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Un système d'éducation à deux vitesses.

ÉCOLES PUBLIQUES VERSUS ÉCOLES PRIVÉES, EST-CE LE BON DÉBAT?

Au cours des dernières semaines, l'éternel débat de notre système d'éducation en ce qui concerne les établissements d'enseignement publics et privés a continué d'être omniprésent sur la place publique.  Que l'on parle de la qualité de l'enseignement, du taux de réussite ou de décrochage, de la qualité de l'encadrement ou des services offerts, la plupart des gens semblent avoir une opinion plus ou moins définie sur le sujet et pour plusieurs, l'école privée semble être la grande gagnante!

Cependant, il me semble évident que la véritable question n'est pas de savoir quel réseau est le meilleur mais plutôt: est-ce que le système d'éducation québécois, dans son ensemble, est performant?  Est-il  à la hauteur de nos ambitions, de nos aspirations en tant que société? Ayant fréquenté l'école publique tout au long de mes études, ayant enseigné dans le privé pendant 12 ans et travaillant maintenant comme gestionnaire dans le public, je serais à même de faire une longue liste des avantages et des inconvénients de chacun des réseaux, mais je ne le ferai pas!  Je ne le ferai pas parce que, selon moi, il est temps de déplacer le débat.  Il est temps de se questionner sur la pertinence de l'existence d'un double système, sur les impacts sociaux d'un tel choix.

 

LE COÛT SOCIAL

Quelle ne fut pas ma surprise d'entendre, il y a quelques semaines, le directeur du Collège Régina-Assumpta annoncer en grandes pompes la fin des séances d'examens d'admission dans son établissement.  La raison?  Trop de pression sur les jeunes.  Une bonne nouvelle... en apparence!  On compare le stress ressenti par les jeunes lors de la période d'admission dans les écoles privées secondaires à celui qu'ils vivent lors de leur entrée au Cégep, à une différence près: dans le premier cas ils ont 11 ou 12 ans et dans le deuxième, 16 ou 17 ans.  Cependant, en abolissant les examens d'admission, la direction du Collège n'enlève pas la pression sur ces jeunes puisque la sélection, quant à elle, demeure.  En effet, les élèves seront admis ou non en fonction de leur bulletins de 5e et 6e année, exactement la même procédure que pour l'entrée au Cégep!

La réalisatrice Marie-Josée Cardinal a réalisé un documentaire criant de vérité sur les effets du passage primaire-secondaire chez beaucoup de jeunes.  "LES ENFANTS DU PALMARÈS", diffusé à Canal D se veut un documentaire touchant et alarmant parce qu'il met en lumière la réalité vécue par de nombreux jeunes québécois.

  • Pression des parents: on constate que de nombreux parents font savoir à leurs enfants qu'ils doivent à tout prix êtres admis dans une école privée, que l'échec n'est pas envisageable.
  • Pression des pairs: plusieurs élèves qui ne choisissent pas le privé ou qui n'y sont pas admis se font dire par leurs amis qu'ils ne réussiront pas dans la vie ou encore qu'ils se feront frapper régulièrement par les autres dans leur école publique.

Il ne s'agit là que de quelques exemples, mais il est sidérant de voir à quel point le réseau public est victime de préjugés et ce, autant de la part des parents que des jeunes eux-mêmes.  Plus stupéfiant encore: constater à quel point le fait de ne pas être accepté dans un établissement privé prend des allures de drame pour de nombreux parents et enfants.

Et c'est ce qui m'amène à parler de coût social.  Rares sont les études sur les effets d'un tel refus sur ces familles et plus particulièrement sur les jeunes mais le documentaire est éloquent. Le drame ce n'est pas d'être refusé mais bien de constater que ce refus amène des jeunes à se déprécier, à perdre tout goût de l'école,  à croire qu'ils ne peuvent pas réussir, qu'ils ne sont pas à la hauteur, et même de voir des jeunes sombrer dans la dépression.  À une époque où on cherche à contrer le décrochage scolaire, voilà le portrait typique de jeunes décrocheurs en contruction.

 

UN SYSTÈME À DEUX VITESSES

Nous savons tous que les écoles privées sont financées par l'état à hauteur de 60% et plusieurs ont remis en question ce financement.  Pour ma part, c'est l'existence même du réseau privé que je remets en question.  Les effets négatifs, non pas de deux systèmes d'éducation mais bien d'un seul système à deux vitesses, m'apparaissent  inacceptables.  

Losque l'on permet à certaines écoles de sélectionner leurs élèves pour ne garder que les meilleurs, la cause directe est que les autres élèves se retrouvent tous dans une même école publique située non loin de là.   "L'école privée vide l'école pulique de ses meilleurs élèves en même temps qu'elle la prive de parents intéressés à l'éducation qui pourraient autrement s'engager dans l'amélioration de l'école commune." (1) En retirant les meilleurs éléments d'une école on enlève, à cette même école, un potentiel positif énorme. Si tous les élèves d'un même secteur se retrouvent dans la même école, le leadership positif, le goût de l'implication, le désir de réussir des éléments les plus performants de cette école ne peuvent qu'avoir un effet d'entraînement positif sur tous les autres élèves. La sélection effectuée par le réseau privée prive donc le système public d'éléments-clés mais surtout, elle prive les élèves du public d'un potentiel de développement énorme en les privant du contact de certains des meilleurs élèves, ce sont donc les jeunes qui sont les plus grands perdants!

La sélection effectuée par les écoles privées avec la bénédiction de l'état a un effet pervers sur le système public qui se retrouve avec un plus grand ratio d'élèves en difficulté pour lesquels il doit mettre en place une multitude de services qui, bien souvent, ne suffisent plus à la tâche. Dans une école secondaire publique de 1000 élèves par exemple, il y a certains services mis en place: psychologues, éducateurs spécialisées, psycho-éducateurs, orthopédagogues, etc.  Le fait que les meilleurs élèves soient souvent admis dans une école privée fait en sorte que l'école publique se retrouve avec un plus grand nombre d'élèves ayant besoin de ces services ce qui, par le fait même, rend la tâche beaucoup plus difficile.  La mission d'intégration des élèves en difficulté d'adaptation et d'apprentissage revient donc exclusivement à l'école publique.

Saviez-vous que tous ces services que je viens d'énumérer ne se retrouvent pas dans les écoles privées?  Lorsqu'un élève du privé a besoin de ces services on demande aux parents de le retirer de l'école à la fin de l'année scolaire et parfois même, on leur indique la sortie en pleine année scolaire.  J'en ai vu des jeunes arriver dans mon école publique à la suite d'un renvoi, je ne sais pas si, comme société,  nous mesurons l'impact que cela peut avoir chez un jeune qui éprouve déjà des difficultés?  Je ne sais pas non plus si on imagine l'effet perturbateur que cela peut avoir sur les autres élèves, ceux qui accueillent ces jeunes en cours d'année?  Et sur les enseignants qui doivent éviter la désorganisation de tout un groupe tout en favorisant l'intégration de ce nouvel élève qui arrive, bien souvent, très démotivé? J'imagine que non, puisque cela va totalement à l'encontre du principe d'égalité des chances en éducation.

LE RÔLE DE L'ÉTAT

Nous sommes en droit de nous demander pourquoi le gouvernement maintien le financement des écoles privées.  J'imagine que le fait que l'éducation soit la deuxième dépense publique après la santé est en partie  réponse à cettte question.  Bien entendu, on peut douter de la capacité de l'état à absorber, à court terme, les coûts que représenteraient un seul réseau d'éducation.  Verser 100% plutôt que le 60% de la subvention accordée pour chacun des 125 128 élèves (2) qui fréquentent l'école privée représente une augmentation des coûts considérable. Cependant, les coûts d'un système à deux vitesse ne sont-ils pas, à long terme, beaucoup plus importants?

Alors qu'en Administration Publique les gens sont imputables de toutes leurs décisions, comment la plus haute marche de cette Administration Publique peut-elle, consciemment, prendre le risque de ne pas développer pleinement  le talent et le potentiel de nombreux jeunes?  Nombreux jeunes que nous perdons par une pression inutile et excessive en jeune âge, par un manque de stimulation positive par leurs pairs, par un renvoi inutile d'une école secondaire...  De nombreux jeunes que nous perdons en cours de route et qui ne seront pas les acteurs sociaux que nous avions le devoir d'en faire!

À quand donc la reddition de compte pour le gouvernement? Pourquoi ce dernier ne serait-il pas soumis à ce pricipe de base de l'Administration Publique lorsqu'il s'agit de coûts sociaux?   

 

(1): Ministère de l'éducation, des loisirs et des sports.  Rapport des états généraux sur l'éducation. 1995-1996.

(2): Élèves inscrits dans une école privée primaire ou secondaire pour l'année scolaire 2008-2009.

Commentaires

  • Je suis d’accord avec vous sur un point. Le financement public de l’école privée à la hauteur de 60 % est une aberration. L’Ontario l’a compris et a décidé de couper les vives à l’école privée pour les réinjecter dans le réseau public. Par contre, là où je ne suis pas d’accord avec vous, c’est quand vous remettez en question la présence du privé dans le réseau scolaire. Il faut laisser le choix aux parents de choisir le réseau qu’ils désirent. Je pense que le débat doit se faire sur l’amélioration du réseau public pour lui redonner son « lustre d'antan ». Il faut que les dirigeants des écoles publiques entament une réflexion pour améliorer le réseau. Comment expliquer que des parents majoritairement dans la classe moyenne choisissent l’école privée? Ces derniers veulent un encadrement psychopédagogique et un environnement sécuritaire. De plus, ils veulent également des professeurs de qualités et un milieu motivant. Si on réussit à leur fournir ce cadre-là, il n’y a pas de raisons qu’ils n’envoient pas leurs enfants à l’école publique. Enfin, vous parlez des tests d’admissions pour le triage des élèves. De plus en plus d’écoles publiques, dites internationales ont recourt à ce type de test pour également choisir les élèves. Comme dirait l’autre, on n’est pas sortie du bois.

  • Il est bien vrai que plusieurs écoles publiques font aussi des tests d'admission pour sélectionner des élèves admissibles ou non à certains programmes spéciaux tels que les sports-études ou les programmes d'éducation internationale cependant, lorsqu'un élève ne réussit pas ce test il est malgré tout admis à l'école. Je pense donc que le sentiment d'échec est présent pour le jeune mais de façon moins marquée puisque, même s'il est exclut d'un programme particulier, il n'est pas exclu complètement de l'école comme cela se produit dans le réseau privé.

    De plus, lorsque vous parlez du droit des parents à choisir dans le but d'avoir un meilleur encadrement, de meilleurs enseignants et un meilleur suivi psychopédagogique, c'est justement là le point de mon blogue: au niveau primaire les parents semblent satisfaits du système public... pourquoi pas au secondaire alors que ce sont les mêmes commissions scolaires, les mêmes gestionnaires??? je pense que le réseau public est victime de préjugés non-fondés en ce qui concerne les écoles secondaires. Je ne pense pas que les enseignants du privé soient meilleurs... j'ai travaillé dans les deux réseaux et je crois fermement qu'il y a des bons et des moins bons enseignants aux deux endroits.

    Pour ce qui est des services psychopédagogiques, je vous mets au défi de trouver plusieurs écoles privées qui offrent ce qu'une très grande majorité d'écoles secondaires publiques offrent: c'est-à-dire les services de psychologues, psycho-éducateurs, éducateurs spécialisés, infirmières, travailleurs sociaux, policiers communautaires, orthophonistes et orthopédagogues!

    Sérieusement, je crois fermement que l'école publique secondaire n'est pas moins "bonne" que l'école privée... Elle est simplement méconnue!!!

  • Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites que l'école publique est méconnue. Beaucoup de préjugés lui sont associées. Je suis travailleuse sociale dans une polyvalente depuis maintenant dix ans. J'ai fréquenté un collège privé lorsque j'étais moi-même au secondaire. Je me souviens que j'étais très étonnée de la qualité de l'enseignement et de l'encadrement des élèves lorsque j'ai commencé à travailler à la polyvalente. Je crois fermement qu'il faut continuer à investir dans le réseau public et de permettre à tous les jeunes d'avoir accès à de l'enseignement de qualité.

    Investir dans le public et dans la qualité de l'enseignement pour moi, c'est aussi s'intéresser à la question des garçons. On le sait que l'école n'est pas toujours fait pour certains jeunes qui préfèrent bouger et qui ont de la difficulté à rester attentifs de 8h le matin à 16h l'après-midi. Pour moi, il faut trouver de nouvelles façons de faire et de motiver nos jeunes. Peut-être que plus de projets alternatifs sont nécessaires ? Évaluer les apprentissages devrait être plus important que la note comme telle.

    Je trouve qu'on crée parfois un sentiment d'échec chez les jeunes. Il m'apparaît plutôt important de permettre aux jeunes de s'épanouir à l'école, de trouver leurs forces et de se réaliser pleinement.

    Si vous saviez le nombre de jeunes que j'ai reçu dans mon bureau au fil des ans, qui vivaient un sentiment d'échec parce qu'ils ne fonctionnaient pas dans le cheminement régulier et qui avaient l'impression que si ce n'était pas ca, il n'y avait pas d'autres options pour eux. Des jeunes qui avaient simplement besoin que l'on croit en eux et qu'on les accompagne vers LEUR réussite. De plus, la pression parentale est belle et bien là aussi...pas besoin d'échouer à un test de sélection pour la sentir et pour vivre le sentiment d'échec.

    Je trouve qu'en tant que société, il faut permettre aux jeunes de se réaliser et d'être différents les uns des autres. Pour moi, ca veut dire innover, changer des méthodes d'évaluation et arrêter de mettre l'emphase sur la NOTE. L'apprentissage et l'évolution du jeune m'apparaîssent plus importantes.

  • Je suis tout à fait d'accord avec votre note et les commentaires qui suivent. Après avoir enseigné au privé et au public, j'ai pu constater que la sélection des élèves est le principal critère qui confère au privé son avance par rapport au public. Au niveau de l'administration et de l'organisation du travail, par exemple, les écoles publiques impressionnent par leur efficacité.

    Il y a par contre un élément qui me freinera à envoyer mes enfants à l'école publique: les processus d'embauche des commissions scolaires. Pour enseigner au privé, il faut passer une entrevue. Voilà qui me semble être la chose la plus logique, compte tenu de la nature du travail d'enseignant. Ce n'est par contre pas le cas au public, du moins pas toujours, puisque les entrevues des commissions scolaires ne sont qu'une formalité, et qu'une fois passées, les enseignants évoluent dans le système au gré de leur ancienneté.

    Évidemment, ce ne causerait pas problème si tous les enseignants étaient compétents, ce qui n'est malheureusement pas le cas. Après avoir fait de la suppléance dans quatre commissions scolaires et des centaines d'écoles, je constate que le système d'embauche, probablement par souci d'être gentil avec tout le monde, ne fait aucun tri du personnel. Les facultés d'éducation ne se chargent pas non plus de faire ce travail puisqu'à me connaissance, aucune faculté d'éducation au Québec n'est réellement contingentée et je n'ai jamais entendu parler de quelqu'un qui a échoué un baccalauréat en éducation.

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