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Le mal canadien ou le bien québécois ?

Je dépose à nouveau mon premier blog.

Christian Barrette
Principes et enjeux de l’administration publique (ENP7505)
Groupe du mardi

 

 

 

Le mal canadien ou le bien québécois ?

 

 

Le monde de l’administration publique se différencie beaucoup de l’administration privée. Le public possède un cadre plus contraignant que le privé, ce qui accentue sa complexité. Tous les dirigeants des différents organismes, peu importe leur provenance, vous le diront sans retenue. C’est d’autant plus vrai que le Québec fait face à ce dilemme d’une façon encore plus évidente, principalement dû à son « statut » de société distincte, comme l’ont mentionné bien des gens notamment Robert Bourassa lors de sa déclaration du 22 juin 1990, disant que « le Québec est aujourd’hui et pour toujours une société distincte, libre et capable d’assumer son destin et son développement ». La reconnaissance du français comme langue officielle au Québec, son droit civil et la nomination de trois juges québécois au sein des neuf juges de la Cour suprême sont autant de preuves du statut particulier de notre belle province.

 

Mais pour l’administration publique, cette situation représente un défi important,  commun au peuple québécois. Déjà confrontés avec plusieurs lois fédérales, on rajoute à nos administrateurs une réflexion supplémentaire avec l’application de lois spécifiques au Québec. Mais à quel prix? Je ne veux surtout pas lancer le débat d’être ou ne pas être une société distincte sous son aspect « viscéralement politique » mais plutôt l’impact de celle-ci sur les décisions « administratives » des activités quotidiennes et des répercussions qui s’ensuivent sur la gestion. Ce qui complexifie le processus décisionnel est que certaines des décisions peuvent être basées selon leur aspect politique. Dans bien des cas, si on considère strictement l’impact financier de certaines décisions dites locales, le coût à payer n’est pas peu dire. Vu sous cet angle, il serait facile de décider d’y aller avec le « mal canadien » plutôt que le « bien québécois ».

 

Les administrateurs du domaine public doivent posséder des connaissances supplémentaires lors de leurs prises de décision puisqu’ils interprètent des lois. La Loi sur les contrats des organismes publics, la charte de la langue française ou les différents accords intervenus entre le Québec et autres provinces en sont quelques exemples. Non seulement les administrateurs publics doivent composer avec un plus grand nombre de lois mais ils doivent aussi « manager » avec l’éventualité que certaines lois, ou leurs dispositions, risquent de s’enchevêtrer. Par exemple, il y a certaines situations qui peuvent impliquer des lois provinciales et fédérales simultanément, comme cela peut aussi être le cas pour nos propres lois provinciales. En fait, le défi est de déterminer quelle loi a préséance sur les autres. Dans la perspective qu’une contradiction persisterait entre deux lois, la responsabilité de trancher reviendrait alors à la plus haute instance juridique du pays. Nous constatons que les dirigeants québécois composent avec un doute juridique plus élevé dû à la dualité de notre système.

 

À titre d’exemple, le Conseil du Trésor a instauré une nouvelle loi en juin 2006, soit la Loi sur les contrats des organismes publics, regroupant de grands ministères comme celui de la santé, des services sociaux et de l’éducation, sous la même vision légale. Les organismes faisant partie de ces ministères composent tous avec la même loi et surtout l’application de celle-ci, même si les champs d’expertise sont complètement variés. L’objectif principal est surtout l’harmonisation des contrats. Les principales caractéristiques de cette loi sont sans contredit la transparence, la reddition de compte et l’imputabilité des dirigeants d’organismes. Certaines de ces dispositions demandent une plus grande ingéniosité de la part de nos administrateurs, surtout pour l’apport qualitatif où nous devons tenir compte des critères et des normes de qualité dans les choix des biens et des services. Vous comprendrez que chaque ministère possède des caractéristiques uniques et particulières. Mais le fait demeure qu’avoir les mêmes considérations qualitatives pour négocier un écran d’ordinateur ou un stimulateur cardiaque ne diminuent en rien le risque de la prise de décision des administrateurs impliqués dans ce processus. Sans dénigrer la complexité de chacun de ces produits, octroyer un contrat pour un produit allant à l’intérieur du corps humain est une zone un peu plus sensible pour l’ensemble de la population ! Autrement dit, nous n’accordons pas plus de reconnaissance pour l’aspect qualitatif dans l’une ou l’autre des situations. Évidemment, l’application de règlements en octobre 2008 et certaines politiques ministérielles ont contribué à aider la prise de décision des gestionnaires dans ce domaine.

 

Autre élément qui augmente la complexité de  la situation est l’application de la charte de la langue française dans nos activités quotidiennes. On se rend compte que cette situation peut engendrer des tergiversations occasionnelles. Le Québec a un droit légitime et le devoir de protéger la langue française et je n’en disconviens pas. Mais l’application du français a aussi des répercussions financières et sociales et ce, à plusieurs niveaux. Je vais cibler cette contrainte dans un domaine plus spécifique, soit l’approvisionnement dans le secteur de la santé et des services sociaux.

 

Lorsque les responsables en approvisionnement doivent appliquer la Loi sur les contrats des organismes publics (LCOP) et ses règlements, la langue française est un des éléments décisionnels lors de l’octroi d’un contrat. Non seulement toutes les soumissions et documents doivent être rédigés en français, mais l’information et l’emballage des produits doivent aussi comprendre le français, que ce soit unilingue français, bilingue ou autres mais comportant toujours une inscription française. Avec raison d’ailleurs ! Imaginez la gestion des risques lorsque du personnel clinique ayant de la difficulté à comprendre l’anglais (et cela existe), essaie d’appliquer une fourniture spécialisée dont l’emballage et l’utilisation sont uniquement écrites en anglais. Bien sûr ces gens auront eu préalablement toute la formation désirée mais n’empêche que lorsqu’ils doivent utiliser ladite fourniture, une inscription en français sur l’emballage peut certainement être utile.

 

La situation se complique lorsque trois produits sont évalués et que seulement deux sont retenus pour leur grande qualité et la sécurité offerte aux patients mais malheureusement, l’emballage est unilingue anglais. Le troisième produit fut évalué mais non sélectionné puisqu’il est de piètre qualité. Par contre, son emballage est en français. Alors, quel devrait être la décision (position) de nos responsables en approvisionnement et de notre personnel clinique ? Et même celle du dirigeant d’organisme car il est imputable des décisions de son organisme ?

 

Déjà qu’être administrateur dans le domaine public exige plusieurs qualités intrinsèques propres à ce secteur particulier, voilà qu’on lui rajoute un fardeau supplémentaire lorsqu’il travaille au Québec.  Ce sont tous des défis intéressants que celui-ci est prêt à relever mais certains matins, il désirerait surement troquer son bien québécois pour le mal canadien.

 

 

 

Quelques liens :

 

http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca

 

http://www.tresor.gouv.qc.ca/fr/marche/index.asp

 

Commentaires

  • Peut-être que parfois, être québécois francophone, ça fait mal un peu....!
    Avec le contexte de la mondialisation des marchés, nous voyons l'impact de notre petit marché francophone à l'échelle de la planète.
    Si le marché francophone était plus grand à l'échelle planétaire, les compagnies se plieraient volontiers à cette exigence d'étiquettage bilingue qui rimerait avec des dollars bien sonnants. Mais voilà, malgré l'aide de nos compatriotes français de France, nous n'arrivons pas à égaler un marché principalement anglophone à l'échelle planétaire.
    Cela fait partie du fait d'assumer notre différence.
    J'ose espérer que les dilemmes dans lesquels sont parfois mis nos administrateurs entre des produits à étiquettage unilingue anglais de qualité, et les produits de piètre qualité avec étiquettage bilingue ou français ne sont pas leur lot quotidien....
    Choisir entre qualité de produit et étiquettage français d'un moins bon produit destiné à me soigner ne doit pas être très confortable.
    J'ose croire qu'il est possible de faire des commentaires aux fournisseurs de produits qui désirent sûrement faire des percées dans le marché québécois de les sensibiliser aux éléments qui auront conditionné notre refus de leur soumission, afin d'éviter de se retrouver trop souvent entre l'arbre et l'écorce.

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