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La réglementation des frais accessoires en santé

Geneviève Harvey

La semaine dernière siégeait la Commission de la santé et des services sociaux afin de traiter du projet de loi 20, un projet de loi qui, selon le ministre Gaétan Barrette, vise à favoriser l’accès aux services de médecine de famille et de médecine spécialisée. Or à l’intérieur de ce projet de loi s’est glissé un amendement visant à réglementer les frais accessoires de santé «pour en éviter les abus» aux dires du ministre lui-même. À prime à bord on pourrait penser qu’il s’agit d’une initiative intéressante visant l’intérêt des usagers… et pourtant.

On évalue que ces frais s’élèvent à au moins 50 millions par an, assumés directement par les usagers, dans un système de santé que l’on dit publique. En ces termes, le paradoxe apparaît tellement énorme que l’on a de la difficulté à y croire. Et l’énormité du problème de cette modification législative devient entière lorsque l’on comprend que le simple fait de proposer une réglementation de ces frais revient en d’autres mots à les accepter tacitement. La présence des frais accessoires nous expose à des changements de paradigmes sociaux importants et dangereux, soit l’émancipation d’un système de santé élitiste. En effet, on ne parle plus d’un système à deux vitesses où certains obtiennent des soins plus rapidement que d’autres, mais plutôt d’un système dans lequel certains peuvent obtenir des services et d’autres non, ne détenant pas la capacité de payer.

L’argument sous-jacent à la nécessité de cette réglementation semble émerger de la présence d’abus dans l’utilisation actuelle des frais accessoires en santé et une incapacité de payer du gouvernement pour ce manque à gagner. Or, dans ce contexte pourquoi ne pas modifier la réglementation pour les interdire explicitement tel que le propose la protectrice du citoyen, qui énonce par le fait même que leur présence contreviendrait déjà à la loi canadienne sur la santé?

La réglementation concernant les frais accessoires va donc bien au-delà d’une volonté ministérielle de limiter les abus, mais incarne davantage une incapacité du présent gouvernement de déroger de son idéologie économique quand vient le temps de répondre à des problématiques dont il reconnaît l’existence. Ainsi, le ministre Gaétan Barette choisi consciemment d’autoriser une taxe déguisée sur la consommation des soins de santé par la réglementation des frais accessoires, minant les principes fondamentaux d’équités que le Québec s’était donnés par le passé et allant à contre sens du mandat octroyé au réseau parapublic de la santé et des services sociaux.

Commentaires

  • Article très intéressant et dense. Cela soulève à la fois l'universalité des soins et les détails de la loi 20 et de la réforme. Puisque je ne connais pas toute l'information, en fait j'étais très peu au courant des détails, j'en ai profité pour aller lire l'Avis sur les frais accessoires en matière de santé et de services sociaux déposé par le Protecteur du citoyen le 1er octobre 2015. Cela m'a permis de gratter un peu la surface d'un vaste domaine à réflexion. J'ai entre autres appris la différence entre les frais accessoires de services assurés, ou ceux de services non-assurés ou encore de ceux des services désassurés, il y a de quoi perdre son latin.

    Ce que j'en ai compris est que les frais accessoires pour les services assurés n'auraient jamais dû être facturés aux patients-clients. Les frais non-assurés n'auraient jamais été réellement réglementés ce qui laissait place à interprétation et les services désassurés sont ceux qui, comme l’échographie, peuvent se faire gratuitement dans le réseau mais pour lesquels les cliniques peuvent facturer le citoyen.

    D'après ce que je comprends des conclusions du Protecteur du citoyen, celui-ci suggère que les frais assurés ainsi que les désassurés ne devraient pas être facturés au client afin de répondre au principe d'universalité des soins. Les frais non-assurés devraient quant à eux être évalués par la régie d'assurance maladie du Québec afin d'assurer une équité. Le Protecteur fait également mention du laxisme qui existe depuis 45 ans en ce qui a trait à la surveillance de ces frais et suggère que la RAMQ prenne le rôle de contrôle.

    Il est très intéressant de voir que la responsabilité peut être attribuée à plusieurs acteurs: les fédérations des médecins et la RAMQ.

    Je me répète, mais texte fort intéressant. Merci d'avoir partagé cette réflexion.

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