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La survie du registre des armes à feu au Canada : processus démocratique ou discipline des partis ?

Le registre canadien des armes à feu, créé en 1995, est une base de données tenue à jour par le gouvernement du Canada, et servant à noter diverses informations relatives aux armes à feu en circulation au Canada. Ce registre fait partie du Programme canadien des armes à feu (PCAF) dont le coût d'exploitation  est de quatre millions de dollars par année. Ce programme représente une gamme de services dans le cadre du Soutien aux services de police. Son objectif stratégique consiste à « accroître la sécurité publique grâce à une gestion efficace des risques posés par les armes à feu et leurs utilisateurs ». Les missions, le mandat, les valeurs premières et l’engagement de ce Programme dans le sens d’une « plus grande sécurité pour les foyers et les collectivités » sous-tendent quatre des priorités stratégiques de la GRC, soit la lutte contre le crime organisé, la lutte antiterroriste, les jeunes et les groupes autochtones.

Après un changement de gouvernement en 2006, les conservateurs ont annoncés une amnistie aux propriétaires des fusils et fusils de chasse qui feraient face aux poursuites pour avoir omis d'enregistrer leurs armes à feu, avec une amnistie prolongée qui doit terminer le 16 mai 2011.

Le vote à la chambre des communes le 23 septembre 2010 a permis de sauvegarder ce registre. Le processus d’abolition ou de sauvegarde du registre n’est pas encore terminé mais on peut remarquer les moyens utilisés par le Politique dans un État de droit pour faire passer une loi ou pour abroger une loi existante. L’État, bien que puissance publique, agit sans limites autres que celles fixées lui-même par la constitution, la loi et d’autres documents cadres. Cette façon de faire (respect de la constitution) et les différents processus politiques (étapes d’adoption ou d’abrogation d’un projet de loi) sont des facteurs de croissance, et dans certains cas de décroissance, d’un État.

Par une gestion efficace des risques posés par les armes à feu et leurs utilisateurs, le gouvernement veut garantir la sécurité publique pour tous les citoyens. Dans ce sens, l’État joue son rôle d’incarner, de garantir et d’administrer le contrat social. Le contrat social fait allusion ici à l’intérêt général, au bien public. Nous retiendrons ici la définition du bien public comme ce qui ne peut pas être divisé et approprié au bénéfice d’une seule personne à l’exclusion des autres personnes qui désireraient en profiter. La sécurité est donc un bien public parce que la paix profite à tout le monde. Le respect d’un bien public fait intervenir le rôle autoritaire de l’État qui touche au contrôle et aussi la réglementation. Par exemple, l’article 92 du code criminel canadien précise les sanctions prévues pour possession non autorisée d’arme à feu. Ces sanctions, allant d’une peine d’emprisonnement de deux à dix ans, sont exagérées. Le code aurait pu prévoir au moins des avertissements.

Le registre des armes à feu a été crée dans le cadre du soutien aux services de police. Des éléments de preuve et des témoignages permettent de dire que ce registre a été utile dans de nombreuses interventions policières, comme les violences conjugales. Les policiers pouvaient évaluer le danger en fonction du nombre d’armes à feu identifiés grâce au registre. Cette information ne traduit pas la traçabilité de l’arme en question. Ce qui veut dire que la tuerie à l’École polytechnique de Montréal et la fusillade à l’École Dawson ne pouvaient être contrôlées. D’autres critiques sont formulées à l’endroit du registre : 1) Il ne peut suivre la circulation des armes à feu illégales ; 2) l’enregistrement et l’entretien du registre sont des tâches énormes et coûteuses ; 3) pas de lien direct entre le registre et la baisse du crime.

L’évaluation du programme des armes à feu réalisée par la GRC révèle que ce programme coûte aux contribuables canadiens plus de 500 fois le montant estimatif initial (2 millions CAD au départ). L’évaluation est une étape importante du processus d’une politique publique. Elle permet d’apporter des ajustements à la politique en question et de revoir les autres étapes qui sont l’émergence du besoin, sa formulation, la décision suivie de la mise en œuvre (OUELLET, L., 1992, «Le secteur public et sa gestion» dans Ronald Parenteau, Management Public. Comprendre et gérer les institutions de l’État, Canada, Sainte-Foy, Presses de l’Université du Québec, 640 p.). Elle pourrait être utile pour une redéfinition des objectifs du registre et de sa mise en œuvre sur tout le territoire.

L’un des éléments importants qui contribuent au processus d’une politique publique est le jeu des acteurs. Les acteurs ici sont les membres du gouvernement et les membres de l’opposition. Ils défendent chacun leurs intérêts et en fonction de la situation peuvent former des coalitions. Les acteurs, que sont les députés, doivent agir dans le respect de la ligne du parti ou de son idéologie d’une part, et dans le respect de la volonté des communautés des circonscriptions qu’ils représentent.

Avant le vote parlementaire pour l’issue du registre, les chefs de l’opposition ont contraint leurs députés qui étaient en faveur de l’abolition de revenir sur leur décision. Ce qui a été fait et l’issue du vote a été de 153 contre 151 pour le registre. Ce vote n’a pas été démocratique à cause de l’usage de la contrainte. L’État canadien par sa constitution définit les droits et libertés de tous que nous sommes tenus de respecter. Ce vote ne traduit donc pas la volonté des électeurs mais d’un parti ou d’un autre. On peut ainsi remettre en question la démocratie (le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple) au Canada.

Des ajustements sont nécessaires au registre et au programme des armes à feu en général selon le rapport d’évaluation de février 2010. Un moyen d’y parvenir serait l’abolition de ce registre tout en proposant une nouvelle loi qui tient compte du contexte actuel, en organisant une consultation nationale dans des régions cibles et par les réseaux sociaux (twitter, facebook) pour une participation citoyenne.

Bien que les partis politiques aient des idéologies différentes, chacun d’eux veut être à la tête du gouvernement afin de servir le citoyen pour le mieux et de changer la vision des choses. Il reste que le citoyen doit demeurer le maître de la situation parce qu’il est doit être au centre des préoccupations et il a le pouvoir de choisir ses dirigeants. Alors, tous les partis auraient intérêt à le consulter davantage et à réunir quelquefois leurs efforts pour régler un problème au lieu de toujours s’opposer pour suivre leurs lignes directrices.

 

Bertille Noua Makeu

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