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Mourir dans la dignité

 

Mourir dans la dignité

 

Je vais commencer par mon histoire.  Étrangement, pour vous mettre en contexte, je commencerai par sa conclusion… 

Le 24 octobre 2009, par un après-midi austère et gris, je me rends chez ma mère pour lui faire une surprise et prendre de ses nouvelles.  À mon arrivée, les choses tournent différemment, le scénario de bonheur cède sa place à un sentiment horrible, la surprise me frappe moi, en pleine face et en plein cœur.  Ma mère s’est enlevé la vie… Elle est seule dans son lit, le regard vers sa fenêtre, une lettre d’adieu devant elle avec comme unique compagne, la télévision. 

Durant de nombreuses années ma mère à souffert autant physiquement que psychologiquement. Parfois je me sentais utile mais plus souvent inutile. Elle et son conjoint étaient dans le même état.  La maladie les rongeait tous les deux alors, par amour l’un pour l’autre, ils se réconfortaient et s’écoutaient. Durant leur périple pour une qualité de vie meilleure, malgré leur grande souffrance, ils ont du surmonter plusieurs batailles avec différentes personnes et surtout avec toutes sortes de philosophies. Certaines de ces personnes avaient le complexe du savoir et d’autres avaient l’empathie tant recherché.

À plusieurs reprises, ma mère a manifesté son souhait d’abréger ses souffrances en se donnant la mort.  Son conjoint, atteint d’un cancer de la langue, a lui aussi, les mêmes pensées. Quelques médecins comprennent leur douleur et les soulages par toute sorte de médication. Par contre, d’autres pensent qu’ils veulent se droguer… Malgré ses doléances, elle a souffert plus qu’elle n’a été soulagée. Grand malheur pour cette société égalitaire, elle n’avait pas ou presque pas d’argent. 

Avec le temps, elle perd son conjoint. La peine et le désespoir s’installe. Alitée, elle regarde par sa fenêtre et cherche un sens à sa vie. Ses fils ne peuvent la voir comme elle le voudrait, ils ont des vies chargées de responsabilités, se sentent impuissants devant la situation et ne savent pas où trouver de l’aide.

L’histoire de ma mère, non je dirais l’histoire de ma famille, ressemble à la réalité de plusieurs familles. Perdre un être irremplaçable par un suicide laisse une cicatrice pour la vie. Le choix de ma mère était clair, elle ne voulait plus être prisonnière de son corps et de notre société bureaucratique avec toute sa lourdeur et sa souffrance…

Maintenant le sujet qui nous concerne, mourir dans la dignité. Ceux qui peuvent trouver un réconfort dans cette histoire et pensent que de posséder un corps représente une forme de dignité ne comprennent rien en la souffrance humaine. Lorsqu’une personne te regarde et souhaite mourir car elle n’en peut plus, il faut s’arrêter et essayer de la comprendre avec une juste mesure de rationalité et d’empathie. J’utilise le mot rationalité pour m’assurer que l’égoïsme n’influence pas l’écoute. Je crois que derrière certaines personnes qui s’opposent au suicide assisté et à l’euthanasie, il y a la peur. Une peur égoïste liée à la perte de quelqu’un et au vide que cette perte pourrait laisser.

Le sujet que nous traitons ne laisse personne indifférent. Qui n’a pas eu peur de la mort dans sa vie; de sa propre mort et de celle des gens que nous aimons. Ce choix est avant tout un choix d’émotions influencé par nos valeurs profondes en fonction de l’attachement que nous avons envers la vie. Le cheminement choisi par les décideurs est le bon, les consultations apporteront une lumière d’émotion analysée par la rationalité de l’État. Le document de consultation le prouve, il est fait avec minutie et touche tous les aspects. De plus, il incorpore des comparables international et national. 

L’État a définitivement la responsabilité et l’obligation de trouver une solution car la décision finale aura un impact majeur sur notre société de droit.

L’État doit se pencher avec sérieux sur le sujet et prendre compte de tous les impacts face aux choix qu’elle prendra. Elle a la maturité de comprendre les enjeux et d’instaurer les mesures nécessaires pour répondre à la vision de tous et chacun. Je parle du petit arnaqueur sans scrupule à la personne qui veut accompagner l’être aimé. Les règles devront être claires pour ne pas laisser le pouvoir entre les mains d’une seule personne qui pourrait se laisser influencer par ses propres valeurs au détriment de la volonté sociale et de la volonté humaine.

L’État devra comprendre que l’être humain n’est pas un bien de l’état et que la charte des droits et libertés de l’homme est claire, chacun a le droit d’être libre de son choix, c'est ce qu’on appelle la liberté.

Mon choix est clair, le droit sur la vie, sur sa propre vie appartient à l’être même. S’il fait le choix de s’enlever la vie avec de l’aide ou d’être euthanasié par une autorité compétente pour des raisons valables, nous n’avons d’autre choix que de le respecter et de l’accompagner. Bien sur, ce choix devra se faire dans un cadre formel qui ne peut laisser place à l’interprétation et à l’initiative improvisée.

N’est-ce pas illogique de choisir, peut importe l’âge, la création de la vie, même si parfois nous n’avons pas les outils nécessaires pour l’assumer? N’est-ce pas illogique de laisser des armes qui tuent à n’importe qui? Et quand je parle d’armes, je parle au plus grand sens du terme. Pour les gens qui veulent tant préserver la vie, arrêtons de vivre tel notre société nous l’indique. Par expérience, cette société nous enlève injustement des vies à chaque jour. Malheureusement, notre vie côtoie la fatalité. Cette fatalité comprend aussi la maladie, la maladie incurable, la maladie qui fait mal, très mal…     

Moi, mon désir le plus cher aurait été d’accompagner ma mère vers son dernier repos et de l’entendre partir avec douceur et plénitude. J’aurais eu la possibilité de lui dire combien je l’aimais. Elle aurait eu le loisir et le choix de partir entourée des gens qu’elle aimait. Mais au lieu de cela, à cause des règles en place, elle est partie avec une télévision allumée comme unique présence. Moi, je n'ai reçu d'elle qu'un message sur mon téléphone dans lequel elle me disait qu’elle m’aimait peu importe nos petits différents. Cette femme a été ma meilleure amie durant la majeure partie de ma vie.

J’espère que cette lettre ne restera pas sans effet. Elle veut, en toute humilité, apporter une réflexion sur l’impact de nos lois présentes sur les gens qui ne veulent plus vivre pour des raisons lucides qui leur appartiennent. Par le fait même, de manière égoïste, je voulais faire prendre conscience qu’autour de ces personnes il y des gens qui souffrent de la situation et qui se sentent impuissant face à cette réalité. Et fatalement, ils peuvent vivre pour longtemps avec une très grosse cicatrice…

***

Il y a deux semaines, face à la maladie, à la souffrance et à la mort lente de sa chienne, ma belle-mère a choisi d’abréger ses souffrances et de l’accompagner dignement dans la mort…

Alexandre Mizoguchi

Étudiant à la maîtrise

ÉNAP

           

 

 

Commentaires

  • Alexandre...ton propos nous fait réfléchir !
    Le "publique" et sa sphère ça sert a ça aussi.
    Prof
    Bravo pour avoir osé

  • Alexandre, Votre blogue m'a beaucoup touché. Je trouve que la question de légalisation de l'euthanasie sucite bien sûr des débats. Personellement , je suis contre l'euthanasie et le suicide assisté . Je trouve que chacun de nous a le droit de vivre. Vivre pleinement sa vie ! je sais que parfois le système de santé est aussi injuste , mais je sais que les médecins font leur mieux de sauver des milliers de vie . Je suis encore désolée pour ta mère , mais le débat sur l'euthanasie ne se finira jamais!

  • Merci pour ton commentaire, le débat ne sera jamais fini. La vie n'a de sens que dans notre regard et nos valeurs...

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