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Blog2 - Maude Bélanger - La hausse des frais de scolarité

Voici un autre blog sur l'un des enjeux de l'administration publique les plus chauds de l'heure: la hausse des frais de scolarité! Je tiens à préciser que je suis issue d'une famille de classe moyenne, dont les parents n'avaient pas les moyens de payer les frais de scolarité.

Le gouvernement a annoncé une hausse des frais de scolarité de 325$ par session, sur une durée de 5 ans. En 2017, une session universitaire coûtera 1625$ de plus, pour un total de 3793$. Cela contrevient à l'idéologie québécoise qui est de favoriser l'accès à l'éducation pour tous. Nous avons tendance au Québec à préconiser l'État providence. Le modèle politique québécois est une version nord-américaine de la social-démocratie. Et l'une des valeurs les plus importantes pour l'État québécois est la justice sociale et la juste répartition des richesses. Les contribuables québécois sont les plus imposés au Canada (entre 16 et 24%). Dans les autres provinces, le taux d'imposition varie entre 4 et 21% (selon la province). Ce haut taux d'imposition appuie l'idée que le Québec préconise une juste répartition des richesses. Les impôts récoltés chez les contribuables vont dans le fonds unique et consolidé du revenu, puis est investi dans des services aux citoyens. Il existe bien sûr d'autres sources de revenus pour le gouvernement. Celui-ci choisit ensuite où investir (éducation, santé, etc).

Le gel des frais de scolarité il y a 10 ans était une erreur. Les frais augmentent sans cesse. Il aurait au moins fallu que les frais suivent le coût de la vie. Dans les années 60, un étudiant universitaire assumait 26.4% des frais de sa formation. Suite au gel, ce pourcentage est passé à 12.7%. Suite à la hausse, l'étudiant assumera 16.9% des frais. Les universités seraient alors moins sous-financées. Le gouvernement actuel se trouve aux prises avec un dilemme. Comment financer les universités québécoises pour les rendre plus compétitives et reconnues mondialement? Il peut puiser à même les fonds des contribuables ou demander aux étudiants de faire leur part. Il s'agit d'un choix de société. Le gouvernement Charest a fait le choix d'utiliser un nouveau mode de financement: faire payer les utilisateurs. Il prend ainsi la décision d'augmenter les frais d'utilisation pour les étudiants et ne pas augmenter les impôts. Ce mode n'a jamais été très populaire au Québec, mais semble s'avérer nécessaire.

Les étudiants manifestent bruyamment leur désaccord depuis quelques semaines déjà. Certains sont contre la hausse, mais plusieurs réclamment carrément la gratuité scolaire. Ces étudiants ne semblent pas réaliser que RIEN n'est gratuit, pas même l'éducation... surtout pas l'éducation. Soit ils devront faire des efforts pendant leurs études, soit plus tard, à titre de travailleurs et contribuables. En accordant la gratuité scolaire aux étudiants, le gouvernement devraient alors couper dans d'autres services sociaux auquels la société tient ou augmenter la pression fiscale sur les contribuables. Gros dilemme. Et les contribuables en ont assez. Eux aussi exigent une trève dans la hausse des taxes et de l'imposition.

Le Québec fait le choix d'être un État providence. Lors de la Révolution tranquille, nous sommes passé d'un État minimal à un État interventionniste. Et ce modèle est resté ancré. On n'a qu'à regarder notre réseau de santé public, le réseau des garderies à 7$, les bas frais de scolarité. Il faut l'avouer, il fait bon y vivre! Au Québec, les universités sont des établissements autonomes publics. Leurs revenus sont tirés des fonds publics, et sont donc soumis à la reddition de comptes. Mais c'est à cause de tous ces choix de société que les taux d'imposition sont si élevés. Il faut faire des choix, et c'est ce que le gouvernement a eu le courage de faire. Il s'attendait à la réaction des étudiants. Historiquement, les hausses des frais n'ont jamais eu l'approbation étudiante, peu importe l'ampleur. Le gouvernement a eu du courage. Peut-être aurait-il pu prévoir une hausse moins élevée, ou étalée sur une plus longue période. Cela aurait peut-être diminué la grogne. Mais dès qu'il y a une hausse, il y a des protestations. Charest et Beauchamps font un pari risqué. Mais il peut s'avérer payant.

Par ailleurs, faire payer davantage aux étudiants aura comme conséquence de les responsabiliser face à leurs études. Ceux qui choisiront désormais d'aller à l'universtié réfléchiront davantage à leur plan de carrière, sécheront moins les cours, étudieront davantage avant les examens... Devoir recommancer un cours sera coûteux et les étudiants auront plus tendance à s'investir.

L'éducation doit être accessible pour tous. Mais tant de gens ont un baccalauréat, celui-ci a donc moins de valeur qu'auparavant. C'est la rareté qui donne de la valeur. Et donc, il faut maintenant une maîtrise ou un doctorat pour obtenir un poste où auparavant on exigeait un baccalauréat. Tout le monde va à l'université, car c'est socialement plus reconnu qu'un DEP ou un DEC. D'ailleurs, depuis plusieurs années, on manque sérieusement de main-d'oeuvre technique, alors qu'un étudiant universitaire peine souvent à trouver un emploi à la hauteur de ses compétences. De plus, en finançant davantage les universités, nous les rendrons plus compétitives. Elles seront davantage reconnues mondialement, et la valeur du diplôme en sera rehaussé.

Les études universitaires seront bientôt plus difficiles à atteindre. Toutefois, l'exemple des autres provinces prouvent que cela ne diminuera pas la quantité d'étudiants qui iront à l'université. Les trois provinces dont les frais sont les plus élevés ont également des taux de fréquentation plus élevés. Il est donc faux de croire que cela réduira la fréquentation des universités.

Certains argumentent que l'étudiant devra se serrer la ceinture. Attention aux voyages, cellulaire, automobile, etc. Je propose plutôt qu'on sensibilise les étudiants à épargner dès son jeune âge. Plusieurs n'ont pas cette préoccupation et se retrouve à l'âge adulte face à de nombreux besoins et responsabilités, auxquels on ajoute les frais de scolarité.

Le Québec a eu jusqu'à présent tendance à se coller sur le mode de gauche des pays scandinaves. Sans pour autant adopter un modèle de droite à l'américaine, le Québec pourrait se positionner entre les deux. Nous avons toujours préféré être distincts, nous n'avons pas à nous coller à un modèle spécifique.

Une hausse des frais de scolarité sera profitable au Québec. La nature de celle-ci est évidemment discutable. Aurait-on pu l'étaler sur plus d'années? Probablement. Si la gratuité scolaire est un rêve que beaucoup caresse, elle n'est ni réaliste ni souhaitable. Le conflit auquel nous faisons actuellement face est majeur. Le gouvernement devra ouvrir la communication avec les étudiants, et peut-être leur accorder quelques concessions. Il est toutefois dommage que les étudiants aient quitté la table de concertation où ils auraient eu le droit de parole.

Ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport http://www.mels.gouv.qc.ca/enseignementsuperieur/droitsscolarite/index.asp

Agence du Revenu du Canada http://www.cra-arc.gc.ca/tx/ndvdls/fq/txrts-fra.html

L'Intérêt http://www.journalinteret.com/politique/hausse-des-frais-de-scolarite-ceux-qui-sont-pour/

MICHAUD, Nelson. Secrets d'États?

MERCIER, Jean. L'administration publique: de l'École classique au nouveau management public

Maude Bélanger, le 28 mars 2012

Commentaires

  • «... faire payer davantage aux étudiants aura comme conséquence de les responsabiliser face à leurs études. Ceux qui choisiront désormais d'aller à l'universtié réfléchiront davantage à leur plan de carrière, sécheront moins les cours, étudieront davantage avant les examens... Devoir recommancer un cours sera coûteux et les étudiants auront plus tendance à s'investir.»

    J,apprécie bien cette partie de votre blog. Elle illustre certaines analyses des auteurs du public choice sur la dynamique du secteur public. En effet,dans Mercier.j. l'administration publique: De l'École classique au nouveau management public, p.317, on peut lire ceci:« ... il faut recréer à chaque fois que l,on peut les incitatifs de la propriété,même s'il n'est pas toujours possible de le faire de façon intégrale. créons des marchés là où c,est possible pour remplacer les administrations centralisées et bureaucratiques disent-ils. pour mieux évaluer la demande, pratiquons la tarification, le paiement des usagers: que les étudiants paient une partie plus importante de leur études par exemple...» tout cela pour traduire jusqu'à quel point on gère mieux les biens qu'on paie soi même. si ce point de vue peut satisfaire le gouvernement Charest, il convient de relever que les modèles décisionnels en administration publique sont tributaires de certaines valeurs propres aux différentes démocraties. La manière comme vous le dite pourrait être revue sur une table de négociation avec les étudiants. il faut des compromis pour désamorcer cette crise qui va bientôt franchir le cap de 60 jours. tout cela complexifie la tâche des décideurs publics et j'aime bien dire avec Joseph Facal que « le décideur public jongle non seulement avec des fonds publics, mais avec des symboles, des valeurs et des espoirs qui ne font pas consensus, loin de là. »
    Alors, vivement que le dialogue se renoue afin de trouver une solution au« dilemme moral quotidien» du gouvernement québecois car il n,est pas exclu qu'il pense comme joseph Facal en ces termes:
    «...faut -il faire ce qu'on pense bon, même si c'est impopulaire, et risquer de perdre les élections, ou se soucier uniquement du court terme, et dire et faire seulement ce que les gens veulent entendre et vous voir faire?»

    merci pour votre blog

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