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Fâchée...vraiment fâchée !

FÂCHÉE…VRAIMENT FÂCHÉE !...OU DE L'ACHARNEMENT À L'ÉGARD DU NIVEAU SALARIAL DES EMPLOYÉS DE L'ÉTAT

 

Aujourd’hui, j’écris fâchée…vraiment fâchée ! Le soulagement des mots devrait toutefois me permettre de conserver mon objectivité, du moins je l’espère. Je me répète donc, comme une litanie, que je dois garder un ton détaché et contenir mon emportement. J’écris dans le cadre d’un cours de deuxième cycle tout de même et je dois faire honneur à la prestigieuse ÉNAP de qui j’aurai l’honneur de recevoir mon diplôme un jour ! Trêve de plaisanterie et de légèreté donc !

 

Comme il m’arrive trop souvent, ce matin encore, j’ai sursauté en lisant le Journal de Montréal. Bon, je lis aussi La Presse et le Devoir mais le traitement réservé au secteur de la santé et des services sociaux par le Journal de Montréal est, de façon générale, tout particulièrement irritant pour la gestionnaire que je suis. Ce matin donc, en pages 4 et 5, le Journal de Montréal dénonce la hausse des bonus accordés aux cadres du réseau. Éric-Yvan Lemay écrit notamment : « Aussi surprenant que cela puisse paraître, l’une des mesures annoncées par le Ministre Raymond Bachand en mai dernier ne sera pas appliquée avant l’année prochaine. »

 

Il se fait toutefois rassurant pour les dizaines de milliers de lecteurs sans doute ébahis et scandalisés par la nouvelle (mon objectivité fléchit, pardon !) en rappelant que le ministre des Finances avait prévu le coup en mai en déclarant : « Ne vous inquiétez pas, mes amis des médias, de voir certains versements faits au cours des prochaines semaines pour des gens qui ont travaillé toute l’année 2009 jusqu’au 31 mars 2010, qui avaient un contrat, qui avaient des objectifs clairs et qui avaient le droit à leurs versements. Mais ces personnes-là, pour les deux prochaines années, vont voir leurs bonis suspendus. » Ouf ! Heureusement ! Et le Journal en profite en passage pour rappeler, mine de rien, qu’il y a davantage de cadres et que les salaires ont augmenté.

 

Interviewé sur le sujet, le président-directeur général de l’Association des gestionnaires en établissement en santé (AGESSS), M. François Jean, s’inquiète cependant des effets de cette mesure à moyen et long terme. Selon l’article du journaliste, « le président peste contre le dernier budget Bachand où on a annoncé que ces bonus seraient suspendus pour deux ans. Il indique que les bonus faisaient partie de la rémunération des cadres depuis les années 80 ». M. Jean estime qu’en suspendant les bonis, le gouvernement a réduit le salaire des cadres.

 

Dans cette perspective, l’AGESSS tout comme l’Association des cadres supérieurs en santé et services sociaux s’inquiètent de la difficulté de recruter de nouveaux cadres dans les prochaines années, un enjeu d’autant plus préoccupant qu’il faut s’attendre au départ de 1 749 personnes d’ici 2014.

 

Je m’étonne toujours, dès qu’il est question du financement du réseau de la santé, de constater à quel point la réduction de la taille de l’État et le contrôle des salaires font l’unanimité, aussi bien des élus que de la population. Or, sans les employés de l’État, les administrations publiques n’existeraient pas. Et sans les administrations publiques, c’est tout notre système politique qui serait différent.

 

Au cours des années, ce ne sont pas les recommandations structurantes qui ont manqué. Parmi les plus connues, je rappelle celles de Claude Castonguay qui, malgré le tollé qu’elles ont suscité, étaient loin d’être dénuées de sens. Claude Castonguay recommandait notamment :

 

§         L’attribution à une régie remaniée de l’assurance-maladie;

§         Le développement accéléré de cliniques médicales;

§         L’optimisation de l’utilisation des équipements hospitaliers;

§         Une politique de couverture des services pour les personnes en perte d’autonomie;

§         L’abolition de la prohibition à l’égard de l’assurance privée;

§         L’abolition de la cloison entre le public et le privé dans un cadre approprié;

§         La révision de la Loi canadienne sur la santé.

 

Plus récemment, le ministre des Finances a fait une timide tentative en suggérant l’imposition d’un ticket modérateur aux usagers du système de santé québécois. L’initiative avait été saluée par un concert de protestations d’une telle ampleur que le gouvernement Charest a préféré revenir sur sa décision. Cette volte-face privera cependant le gouvernement de 500 millions de dollars par année selon les prévisions du ministère des Finances (Source : Radio-Canada.ca avec Presse canadienne, le 22 septembre 2010).

 

Le soulagement des Québécois et des Québécoises à cet égard ne peut être que passager. En effet, il reste toujours à trouver des sources de financement pour assurer les coûts du système de santé qui tire 20 milliards de dollars par année des coffres de l’État, une somme qui augmente en moyenne de 5 % par année.

 

La question reste donc entière : avons-nous les moyens de continuer à nous payer l’offre de services universellement disponible en santé et services sociaux ? Je me garde bien de répondre à la question. Je ne suis ni politicienne, ni économiste. Je suis cependant une fière gestionnaire du réseau qui doit, comme tant d’autres, repousser sans cesse les limites de faire plus dans un cadre budgétaire qui s’amenuise.

 

Ce que je me permets toutefois d’avancer, c’est que la population, tout comme les politiciens, doivent se garder de laisser les employés faire seuls les frais des efforts budgétaires. D’abord parce que dans les faits, cela ne réglera pas les problèmes de financement du système santé. Ensuite, parce que le personnel du réseau est au cœur de l’offre de services. Il faut les voir se dévouer et se dépasser quotidiennement pour mesurer à quel point leur rôle est crucial. Il n’y rien à gagner à s’attaquer à leur salaire ou à questionner la pertinence de leur fonction. Le pire qui pourrait arriver c’est de les démobiliser à un point tel qu’ils choisissent massivement de relever d’autres défis…bien avant leur retraite.

 

MONIQUE GUAY

 

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