénote un manque de transparence. Et s’il n’y pas d’objectif du tout, c’est encore pire!

 

Prenons exemple du rapport même du conseil du trésor. Celui-ci affirme sans aucun détour que la représentation des femmes surpasse les prévisions concernant leur disponibilité au sein de la population active. Or la loi, instituée par le gouvernement fédéral, prévoit qu’elles doivent représenter leur pourcentage de la population. Je pourrais argumenter que cela devient inéquitable pour les hommes car l’objectif général de l’équité a été atteint… Ce serait tellement plus simple si on me disait les vraies choses : est-ce que 54 % de femmes dans la fonction publique comparativement à 52 % dans la population, c'est trop? Où est-ce dans une gamme raisonnable, dans le sens que l'on dit équité à l'intérieur de 2 % d'écart? Est-ce qu'un pourcentage de 60 % de femmes dans la fonction publique serait toujours équitable? Ce pourcentage ne cesse d'augmenter année après année : où est la limite? Y'a t-il une limite? Qu’on me comprenne bien : je n’ai aucun problème qu’on me dise que c’est 55 % : mon problème est l’absence de divulgation de ces cibles.

 

Prenons le cas maintenant de la présence des femmes dans les diverses catégories professionnelles. Le conseil du trésor affirme « que des efforts se poursuivent au niveau d'une juste représentation des femmes dans les diverses catégories ». Je suis tout à fait d’accord avec cette volonté mais tout à fait en désaccord sur le fait qu’il n’y ait aucun objectif chiffré à atteindre. Ce serait comme un petit enfant qui a des difficultés scolaires à qui on dirait « fais des efforts mon jeune mais je ne dis pas ce que tu dois accomplir pour passer ton année ». Veut-on un pourcentage de 50 %, plus ou moins 2-3 %, dans chaque catégorie professionnelle? Qu’on me le dise, je vais le prendre! Que fait-on dans les catégories professionnelles où les femmes dépassent nettement leur représentation? A-t-on une volonté de valoriser la présence des hommes dans ces catégories? Aucune espèce d’idée et avec le climat de rectitude politique de ces temps-ci, je suis probablement un sexiste de premier niveau!

 

En l'absence de telles cibles chiffrés, la loi de l’équité pourrait être contestée devant les tribunaux en vertu de la constitution même du Canada qui prévoit selon l'article 15.1 de la charte des droits et des libertés que la Loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques. Un homme alors pourrait avancer que les mesures d’accès à l’emploi pour les femmes ont été injustement appliquées dans son cas, justement par manque de clarté dans les objectifs (s’il y en a). On se retrouverait devant le constat bizarre que la loi de l’équité s’est transformé à la longue en la loi sur l’inéquité. Tout cela en raison de l’absence de critères connus de tous.

 

Le but général de cette loi est noble. Je considère toutefois déficient, très déficient, la gestion interne de cette équité par son manque de transparence et l’absence apparente d’objectif clairs. Non! Je ne peux me contenter d’aussi peu de la part de mes représentants qui ont le devoir d’être transparents dans leur gestion, non seulement envers le parlement, mais envers la société toute entière. Je réclame de la transparence et des objectifs chiffrés clairs!

 

Mais je parle dans le franc vide, parce que mon gouvernement fédéral ne répond pas et ne me dit rien… Comme dirait Ron Fournier, commentateur très coloré du Canadien de Montréal : Allo Bob?

 

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