Projet de loi 16 sur la diversité culturelle au Québec : raisonnable?
Par Isabelle Michon
Groupe du Mardi Pm, Trois-Rivières
Le gouvernement du Québec se développe en « état providence » après 1930 et augmente ainsi son rôle social en mettant son administration au service de la population. Autrefois très rigide, celle-ci a évolué au fil des dernières décennies en s’adaptant aux changements de la population québécoise. Elle créée ainsi des limites plus flexibles dans les cadres de lois qui la gouvernent, permettant de s’ajuster aux différents facteurs externes, tel le multiculturalisme, afin de poursuivre sa croissance continue selon la loi de Weber. Étant donné que la province du Québec est un système ouvert aux fluctuations mondiales, il a été nécessaire de mettre plus de frontières afin d’éviter les débordements possibles. Mais celles-ci, créées aussi des controverses tout en pouvant diminuer la confiance de la population envers ses élus.
Les récents sujets d’actualité ont remis au gout du jour un débat qui avait été oublié depuis la commission Bouchard-Taylor : les accommodements raisonnables. Déposé en douce l’hiver dernier, le projet de loi 16 est dévoilé par un coup d’éclat médiatique. En effet, il semblerait que divers besoins aient émergés de la population, venant ainsi déstabiliser certains principes à la base de notre administration publique. Ainsi, une personne, peut, pour des motifs religieux, demander de choisir le sexe de son interlocuteur dans des Sociétés d’États, telles la SAAQ ou la RAMQ Tous les partis politiques, les présidentes de syndicats et même certains députés ont pris positions sur la question. Quant à moi, je me permets aussi de vous donner mon avis tout en examinant certains faits sur se sujet épineux que diverses personnes considèrent comme une brèche dans l’application de la Charte des Droits et Liberté de la Personne.
Tout d’abord, j’aimerais justement parler de cette réalité dans les Sociétés d’États que sont la Régie de l’Assurance Maladie du Québec (RAMQ) et la Société de l’Assurance Automobile du Québec (SAAQ). Ses organisations sont parapubliques et appartiennent à l’État, donc aux citoyens et chaque personne travaillant dans ces établissements ont une obligation du respect de la Charte des Droits de la Personne, tant sur l’égalité des sexes, que sur le respect de la religion de la personne requérant les services. Ces mêmes règles s’appliquent aussi aux employés. Autrement dit, le respect de tout ce que représente le citoyen est obligatoire.
Malgré tout, une zone grise existe. Et cet espace ne possède aucune définition légale, tant sur la laïcité de l’État que sur la primauté de certaines loi sur d’autres. Certes, le Premier Ministre Jean Charest mentionne souvent que les valeurs prédominantes au Québec sont la séparation de l’État et de la religion, la primauté du français et l’égalité entre les femmes et les hommes. Pourtant celles-ci restent informelles. De plus, l’État autorise aussi ses employés à montrer leur religion, tel à la Gendarmerie Royale du Canada, avec le port du turban. Ainsi si une femme se présente voilée au comptoir de la RAMQ et demande à être servis par un homme, pour des motifs religieux c’est réalisable. Mais si un homme se présente à une employée voilée, il ne peut demander les services d’un autre employé. C’est comme si l’équité n’existait que dans un seul sens. Certes, pour la SAAQ, on parle de 6 cas sur 26000 demandes, donc une rareté, mais certains politiciens démontrent qu’un seul cas reste un cas de trop et que les limites manquent de définitions légales.
Dans le même ordre d’idée, il existe des applications flexibles du choix du sexe de l’employé public qui restent tout à fait acceptés par la société. Ainsi, une victime d’agression sexuelle pourra choisir un psychiatre de son hôpital publique du même sexe qu’elle. Et tout le monde comprend cela, ce sont des motifs de santé. Cette réalité existe aussi depuis longtemps dans le milieu privé, ou la population peut choisir son dentiste, son gynécologue ou son massothérapeute. Malgré ces observations, la réalité des accommodements raisonnables dans le secteur public dérange la population.
Par ailleurs, j’aimerais souligner certains passages du projet de loi, présenté par la Ministre de l’Immigration et des Communautés culturelles, Madame Yolande James. Ce projet est intituler : « Projet de loi no 16 : Loi favorisant l’action de l’Administration à l’égard de la diversité culturelle ».
• CONSIDÉRANT que, conformément aux principes énoncés par la Charte des droits et libertés de la personne, le respect de la dignité de l’être humain, l’égalité entre les femmes et les hommes et la reconnaissance des droits et libertés dont ils sont titulaires constituent le fondement de la justice, de la liberté et de la paix ;
• CONSIDÉRANT qu’il importe de favoriser davantage la pleine participation des personnes des communautés culturelles à la société québécoise ;
• CONSIDÉRANT qu’il y a lieu d’affirmer la volonté de l’ensemble de la société québécoise de se mobiliser afin de mettre en œuvre solidairement des actions visant à favoriser l’épanouissement des personnes sans égard à leur race, leur couleur, leur religion ou leur origine ethnique ou nationale ;
Ces extraits rappellent ce que la Ministre disait : le respect de l’égalité entre les femmes et les hommes est un des principes primordiaux pour le gouvernement québécois. Ensuite, ils mentionnent l’importance d’aider l’ensemble des communautés culturelles du Québec à participer activement à leur société, incluant ainsi celle des québécois de souche et celle des néo-québécois. Ces deux premiers points confirment que le projet de loi est bien soutenu par des parties importantes du respect des droits de la personne. Toutefois la dernière partie fait référence à la volonté de ces mêmes groupes à se mobiliser pour aider tout le monde à s’épanouir sans aucune forme de discrimination, mais il n’est inscrit nulle part la forme de discrimination basée sur le sexe de la personne. Comme si la Ministre voulait se protéger d’avance des actions déjà posés dans la réalité de certaines administrations publiques du Québec. De surcroît, il n’y a pas de mention des raisons qui permettent un écart non discriminant aux principes de respects de l’égalité des sexes. Sans compter que l’adaptation à la réalité de certaines cultures ou religions, que l’on appelle accommodement raisonnable n’a jamais été clairement définit. Ce qui provoque de problème d’interprétation, car la raison peut rester subjective.
Pour ces motifs, la Ministre James a demandé à la Commission des Droits de la Personne de donner son accord. Car celle-ci est la responsable de l’interprétation de la Charte des Droits et Liberté de la Personne au Québec. Mais il ne faut pas confondre la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse et le rôle du Tribunal des droits de la personne. La Commission a un rôle de conseil, c’est tout, elle ne définit rien de plus. Et malgré sa popularité, cette Commission n’apporte rien de plus aux arguments du projet de loi.
En plus de tout cela, le projet de loi présente toute une implication d’action pour l’administration publique. L’objet de la présente loi : « vise à favoriser l’action de l’Administration à l’égard de la diversité culturelle résultant des particularités ethnoculturelles de la société québécoise. » Un facteur d’adaptation énorme pour les Administrations publiques du Québec, car elles sont nombreuses, celles qui répondent à cette appellation. En conséquence, « Le gouvernement peut indiquer les sujets dont doit traiter une politique de même que la fréquence ou la périodicité des mises à jour exigées » et ainsi apaiser la lourde tâche bureaucratique Toutefois, de par leurs nombres, elles ont aussi chacune leur réalité, dans un contexte de décentralisation du gouvernement, qui engendre des applications forcements différentes entre elles.
Tout compte fait, les différents faits que j’ai décortiqués ne dévoilent qu’une seule chose : la difficulté du rôle d’un arbitre. Mettre les frontières. La ligne est certes un pointillé, juste un projet de loi. Pourtant, la réalité est la et personne ne veut se mouiller. Autrement dit, tant que ces applications demeurons dans l’officieux, et il y aura un risque de débordement, d’où le besoin de balise stable et respecté par tous. Chacun a le droit au respect de sa pratique religieuse. Mais comment faire si celle-ci inclus le fait qu’une femme ne peut parler en public à un autre homme sans la présence de son marie, ou qu’une femme ne peut-être en position d’autorité sur un homme? Jusqu’ou est l’ouverture d’esprit d’un peuple démocrate? Car dans tous les cas, des excès restent possibles. Ainsi qu’arrivera-t-il lorsqu’une femme, pour des raisons religieuses, refusera de se faire examiner par des externes en médecines du sexe opposés dans un CHU? Ou, si on commence à avoir le droit de choisir notre caissier au bureau de Poste Canada? Selon moi, je n’accepte aucune sélection d’un représentant publique de ma démocratie pour des motifs autre que celui de la santé. Ensuite, il faudrait définir légalement ce qu’est un accommodement raisonnable et les lois prioritaires. Ma limite est claire. Mais les autorités en la matière ne semblent pas de mon avis. Alors j’imagine le dilemme du Premier Ministre, la voix du peuple? Selon les récentes nouvelles, il aurait laissé tomber le sujet. Mais la réalité existe toujours, ainsi que les écarts aux principes qui définissent les bases de notre société.
Référence :
• Projet de loi 16 :
http://www.tcri.qc.ca/Pdf/Projet%20de%20loi%2016.pdf
• Charte des Droits et Liberté de la Personne :
http://www.cdpdj.qc.ca/fr/commun/docs/charte.pdf
• Le projet de loi 16 jeté aux oubliettes :
http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/politique-quebecoise/200910/22/01-913792-accomodements-raisonnables-le-projet-de-loi-16-jete-aux-oubliettes.php
• Commission des Droits de la Personne :
http://www.cdpdj.qc.ca/fr/accueil.asp?noeud1=0&noeud2=0&cle=0
Commentaires
Je travaille au service à la clientèle du gouvernement. Si un beau matin une femme voilée se présente à mon gichet pour réclamer des renseignements dans un dossier. Je demanderai à qui ai-je affaires? Si elle refuse de se dévoiler pour identification, c'est son affaire, mais moi je ne réponds pas à un voile. J'ai besoin d'identifier la personne à qui je donne des renseignements privilégiés. Voilà où s'arrête mon accommodement. Et croyez-moi, je suis très raisonnable!
2e commentaire. Il s'agit d'une anecdote: Il y a 10 ans, alors que j'étais agente de recouvrement fiscal pour les pensions alimentaires.
Un débiteur refusait de négocier une entente avec moi (femme) pour des raisons de croyances religieuses. J'étais indigne. Alors, j'ai soumis le cas à un collègue (mâle) qui a saisi ce qu'il y avait à saisir (je n'entrerai pas dans les détails, confidentialité oblige). Pour faire retirer la saisie, le débiteur a dû négocier avec mon collègue (réputé pour être un dur).
Il aurait dû s'accomoder avec moi!
Félicitations de prendre position sur ce sujet. Je pense que cette question doit nous ramener à un débat de société en profondeur qui doit déterminer si oui ou non le Québec est un état laic et que si oui, qu'il doit agir en tant que tel. Une fois cela répondu, on trouvera réponse aux questionnements que vous invoquez. Sinon, on en restera au stade des opinions individuelles et au cas d'espèce.