Le rôle du gouvernement dans le développement minier au Québec
Blog 1 du cours Principes et Enjeux de l’Administration Publique, ENAP
Professeur : M. Rémi Trudel
Écris par : Émilie Lemieux – cours du lundi soir
L’Actualité du 1er juin 2010 soulignait que le Québec vit un nouveau boum minier qui coïncide avec une hausse sans précédents des besoins en métaux des économies émergentes d'Asie. Les enjeux de cette nouvelle expansion de l’industrie minière soulèvent inévitablement des questionnements concernant la répartition des richesses, le développement local durable du territoire et la relation avec les populations autochtones. Et surtout, quel rôle devra jouer le gouvernement du Québec dans cette nouvelle ruée vers l’or ?
Selon l’Institut Fraser, le Québec est le meilleur endroit au monde pour exploiter des mines. Le gouvernement du Québec offre un ensemble de politiques favorables soutenant le fort potentiel minéral de la province. Si cette position sert au gouvernement pour attirer les investissements étrangers, elle nuit à sa crédibilité lorsqu’il est temps de négocier des redevances équitables pour les populations du Québec.
L’Actualité rapporte qu’en avril dernier, le vérificateur général a notamment reproché aux compagnies d'utiliser des subterfuges comptables pour ne pas payer les redevances qu'elles doivent à l'État pour compenser l'extraction des ressources. En ce sens, la coalition Pour que le Québec ait meilleure mine demande que l’industrie soit plus responsable et mieux encadrée par l’État. Pour que les entreprises privées puissent respecter les lois de façon adécuate, elles doivent être encadrées par des lois qui correspondent au contexte actuel de libéralisation de l’économie et d’ouverture des marchés. À cet enjeux, l’industrie minière aime répondre que la modernisation des lois sur les mines n’est pas nécessaires, et que l’industrie, maintenant moderne, est en mesure de s’autoréguler selon des principes volontaires de la responsabilité sociales de l’entreprise (RSE). Pourtant, le concept de la RSE est clairement insuffisant. L’entreprise privée crée la richesse mais elle ne peut la répartir équitablement. De la même façon, l’entreprise minière peut appuyer le développement mais elle ne devrait pas être l’entité responsable du développement. Le secteur public a donc encore toute sa place dans une économie de marché car en plus de soutenir la création de la richesse, elle vise à sa répartition. L’État doit reprendre ses droits et la place qui lui revient dans l’économie, en étant à la fois leader et responsable du développement local et régional, et en réduisant les asymétries entre la population et les entreprises. La gestion publique doit être alimentée par une vision à long terme et non uniquement par un souci de popularité électorale. Cette vision doit être partagée avec la population, et doit valoriser une diversification des économies locales en harmonie avec l’environnement et le mode de vie de la population. Comme le mentionnait Nathalie Normandeau, ministre des Ressources Naturelles et de la Faune et responsable du Plan Nord, les citoyens expriment de plus en plus leur opinion sur l’exploitation des ressources naturelles et énergétiques, et le gouvernement doit trouver les moyens de les associer à la prise de décision. Ainsi, la population n’a pas seulement le droit d’être informée, mais qu’elle a aussi le droit d’émettre son opinion pour permettre d’influencer la réalisation des projets miniers dans la province. De cette façon, la participation citoyenne ne peut se limiter à approuver ce qui est déjà décidé ; elle doit aussi servir à négocier les bénéfices mutuels qui seront obtenus grâce à l’activité minière. Ceci est particulièrement vrai pour les populations autochtones, trop souvent écartées quand il est question de tirer profit du potentiel économique du territoire. Les promoteurs miniers devraient donner une importance capitale au consentement des communautés autochtones et à leur implication dans le développement de leur territoire. Les droits autochtones ne sont pas un obstacle au développement économique, et les communautés sont souvent dépeintes à tort comme étant opposées aux projets d’exploration et d’exploitation de ressources naturelles. Raphaël Picard, chef du Conseil des Innus de Pessamit, anciennement appelé Betsiamites, près de Baie-Comeau sur la Côte-Nord, mentionnait que les communautés autochtones sont prêtes à contribuer au développement du territoire lorsqu’il se fait de façon respectueuse de l’environnement et des droits ancestraux des populations. La dernière édition du journal Les Affaires rapporte qu’en mai dernier, le Conseil des Innus de Pessamit a conclu une entente avec les petites sociétés minières Argex et St-Georges qui ont entrepris des travaux d’exploration visant à découvrir des gisements de fer, de titane, de cuivre, de platine et de nickel. L’entente qui prévoit notamment la construction d’une usine de transformation sur le territoire de Pessamit, entraînera la création de 450 emplois dont une centaine parmi la communauté innue. M. Picard, qui déplore que les gens de la communauté soient exclus de l’employabilité dans les grandes entreprises de la région, qualifie d’historique l’entente conclue avec les deux entreprises minières. Cette entente serait-elle un exemple à suivre pour l’avenir? Faut-il encore que le gouvernement puisse en garantir la durabilité.
Avec la croissance économique fulgurante des pays en émergence que l’ont appelle maintenant le BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), la consommation d’acier connaît une montée historique. Du jamais vu depuis les trente dernières années. Le développement économique accéléré notamment de la Chine et de l’Inde et la forte demande de ces pays pour le minerai de fer entraîne des répercussions importantes sur l’économie de la Côte-Nord. De nouvelles mines feront naître ou renaître des villes plus au nord du Québec, sous l'impulsion du Plan Nord du gouvernement Charest. Une nouvelle mine de fer sera bientôt exploitée à Schefferville, ville abandonnée au début des années 1980 à la fermeture de l’Iron Ore, par un groupe dirigé par l’indienne Tata Steel. Le Plan Nord vise à mettre en valeur les richesses minières, forestières et hydroélectriques au nord du 49e parallèle. Bien que le Grand-Nord québécois représente pour nous, Montréalais, une contrée lointaine de territoires pratiquement inhabités, il est occupé par des populations qui ont leur mot à dire dans le développement de cette région. Cinq communautés autochtones refusent toujours d’adhérer à la démarche du gouvernement car selon eux, le Plan Nord met en péril leurs droits sur le sol et le sous-sol du territoire. Le Plan Nord illustre bien la course à la productivité du travail maintenant entamée par le Québec. Comme le rapporte le journal Les Affaires, le vieillissement de la population québécoise, plus accentuée qu’ailleurs, aura pour effet qu’en 2026, pour 10 personnes actives, il y en aura 7 inactives. Ce sont des baisses de revenu considérables pour l’État qui devra continuer de financer un système de santé de plus en plus coûteux, l’éducation et les infrastructures de la province. Selon une étude du Centre sur la productivité et la prospérité (CPP), l’investissement direct étranger (IDE) est une façon d’augmenter rapidement la productivité d’une région. Pourtant, l’IDE ne règle pas les enjeux de répartition de la richesse et de la qualité de vie, surtout chez les populations pauvres et marginalisées. Les élus ne doivent pas perdre de vue leurs responsabilités qui vont bien au-delà des seules forces du marché.
La ministre Normandeau se vante d’un Plan Nord novateur, où le gouvernement travaille en synergie avec les communautés. Elle dépeint cette démarche comme un nouveau modèle d’affaires entre le gouvernement, les industries, les communautés et les groupes environnementaux. Le défi est de taille, si l’on veut favoriser un développement qui soit inclusif, en respect des droits autochtones et de l’opinion populaire. Sans oublier l’épineux dossier du nucléaire, qui fait face à une vive opposition citoyenne à Sept-Îles, où la démission collective d’une vingtaine de médecins a eu une incidence considérable sur la perception de la population face à cette activité risquée. On peut bien en vanter les retombées économiques, l’activité minière demeure menacée par des conflits qui surgissent dans sa propre nature et dans son histoire de dislocation sociale et de contamination environnementale.
Sources : Les Affaires, semaine du 2 au 8 octobre 2010. www.lesaffaires.com « Productivité : le Québec doit passer à la vitesse supérieure », par Suzanne Dansereau « Une mine de projets », par Pierre Théroux « Des projets grandeur nature », par Pierre Théroux « Le Québec de René Vézina. Aux pays des grandes ambitions » « Enfin des jobs pour les Innus de Pessamit! », par Pierre Théroux « Soyez à l’affût des occasions d’affaires », par Suzanne Dansereau L’Actualité, 1er juin 2010. www.lactualite.com « À qui profite le boom minier? », par Valérie Borde « La bataille de l’uranium », par Jonathan Trudel L’Actualité, 15 juin 2010. www.lactualite.com « Elle milite en faveur de l’indépendance…énergétique du Québec! », par Mélanie Saint-Hilaire.