Ma circonscription ne compte pas
Ma circonscription ne compte pas
Ma circonscription ne compte pas. En mai dernier, la ministre de l'éducation, Mme Marie Malavoy nous annonçait, tout sourire, la construction de 5 nouvelles écoles neuves en Montérégie (1). On comprend le Parti Québécois(PQ), c'est là qu'il retrouve sa base électorale. A tout le moins, le profil de l'électorat de banlieue commande que les politiques du PQ, ou même du Parti Libéral (PLQ), soient alignées de façon très serrée sur les préoccupations locales. Les luttes électorales y sont souvent serrées. Dans ma circonscription du centre-ville de Montréal, c'est l'inverse. Les écoles primaires sont dans un état lamentable. On trouve de l'amiante dans les plafonds, la peinture tombe des murs, les cours d'école en asphalte et j'en passe. Mieux encore, on apprenait cette semaine que le collège Laurier fermera ses portes en juin 2014 pour déménager à Laval. Là où se trouve l'avenir du Québec tout entier.
Une part importante des jeunes quittent les régions pour venir étudier/s'amuser à Montréal mais quand vient le moment de fonder une famille, ils déménagent à Laval, ou en Montérégie. Pas moins de 20 000 ménages quittent Montréal chaque année. C'est leur droit. Mais cette exode a des effets négatifs concrets sur Montréal et surtout, il est rendu possible grâce à la gestion clientéliste du développement de la région de Montréal par le gouvernement du Québec.
Traitons d'abord l'aspect écologique de ce type de développement. Ces exilés adoptent rapidement un mode de vie très peu compatible avec les urgences environnementales qui nous guettent. Leur empreinte écologique monte en flèche. Cet exode se fait surtout en fonction des autoroutes, des méga-centres de consommation, des écoles neuves et d'une recherche du meilleur des deux mondes. Les avantages de la ville, sans ses inconvénients. C'est ce que les gens demandent, alors on leur donne. On veux du gazon, de l'espace et des écoles neuves, pas trop de pauvres et pas trop d'immigrants. On veut aussi des autoroutes pour pouvoir revenir en ville chaque matin pour y tirer un salaire intéressant. Parce que dans notre banlieue, y'en a pas d'ouvrage ! Ou si peu. Et si d'aventure les autoroutes sont congestionnées, on pourra toujours se faufiler dans les petites rues locales pour accéder au centre-ville de Montréal. Et par électoralisme, tous les gouvernements laissent aller ce développement coûteux et anarchique.
Les autorités gouvernementales vous diront: Plusieurs ministères ont investi des sommes colossales à Montréal ! Après avoir laissé les infrastructures à l'abandon pendant des décennies, on rénove à l'identique les carrefours autoroutiers sans y intégrer de véritables systèmes de transport en commun modernes. Parce que ça coûte trop cher et dans les circonscriptions de la couronne de Montréal, ce n'est pas une priorité. À l'extérieur de Montréal la part du lion des investissements va dans le même sens. On investit des centaines de millions pour étirer et élargir les autoroutes de la périphérie de Montréal. Le Parachèvement de l'autoroute 19 au nord de Laval(4), illustre bien cette volonté de servir et d'entretenir cet interminable étalement urbain.
Ma circonscription ne compte pas. Il faut se battre pour obtenir un financement adéquat des transports en commun. Et quand ça aboutis, c'est de l'entretien (nouvelles rames de métro) ou alors des voies réservées pour autobus. Les autoroutes pour les banlieues et les autobus bondés pour Montréal. Pire encore, la dernière fois qu'on a allongé une ligne de métro, au coût de 200 millions $ du km, c'était pour plaire à l'électorat de Laval. Ça ne peut s'expliquer autrement. La ligne de métro aboutis dans un champ ! Alors que des centaines de milliers de montréalais, habitant des quartiers denses dans le nord-est, sont dépourvus en matière de transport en commun efficace, on construit des infrastructures neuves dans les champs de Laval. Mais rassurez-vous, on a promis aux habitants de l'Est de Montréal une voie réservée pour bus sur Pie-IX vers 2020. Le métro en banlieue et les autobus dans les quartiers denses. Pincez-moi quelqu'un ! Y a-t-il un urbaniste dans ce gouvernement ?
Ma circonscription ne compte pas. Vers la fin de l'été on apprenait que les quartiers centraux de Montréal sont les pires endroits au Québec où trouver un médecin de famille (2). En vérité, on a du mal à voir un médecin tout court ! 54% des habitants des quartiers centraux n'ont pas accès à un médecin de famille. La moyenne au Québec se situe à 75% alors qu'en Montérégie 76% des gens ont accès à un médecin de famille. Les mieux nantis en médecins de famille étant plutôt en banlieue de Québec, où 88% des citoyens ont accès à un médecin de famille. Il est difficile de passer sous silence le fait que les deux pires circonscription pour l'accès aux médecins de famille ont envoyé à Québec des députés de Québec Solidaire aux dernières élections.
Il est sans doute très difficile d'offrir des services publics de façon équitable, partout, et pour tout le monde. Mais on remarque que certaines circonscriptions, souvent les mêmes, comptent moins que d'autres dans plusieurs champs d'activités du gouvernement. La clientèle de banlieue en définitive, détient un réel pouvoir au Québec. Pour un stratège politique à Québec, la dynamique électorale à Montréal est quantité négligeable. Environ 60% de la population appuie massivement le PLQ, quelques-uns appuient QS et les autres à l'Est vont voter pour le PQ quoi qu'il arrive. Ce qui fait que les promesses électorales ne sont jamais respectées, et on fini par appliquer une gestion clientéliste dans plusieurs champs d'action du gouvernement.
Dernièrement le Parti québécois a trouvé ce qui selon lui constitue la grande urgence de notre société. Les signes religieux ostentatoires (3). Misère ! Les signes religieux. Mais qui a demandé l'intervention de l'état dans des choix individuels qui sont après tout, des droits reconnus ? La supposée invasion de signes religieux n'est certainement pas un problème hors de Montréal, il n'y a que peu d'immigrants. Elle n'est même pas un problème à Montréal où habitent l'essentiel de ces communautés religieuses. À Montréal ça se passe très bien. Curieusement plus les gens sont en contact avec des minorités affichant un signe religieux, plus ils s'opposent à cette Charte des valeurs. Et de quelles valeurs parle-t-on ? On ne peut pas prétendre défendre un État laic si on maintien le crucifix au Salon de l'Assemblée Nationale. Bref, on préférerait que l'État se préoccupe des problèmes réels d'accès aux services publics et qu'il s'assure d'orchestrer un développement responsable du territoire.
En démocratie, les gens n'acceptent pas très longtemps d'être mal représentés. On connaissait le clientélisme du PLQ, mais actuellement le PQ leur fait une belle concurrence sur ce terrain. Et Montréal n'est plus traitée équitablement. Quelques bons mots pour Montréal en campagne électorale, puis on gouverne pour s'arracher l'appui des banlieues par la suite. Le PQ fait à Montréal ce que le Canada fait au Québec depuis des décennies. Il pourrait donc se produire la même dynamique qui a conduit à l'émergence d'un mouvement souverainiste au Québec. A quand un parti montréalais qui réclamera le statut de province canadienne pour Montréal ? C'est à Montréal que la création de richesse par habitant est la plus élevée au Québec. Mais aujourd'hui, cette richesse sert trop à alimenter la croissance anarchique des banlieues.
L'opération, un brin utopique, serait probablement viable et payante pour les montréalais. De plus, quelques chose me dit que les anglophones et les immigrants écouteraient attentivement... et surtout, chaque circonscription de Montréal compterait.
François Gosselin
Montréal
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La Presse, 7 mai 2013
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La Presse, 13 aout 2013
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Le Devoir, 5 septembre 2013
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Radio-Canada, 24 mai 2013
Commentaires
Oh la oh la M. Gosselin...on va lire et analyser avrc grand intérêt ce sujet et cette analyse...brulante d'actualité