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enp-7505-LES DÉFIS DE L’APRÈS-CHARLIE

« Idées contre idées », le nouveau combat des lumières contre l’obscurantisme

 Benjamin Boutin

 

Face à des idéologies meurtrières qui convertissent de jeunes gens à la religion de la barbarie, la réponse d’une démocratie mature se situe-t-elle uniquement dans le registre sécuritaire ? Lutter contre le terrorisme implique de reprendre la plume - sans jamais baisser le crayon – pour s’attaquer aux assises idéologiques du fanatisme.

 

 

L’ancien ministre Robert Badinter s’est exprimé jeudi dernier dans les colonnes du journal Libération pour mettre en garde le peuple français : « Ce n’est pas par des lois et des juridictions d’exception qu’on défend la liberté contre ses ennemis. Ce serait là un piège que l’histoire a déjà tendu aux démocraties. Celles qui y ont cédé n’ont rien gagné en efficacité répressive, mais beaucoup perdu en termes de liberté et parfois d’honneur ».

 

 

Alors qu’en France la tentation se fait grande de répondre aux actes terroristes par de nouvelles lois et une surenchère de dispositifs sécuritaires (certains députés allant même jusqu’à réclamer un Patriot Act à la française), d’autres voix se font entendre qui élargissent la conscience du problème en s’attaquant à ses causes. Et puisque la conscience est quelquefois une affaire de famille, c’est la philosophe Élisabeth Badinter qui a déclaré dans les colonnes du Journal du Dimanche que « La liberté d’expression ne connaît aucune limite lorsqu’il s’agit des idées. On n’a pas le droit de s’en prendre à des individus en chair et en os, mais on doit se battre idées contre idées ». D’aucuns objecteront que l’on ne peut « se battre idées contre idées », autrement dit « débattre », avec des fanatiques qui ne méritent que l’opprobre et le châtiment. Certes. Mais l’auteure des Passions intellectuelles marque en vérité un point capital : la lutte contre le terrorisme ne peut se contenter d’être répressive, policière ; elle doit également investir le champ idéologique.

 

 

Les héritiers de Voltaire vont-ils reprendre, au XXIe siècle, le combat des Lumières – celles de l’intelligence – contre l’obscurantisme de l’ignorance et de la peur ? Qui d’autres qu’eux pourfendront la terreur et la bêtise, défendront la liberté, démonteront les doctrines pseudo-religieuses radicales qui enferment leurs adeptes dans un monde virtuel de représentations schizophrènes, de phantasmes, de prescriptions et de superstitions d’un autre âge ? Doctrines qui, on le sait, prospèrent sur le terreau de l’ignorance et du malaise identitaire. Comme l’a écrit Montesquieu, « les hommes sont comme les plantes, qui ne croissent jamais heureusement si elles ne sont bien cultivées ». Alors que la France de l’après-Charlie se doit de donner un nouvel avenir à ses jeunes, le rôle des intellectuels n’est pas négligeable. Eux aussi ont le devoir d’éviter qu’une partie de la jeunesse s’identifie aux Merah, aux Kouachi, aux Coulibaly et glisse peu à peu sur la pente du fondamentalisme, jusqu’à commettre l’irréparable.

 

En France, il est urgent que les lumières sortent de l’ombre. Les intellectuels de toutes confessions doivent descendre de leur tour d’ivoire, de leurs studios de radio et de leurs plateaux de télévision, aller dans les écoles, se rendre dans les prisons, les quartiers, y donner des conférences, démontrer la nullité des doctrines qui prétendant détenir la vérité absolue,débattre avec ces jeunes désorientés pour leur donner la chance de s’épanouir hors de la haine. C’est en renouant avec cet esprit des Lumières, cet esprit qui a fait la France, que la politique anti-terroriste trouvera son chaînon manquant : le combat « idées contre idées ».

 

Toutefois, si la plupart des intellectuels, à l’instar du couple Badinter, sont des éveilleurs de conscience, des esprits tourmentés peuvent aussi davantage nous égarer que nous éclairer. Comment comprendre à cet égard les propos tenus récemment sur le plateau de TV5 Monde par le philosophe Michel Onfray, mélangeant sans cesse le vrai et le faux, évoquant une « politique militaire islamophobe européenne », faisant l’amalgame entre Islam et islamisme ? En laissant entendre que l’Occident était en guerre contre une religion particulière et non contre certains groupes terroristes commettant en Afrique et au Moyen-Orient des exactions si atroces qu’elles inspirent la nausée de la communauté internationale, Michel Onfray convoque la thèse du Choc des civilisations, ce qui, par les temps qui courent, manque singulièrement de lumière…  

Commentaires

  • Voilà un positionnement qui nous sert bien pour réfléchir sur la suite des ces terribles évènements.
    Bonne lecture et ..réflexion.

  • Propos très intéressant avec des citations très juste !

    Il n'y a malheureusement pas de solution simple à une situation aussi complexe...

    Il est donc vrai que les pays concerné devront entamer une profonde réflexion pour éviter les réactions excessives ou la simplification du problème (Ex: L'AXE DU MAL des années Bush !)

  • Analyse très juste et propos intélligent mais la bete doit etre apprivoiser de tous les bords. Certes, il faudrait agir concretement auprès des jeunes ( ils ont tendance à se radicaliser selon les statisques) mais également renforcer des lois pour assurer la sécurité publique tout en préservant la liberté et droit de la personne.
    La vision parait peut etre trop simpliste et difficile en application vue la sensibilité du sujet. Revenant sur les faits, ces actes terroristes sont perpetrés par des jeunes dont les origines remontent aux parents immigrants (meme s'il s'agit de la 2 ou 3e génération!) Comment expliquer cela? est ce un manquement au processus d'intégration des immigrants de la société d'acceuil? Cela supposerait-il que plusieurs personnes issues d'immigration se sentent toujours étranger dans leur patrie et ce, meme à la 2e génération?
    Par ailleurs, la violence est devenue monnaie courante aupres de nos jeunes, qu'elle soit verbale, physique ou virtuelle. Parlant du virtuel, les jeux vidéo, les films télévisés, internet et sans oublier les réseaux sociaux...sont des agents éfficaces de vulgarisation de la violence. Au travers de tout cela, quel est la responsabilité des parents, de la famille, de la communauté et de l'État pour protéger nos jeunes de la radicalisation?
    De par sa définition, une personne fanatique et intégriste est passionnée, animée d'une foi inébranlable et d'un zéle intransigeant, exigeant l'appliquant des textes réligieux à la vie publique d'un pays. En conséquence, l'action de prévention devra se faire plus en amont qu'en aval.
    Le Québec, par exemple, a un projet de société inclusive ou le français, les droits et libertés des personnes priment pourtant l'après Charlie attise, à tort ou à raison, la xénophobie surtout l'islamophobie. Reflexion et action oblige...

  • Merci pour vos commentaires,

    François-Steve, c'est vrai que la situation est extrêmement complexe et qu'elle n'appelle pas des solutions simplistes ou manichéennes. Sonia donne justement des causes supplémentaires à celles que j'évoquais en parlant du "malaise identitaire" : l'intégration à une communauté humaine à laquelle ces jeunes ne s'identifient pas. Pourquoi? Le rôle des parents ou leur retrait, leur défaite diront certains... Les jeux vidéos et la propagande sur l'Internet n'aident pas non plus.

    Mais au moins en cernant ces causes, on parvient à entrevoir des pistes d'action : soutien aux parents, moyens dans l'éducation, contrôle plus strict d'internet, sensibilisation aux effets néfastes des jeux vidéos, dialogue inter-religieux, etc. C'est une lutte qui doit s'opérer sur tous les fronts. Mais mon propos ici était d'évoquer spécifiquement le rôle des intellectuels pour lutter contre le fanatisme en réintroduisant précisément de la nuance dans le raisonnement des jeunes et en pourfendant les idéologies qui appellent à tuer au nom de Dieu.

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