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Démission? Vraiment? (Blog 1, ENP7505 hiver 2013)

Le ministre conservateur des Affaires autochtones et du Développement du Nord canadien, monsieur John Duncan, a récemment remis sa démission au premier ministre Stephan Harpeur. La raison? En venant en aide à un citoyen de sa circonscription en juin 2011, monsieur Duncan a écrit une lettre relativement au traitement du dossier de ce citoyen à la Cour canandienne de l'impôt. Il a alors contrevenu au code de conduite des ministres qui régit les règles d’éthique en interdisant notamment aux ministres de faire des représentations auprès d’un juge ou encore d’un tribunal.

 

Je suis toujours surprise de constater comme tout est matière de perception. En effet, les gestes que nous posons, pourtant anodins ou encore emplis de bonne foi en apparence, transmettent des messages différents selon l’angle avec lequel nous l’étudions. Comme il est d’usage dans notre société de droits, les députés démocratiquement élus sont au service de la population. Dans ce contexte, l’ex-ministre Duncan était tout à fait justifié de chercher à venir en aide à un citoyen de sa circonscription qui vivait des difficultés, puisque c’est une partie intégrante du mandat qui lui a été confié par la population au moment de son élection. Pourtant, quelques mois plus tard, le même geste lui est reproché et le pousse à la démission. Pourquoi en est-il ainsi?

 

Modèle de Westminster

 

Le Prof Trudel a enseigné que l’application des principes fondamentaux de l’administration publique dans la pratique au Canada et au Québec et dans les états de droits se fonde sur le modèle de Westminster, soit la séparation entre l’administration et la législation, ou encore, si on préfère, la dichotomie entre le législatif et le bureaucratique.

 

Ainsi, il s’avère nécessaire que la partie du gouvernement qui édicte les lois soit tout à fait autonome et libre de la partie du gouvernement qui s’assure de l’application de ces mêmes lois. C’est inscrit dans la constitution, la base des fondements qui ont été déterminés et choisis pour notre pays.

 

On peut dire que le modèle de Westminster s’appuie sur sa particularité à favoriser l’élection d’un gouvernement fort, soit généralement composé d’une forte majorité de députés d’un même parti politique. Il s’avère ainsi plus facile pour le gouvernement de faire adopter, sans trop d’opposition, les lois et mesures qu’il estime nécessaires à la réalisation de son mandat, donc qui vise sa réélection, et qui font partie de la plateforme électorale de son parti politique. Lorsque trop de partis politiques sont représentés aux élections, le vote en sort divisé. Conséquemment, des alliances se forment, sous le couvert de coalitions plus ou moins solides et durables, en vue de retirer une part la plus grande de l’électorat. Le gouvernement élu demeure toutefois le gouvernement de tous les électeurs avec le lot de complexité qu’une telle situation apporte inévitablement.

 

 

Recours aux députés

 

Depuis toujours, les délégués du peuple sont sollicités pour venir en aide aux personnes qu’ils représentent tant bien que mal. Ainsi, nous avons constaté à plusieurs reprises au cours des dernières décennies que les députés sont sollicités par les citoyens lorsque surviennent des difficultés importantes qui affectent leur vie, sans qu’il n’y ait de solutions ou encore lorsqu’ils se frappent le nez sur des règles bureaucratiques pures. Des exemples font régulièrement la manchette. On parle ici de personnes âgées laissées sur une civière aux urgences pendant plus de quatre jours, des allocations d’assurance emploi qui ne sont traitées qu’après une attente de plus de 45 jours par des citoyens en besoin, de l’absence de place en garderies subventionnées et aux personnes incarcérées dans un établissement de détention vétuste et surpeuplé. Le travail du député est alors de faire avancer les choses, idéalement à la satisfaction des deux parties, mais surtout de façon à faire respecter les droits de ses électeurs. La période de questions à l’Assemblée nationale constitue un moyen privilégié de pour ce faire.

 

Toutefois, une ligne très claire, édictée dans le modèle de Westminster, établit clairement des lignes à ne pas franchir. C’est dans ce contexte que l’ex-ministre des Affaires autochtones et du Développement du Nord canadien, John Duncan, s’est vu dans l’obligation de remettre sa démission au premier ministre Stephan Harper, qui s’est quant à lui vu dans l’obligation de l’accepter. Monsieur Duncan a, en effet, outrepassé les droits et responsabilités dévolues à la fonction qu’il occupait en écrivant une lettre à la Cour pour un citoyen de sa circonscription. Il y a eu croisement entre le législatif et l’administratif, ce qui, considérant notre constitution, s'avère totalement incompatible avec les fonctions et attributions du poste qu'il occupait  et justifie effectivement le départ de l’ancien ministre Duncan.

 

L’événement reproché à l’ancien ministre Duncan remonte à juin 2011, soit plus de 18 mois auparavant. Curieusement, cette information est mise à l’avant-plan dans une période critique pour le gouvernement, tel que le rapporte le journaliste Joël-Denis Bellavance dans La Presse du 16 février dernier :

 

‘’Stephan Harper perd son ministre des Affaires autochtones et du Développement du Nord canadien, John Duncan, au moment où les relations entre les peuples autochtones et son gouvernement sont marqués du sceau de la méfiance. … Cette démission survient au moment où le dossier autochtone bouscule les priorités du gouvernement en raison des récentes manifestations ordonnées pas le mouvement Idle No More et des pressions exercées par les leaders des Premières Nations’’

 

L’élément qui s’avère particulier dans cette situation, c’est que plusieurs chefs des premières nations ont salué le départ de monsieur Duncan, estimant qu’il est temps pour eux qu’un ministre plus conciliant soit nommé. Compte tenu des éléments entourant ces faits, la question qui se pose est de savoir pourquoi les événements survenus en juin 2011 ont refait surface justement au moment critique des relations entre les deux parties… Démission? Vraiment?

 

 

Manon J.

 

Références :

 

MERCIER, Jean (202). L’administration publique : de l’École classique au nouveau management public, Sainte-Foy, PUL, 518 p.

 

MICHAUD, Nelson et coll.(2011). Secrets d’États? Les principes qui guident l’administration publique et ses enjeux contemporains, PUL, 810 p.

 

 

Notes de cours ENP7505-Proftrudel, hiver 2013, séance 3.

 

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