Financement des partis politiques au Québec
FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES AU QUÉBEC
La question du financement des partis politiques est l’une des plus brulantes parmi celles qui se posent dans la vie politique au Québec. Selon la loi électorale en vigueur, les partis politiques doivent vivre en grande partie des contributions des citoyens et de la subvention de l’état. Mais aujourd’hui, ce mécanisme est contourné à cause de certaines infractions et de certains doutes concernant les donateurs. Cette situation à contribuer à ébranler les institutions politiques par une crise de confiance majeure. Le gouvernement tente de redresser la situation en proposant des lois visant à assainir les mœurs politiques.
La gestion de ce dossier nous servira de prétexte pour parler deux principes fondamentaux de l’administration publique avec les enjeux qui en découlent.
Le financement des partis politiques est un véritable casse-tête pour les diverses formations politiques en lice dans un espace politique de plus en plus compétitif. En effet les règles entourant le financement des partis politiques sont contournées par des groupes d’intérêt qui mettent en mal l’intégrité et la neutralité des partis politiques et du gouvernement. Face à cette situation, le gouvernement réagit pour ramener une certaine équité dans nos processus démocratiques. A cet effet, il propose une réforme audacieuse qui s’attaque de front à l’influence occulte de l’argent sur notre appareil politique. L’initiative de ces réformes nous permet de mettre en évidence un premier principe fondamental de l’administration publique dans un état de droit : la responsabilité ministérielle. C’est au nom de ce principe qui recommande que chaque loi soit sur la responsabilité d’un ministre qui en assume la reddition de compte que les ministres chargés de la réforme des institutions démocratiques vont proposer des lois pour corriger celles de 1977 et assainir ce pant de la vie politique Québécoise. Ainsi le 25 novembre 2009, feu le ministre Claude Béchard dépose un premier projet de loi appelée loi 78. Cette loi ratisse large en traitant à la fois du financement des partis politiques et de la refonte de la carte électorale. A la suite de la protestation de l’opposition, le projet de loi 78 sera scindé en deux, pour devenir le projet de loi 92(sur la carte électorale) et le projet de loi 93(sur le financement des partis politiques). Cette fois la loi répond aux attentes des uns et des autres et prend en compte les failles laissées par celles de 1977. Elle prévoit ainsi l’accroissement du financement public des partis politiques en faisant passer de 0,50 à 0,82 dollars, l’allocation annuelle versée par vote obtenu, l’interdiction des dons anonymes et pour contrer les prête-noms, un article du projet précise qu’une contribution doit être faite volontairement sans compensation ni contrepartie et qu’elle ne peut faire l’objet d’un quelconque remboursement. Malheureusement avant l’adoption de cette loi, Claude Béchard décède. Il est remplacé par Jean Marc Fournier. Au nom du principe de responsabilité ministérielle, il hérite du dossier du financement des partis auquel il apporte sa touche personnelle en scindant le projet de loi 93 en cinq pour faire œuvre pédagogique selon ses dires. L’un des projets aura pour but d’éviter le recours aux prête-noms par les entreprises, un autre augmentera les pouvoirs de contrôle et d’enquête du directeur général des élections(DGE), un troisième fixera les règles de financement public et privé des partis politiques, un quatrième encadrera le financement à la direction des partis et le dernier contiendra des mesures visant à améliorer le processus électoral. Le premier de ces projets notamment le projet de loi 114 est déposé le 6 octobre 2010 et prévoit que toute contribution financière versée à un parti devra transiger par le DGE pour s’assurer de sa conformité. Il prévoit aussi faire passer de 200 à 100 dollars le seuil maximum autorisé pour toute contribution faite en argent liquide, de plus toute contribution deviendra publique de même que le nom du donateur. Ce projet augmente de cinq ans le délai de prescription pour les poursuites pénales et donne plus de pouvoirs au DGE, qui serait autorisé à vérifier les dossiers fiscaux des contribuables au ministère du revenu. Dans un point de presse dont LE DEVOIR a fait échos dans sa parution du 7 octobre 2010, le ministre Fournier a estimé que ses cinq projets de loi annonçaient << une transformation majeure du financement des partis politiques. >> Ces propos illustre bien la volonté du ministre d’assainir les pratiques dans le financement d’une part et sa volonté d’assurer au mieux ses charges de ministre responsable des lois et règlements sur le financement des partis politiques d’autre part. Cette responsabilité ministérielle soulève en soi un enjeu de taille qui est l’expression des idées minoritaires face à la prééminence des idées dictées par cette responsabilité. Pour nous les idées minoritaires ont eu largement libre cours dans ce dossier eu égard aux nombreuses protestations de l’opposition. Ce sont justement ces protestations qui ont amené l’ex- ministre Béchard a scindé son projet de loi 78 en deux.
Dans la recherche de solutions à ce problème de financement des partis politiques, de plus en plus de voix s’élèvent pour demander un financement uniquement public. Ces propositions sont en partie exaucées par les différentes propositions de loi qui tendent à accroitre le financement public. Ce qui nous conduit vers un deuxième principe fondamental qui est la croissance continue des dépenses publiques. Pour les administrations publiques, ce principe s’est érigé en règle d’or appelé loi de Wagner. Ainsi si les projets de loi étaient adoptés, ils entraineraient une hausse annuelle du financement public des partis politiques de l’ordre de 64% passant ainsi de 2,8 millions à 4,7 millions de dollars. Dans les faits le financement public qui était plafonné à 0,50 dollar depuis 1992, passera à 0,82 dollar d’allocation annuelle par vote obtenu. Pour le gouvernement c’est une façon de réduire la tentation du financement occulte et de rebâtir la confiance de la population. Aussi l’augmentation des pouvoirs du directeur général des élections entrainerait des dépenses supplémentaires. En effet le projet prévoit que toute contribution à un parti politique soit versée au DGE qui émettrait le reçu pour fin d’impôt. Le projet stipule aussi que pour les vérifications, le DGE pourrait accéder à certains renseignements du dossier fiscal du donateur détenu par revenu Québec. Les nouvelles compétences de la DGE nécessiteraient de puiser encore dans les fonds publics pour un budget supplémentaire. Comme le voit l’adoption des lois visant à assainir les mœurs politiques ont un coût, il est lié à la tendance de croissance continue des dépenses publiques dans un état de droit appelée loi de Wagner. Ce principe soulève l’enjeu majeur qui est la possibilité de réduire la taille de l’état. Nous pensons que dans un état de droit, le gouvernement a le devoir et l’obligation d’intervenir là où le besoin se fait sentir pour faire régler l’ordre et l’intérêt général dans le respect des valeurs et des croyances des citoyens, et ce quelque soit les coûts.
Au terme de notre analyse, je voudrais vous faire partager cette réflexion de Guy Lachapelle, professeur de science politique à l’université Concordia qui dit ceci : << Le Québec demeure un exemple de démocratie et les citoyens doivent pouvoir exprimer leur choix en toute neutralité. Si les citoyens ont l’impression que certains tiers peuvent agir impunément ou que la fonction publique n’est plus au service du citoyen, alors le lien de confiance entre l’élu et le citoyen sera brisé. En bout de piste, c’est la démocratie québécoise qui sera la grande perdante. >>
DIBY K. ACHILLE
Lundi soir Enap 7505