La souveraineté : un enjeu important pour les États dans un système mondialisé
La souveraineté témoigne des conditions intellectuelles et politiques d'une époque déterminée, celle de la Renaissance. Elle se dégage d'un rapport de force militaire ou symbolique pour émaner d'une représentation rationnelle du pouvoir étatique. Chez Bodin, la souveraineté sert de pilier à l'analyse de l'État : « La souveraineté est la puissance absolue et perpétuelle d’une République c'est-à-dire la plus grande puissance de commander ». Absolue et perpétuelle, la souveraineté l'est avant tout parce qu'elle « n'est limitée ni en puissance ni en charge à un certain temps ».
L’exercice de la souveraineté peut se traduire au niveau de la défense du territoire (les Forces Armées Canadiennes), du secteur de l’économie et du commerce. Pour ce faire, l’État doit se doter des moyens nécessaires comme l’acquisition du matériel de surveillance de l’espace terrestre, maritime et aérien afin de détecter toute attaque ennemie et la combattre. La souveraineté se traduit aussi par les relations d’un État avec d’autres états sur des questions qui représentent des intérêts communs. Le ministère des affaires étrangères, le ministère du commerce, pour ne citer que ces exemples, sont des institutions gouvernementales qui permettent à l’État de se positionner sur des questions essentielles comme le droit des Canadiens à l’étranger, le soutien du Canada dans les situations de crise, et les échanges commerciaux avec d’autres pays.
La souveraineté d’un État est absolue et perpétuelle mais son exercice a des limites dans un État de droit. Comme limite on peut par exemple citer la charte des droits individuels et la mondialisation.
Un État de droit est fondé sur la constitution et les institutions (législative, exécutive et judiciaire) qui lui donnent vie. Par la charte des droits individuels, l’État de droit accorde aussi des droits et libertés aux individus et aux groupes. Par conséquent ces derniers ont les moyens d’exprimer leurs opinions sur les programmes, les procédures, les décisions de l’État. Dans le gouvernement québécois par exemple, tout projet d’ordre environnemental doit être étudié par une commission nommée bureau d’audiences publique en environnement (BAPE) qui sert de conseil à l’État. Une mobilisation des groupes d’intérêt public peut donc amener un gouvernement à adapter sa façon de faire dont la conséquence serait la croissance ou la décroissance de l’administration publique.
La souveraineté d’un État est aussi menacée par le phénomène de mondialisation qui peut être défini comme l'expansion et l'harmonisation des liens d'interdépendance entre les nations, les activités humaines et les systèmes politiques à l'échelle du monde. Ce phénomène touche les personnes dans la plupart des domaines avec des effets et une temporalité propres à chacun. Il évoque aussi les transferts et les échanges internationaux de biens, de main-d'œuvre et de connaissances. On a ainsi vu naître des organisations internationales qui prennent des décisions devant s’appliquer à leurs états membres. C’est le cas des accords de Kyoto concernant l’environnement. On peut aussi parler de l’embargo sur le commerce des produits dérivés du phoque par l’Union Européenne qui n’évalue pas les répercussions sur les populations concernées au Canada. On a aussi vu naître des groupes thématiques internationaux comme Amnesty International et Greenpeace. Amnesty International a par exemple demandé la libération immédiate du prisonnier Omar Kadhr et son rapatriement au Canada par le gouvernement canadien surpassant ainsi la souveraineté nationale de l’État canadien. On remarque ainsi une ingérence de ces organisations dans les processus nationaux. Le cas du Canada, encore, qui devra répondre des mesures prises par les corps policiers lors des manifestations des groupes d’opposants au dernier G20 à Toronto illustre bien ce fait.
La puissance économique d'un État fait aujourd'hui partie intégrante du mécanisme qui lui permet d'asseoir sa souveraineté au niveau international. Cependant le concept d’endettement, devenu très populaire, crée une dépendance aux capitaux étrangers, limitant ainsi cette puissance économique. C’est le cas de la crise de la Grèce, du Portugal et d’autres pays de l’Union Européenne.
En somme, ces organisations internationales menacent la souveraineté des États et finissent par développer leurs propres compétences et à se détacher de la simple volonté de leurs composants, les États-membres. Elles mènent des politiques d’ingérence et de contrôle des États «faibles».
La mondialisation constitue un obstacle important à la souveraineté des États mais il y a lieu de remarquer qu’elle concoure aussi à l’amélioration de la performance et de l’efficacité des gouvernements dans la prestation des services aux citoyens. C’est ce qui ressort du huitième rapport annuel au Premier ministre sur la fonction publique du Canada par le greffier du conseil privé. Il précise aussi que la mondialisation crée de nouveaux besoins chez le citoyen et l’État doit se moderniser dans ses ressources humaines, dans ses finances et dans son fonctionnement pour satisfaire celui-ci.
Pour conclure, Jacques Parizeau souligne que la mondialisation n’a pas seulement des effets pervers sur les sociétés, mais aussi qu’elle renforce la souveraineté des nations : «Pendant la Révolution tranquille, le Québec avait développé une autorité morale et une force financière à l’égard d’Ottawa qui étaient telles qu’il pouvait, par exemple, au cours de la même année 1964, créer une Régie des rentes distincte du Canada Pension Plan et se retirer de 29 programmes conjoints avec pleine compensation fiscale. (…) L’apogée se produisit lorsque, en 1967, le gouvernement du Québec demanda à la France de faire partie du projet Symphonie, projet franco-allemand destiné à envoyer en orbite un satellite de communication en se servant des fusées russes, alors que le Canada s’entendait avec la Grande-Bretagne et le Japon pour se servir des satellites lancés avec des fusées américaines …».
Bertille Noua Makeu