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Mourir dans la dignité

Grâce aux nombreux progrès et avancements dans le domaine de la médecine, les gens vivent beaucoup plus longtemps qu’auparavant et il est désormais possible de retarder la mort d’un individu. Mais à quel prix? La capacité de vivre plus longtemps peut s’accompagner de souffrances autant psychologiques que physiques, et ce, parfois avec une qualité de vie qui peut diminuer progressivement jusqu’à parfois une lente agonie. Si la personne en question désire être épargnée de cette souffrance, par l’euthanasie assistée, comment réagir par rapport à une telle demande? Si, la vie a perdu tout sens pourquoi la prolonger absolument?

Une commission spéciale a été mise en place pour se pencher sur la question ‘’ de mourir dans la dignité’’. Celle-ci a pour but de recueillir le point de vue des Québécois et Québécoises sur les questions de l’euthanasie, du suicide assisté, de la sédation terminale, du refus de traitement et de l’acharnement thérapeutique. Ces questions ne sont pas nouvelles, elles reviennent de manière récurrente depuis plusieurs années et aucune décision n’a encore été prise, à ce sujet très délicat et controversé autant du point de vue social, éthique, philosophique que politique.

Pour ma part, je ne crois pas qu’on ait besoin d’une commission pour décider. Cette question ne devrait aucunement être décidée par une autre personne que l’individu concerné. Le choix devrait être laissé à chacun de décider pour lui-même. Donc, à ce titre, pourquoi et dans quel droit, l’État déciderait pour un individu? Pourquoi, une personne devrait consentir à quiconque le pouvoir de mettre fin ou non à ses jours ou encore de juger de la valeur de ses souffrances? Selon moi, cela revient à la personne touchée et non pas aux médecins, à la population, à la religion et encore moins aux politiciens. L’État ne devrait que reconnaître la légitimité de ces demandes et non pas décider pour la personne concernée. Nous sommes responsables de notre vie. Pourquoi pas de notre mort? Quand la mort est inévitable, il faudrait laisser le droit au principal intéressé de décider quand il serait le plus propice pour lui et sa famille de mourir avec dignité et non pas d’aller se cacher, de vivre cela seul et d’utiliser des moyens barbares pour s’enlever la vie et ainsi apaiser ses souffrances.

 

Par contre, il est impératif qu’uniquement la personne concernée puisse demander et absolument personne d’autre, de pouvoir avoir accès à l’euthanasie assistée pour mettre fin à ses jours. Une évidence même, est que la personne devrait faire cette demande de façon écrite dans ‘’un testament de vie ou directives anticipées’’ telle que suggérée par l’Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité (AQDMQ), au moment où elle est saine d’esprit, en toute connaissance de cause. Une équipe de professionnels pourrait l’aider à prendre une décision éclairée. Le médecin pourrait évaluer, analyser et diagnostiquer la maladie. Il devra bien décrire à son patient la situation et répondre à ses questions. Par la suite, c’est le principal intéressé qui décidera et non pas une tierce personne. La décision doit être laissée au patient et libre de toute influence.

Vous allez sûrement vous demander pourquoi je suis pour l’euthanasie assistée. La réponse est fort simple : mon expérience de vie. Mon père est décédé suite à une maladie qui l’a entraîné dans une lente agonie avant de mourir. Il a eu recours à une euthanasie « miséricordieuse » non dite et inavouée par surdose de morphine pour lui permettre de partir. Mais, son agonie a duré trop longtemps à mon avis. Lui-même nous avait fait part de sa volonté de mourir, mais il y a 17 ans, le seul recours qu’il avait était l’injection de morphine. Aujourd’hui, je suis à nouveau confrontée à la maladie avec ma mère cette fois-ci. Elle est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Sa condition se détériore lentement, mais la maladie progresse et un jour cette maladie va me voler ma mère. Elle ne décèdera pas probablement de cela, mais quelle qualité et quel sens aura sa vie? Ma mère qui a 82 ans dans sa grande sagesse dit souvent : « vieillir en beauté, oui, non vieillir en bobo… Entre 2 maux, il faut choisir le moins pire… » Ma mère, mon amie, ma confidente est une femme de tête et elle voudrait en finir au plus vite avant que sa conscience s’éteigne. Dans le contexte actuel, elle a fait les démarches nécessaires avec les moyens légaux actuels dont elle dispose soit un mandat d’inaptitude qui stipule qu’elle ne veut pas d’acharnement thérapeutique. Mes expériences de vie avec mes parents m’ont amené à être pour l’euthanasie assistée. Premièrement, je ne veux pas souffrir quand je saurai que mes jours sont comptés, et deuxièmement je ne veux pas que mes proches vivent mon agonie. Je voudrais m’épargner et les épargner dans ma maladie. Un fardeau de moins sur les épaules de tous. Je voudrais qu’ils m’épaulent et acceptent comme moi, j’accepte de partir dans la dignité, au nom de l’amour qu’ils me portent.

Pour que l'euthanasie assistée soit faite de façon adéquate, il faut selon moi avoir des prémisses qui pourraient être :

  • D’avoir auparavant rédigé un testament de vie, libre d’influence et de façon éclairée (ainsi, qu’elle soit apte ou inapte en fin de vie, la personne qui aurait consigné ses volontés seraient exécutées et assurée que sa volonté de gérer sa vie ne lui sera pas retirée et que les volontés déjà exprimées seront).
  • D’avoir accès à un comité multidisciplinaire au besoin pour l’aider à cheminer dans sa décision.
  • D’être atteint d’une maladie incurable, en phase terminale.
  • D’être âgée d’au moins 18 ans.
  • Pour toutes les autres situations (par exemple une maladie dégénérative), il s’agirait du cas par cas, et ce, pour éviter toute forme d’abus.

Le rôle de l’État serait d’accorder une aide médicale active, balisée et contrôlée comme un soin de fin de vie aux personnes qui l’auraient exprimé préalablement. Il devrait aussi se doter de politiques et de mécanismes de contrôle et d’évaluation continue. Les comités de bioéthique des établissements de Santé et de Services sociaux pourraient être un atout dans ce dossier.

Le fait de légaliser, de mettre certaines balises à cette pratique, permettrait de bien l’encadrer et éviterait la clandestinité d’un geste d’une personne désespérée, pouvant avoir des conséquences fâcheuses (pour elle-même et sa famille), si effectuées dans un contexte mal encadré.

 

Pour ce faire, il faudrait avant tout, décriminaliser l’aide au suicide, modifier le Code criminel et certains codes de déontologie de professionnels de la santé. Il faut se rappeler qu’en 2005 le projet de Loi C-407 modifiant le Code criminel afin de permettre à quiconque, sous réserve de certaines conditions, d’aider une personne en fin de vie à mourir dignement avait été déposé. Celui-ci n’a jamais vu jour en raison de la dissolution du Parlement et de la convocation d’une élection fédérale! Nous sommes rendus en 2010, et rien n’a évolué depuis! Il ne faut pas oublier qu’au Canada le suicide et la tentative de suicide ne sont plus interdits par le Code criminel depuis 1972 et que depuis 1994 toute personne peut refuser des traitements médicaux même si cette décision aura comme conséquence sa mort. Pourquoi le Canada est-il si en retard sur ce sujet par rapport à d’autres pays qui ont déjà emboîté le pas dans ce sens?

De mon point de vue, je considère que l’euthanasie assistée est moralement et socialement acceptable et justifiable. Il est vrai qu’elle va à l’encontre de bien des valeurs et qu’elle est un moyen radical; mais je crois sincèrement que le bonheur des êtres concernés prévaut tout de même sur le respect de la vie.

 En conclusion, jamais je n’exigerais de la part de quiconque de décider à ma place, d’en prendre la responsabilité et de vivre avec une telle décision. Mon choix aura été fait de façon éclairée, soit de décider de mourir avec dignité. Ce que j’accepterais mal, c’est que d’autres m’interdisent ce choix personnel. Je veux donc ce droit de décider de ma vie et de ma mort. Reconnaître ce droit est un acte de respect de ma volonté.

Je ne veux pas être pessimiste, mais je ne crois pas voir cela de mon vivant. Par contre, j’espère que mes arrières arrière petits enfants auront la chance d’avoir ce droit fondamental. Si cela arrive dans le futur, nous pourrons dire que nous y voyons un très grand progrès social et surtout de l’humanisme envers les personnes souffrantes en fin de vie.

Une solution alternative, en attendant, la légalisation par l’État de l’euthanasie assistée, serait d’investir plus dans les soins palliatifs. Ainsi, un jour les personnes auront le choix entre les soins palliatifs ou le suicide assisté.

 

Hélène Lamalice

Étudiante à la maîtrise ÉNAP

Cours ENP-7328

2010-09-26

Commentaires

  • Bien sûr que tout ça est bien reçu Mme la Sansmalice ! Brovo pour avoir osée publié su ce sujet parfopis delicat !
    Prof

  • Votre blogue m'a fait réfléchir à mon propre malaise vis-à-vis cette intellectualisation du débat "mourrir dans la dignité". Votre réflexion ramène bien le débat d'un point de vue personnel. À partir de votre expérience, qui est probablement partagé par un bon nombre de personne, à leur façon, vous en venez à réfléchir sur les souffrances propres de la personne malade. On est plutôt loin des grands débats clinico-religio-administratif ! Une société individualiste a besoin de balises claires. La gestion de ces balises est remise à des professionnels. Cependant, peut-on penser à une co-réflexion sur la mort d'un individu, entre la personne concernée, sa famille et comme vous le suggérez, les professionnels comme consultants. Je ne crois pas que le choix de mourrir doit venir de l'état mais de la dyade entre la personne malade et sa famille. À ce sujet, je crois que nous avons à apprendre de certaines cultures qui prônent le conseil de famille, alors, peut-être, aurons-nous moins besoin de pallier à notre individualisme.

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