#2 Mélanie Grenier- droits aborigènes
Blogue #2
Par Mélanie Grenier, ENP-7505
Le peuple du Québec et les premières nations partagent le même combat : La reconnaissance.
J’habite à Sainte-Catherine depuis plusieurs années. Du lundi au vendredi, j’emprunte le pont Mercier pour me rendre à mon travail. Lorsque j’arrive à la frontière de la réserve Mohawk de Kanawake, le paysage change brusquement. En fait, ce n’est pas seulement le paysage qui se modifie, mais également la façon de faire le commerce. C’est un peu comme si sur une distance de quelques kilomètres, les lois s’appliquaient différemment. J’observe la multiplication des « cabanes à cigarettes » au rebord de la route 132 jusqu’au pont Mercier. Je ne crois pas qu’il y a un code en bâtiment pour ce type de commerce. Ceci est sans compter les stations à essence et les lieux de « gambling » tels que les salons de Poker et les Bingos. En fait, d’un simple coup d’œil, je perçois que la communauté de Kanawake touche à trois secteurs qui sont particulièrement règlementés et taxés par le gouvernement. Effectivement, les fumeurs québécois doivent payer des taxes lorsqu’ils achètent des cigarettes. Qui plus est, les profits des casinos et des loteries constituent des impôts indirects qui sont réinvestis dans la société. Donc, si je comprends bien, le gouvernement du Québec et la communauté de Kanawake utilisent la vente de cigarettes, d’essence et les jeux de hasards pour enrichir leur communauté. Pourquoi est-ce moins noble lorsque ce sont les Premières Nations qui le font? Je crois que les différences se situent davantage dans la réglementation en lien avec la qualité des biens et services. Du côté québécois, c’est la règle de l’administration publique qui s’applique, car on ne se préoccupe pas seulement de vendre un produit et/ou un service afin de faire du profit. Nous avons notamment le mandat de prendre en considération le bien commun. Tandis que l’approche que je perçois de Kanawake semble davantage basée sur l’offre et la demande. Cependant, le but ultime demeure le même; c’est faire un profit.
Le problème, c’est que certaines réserves comme celle de Kanawake alimentent certains préjugés et les croyances populaires des québécois, car on s’arrête à ce qu’on voit sans chercher à comprendre les motivations réelles. Voici un extrait d’une conversation de monsieur Denis Bouchard (DB) et Ghislain Picard (GP) deux des auteurs du livre « De Kebec à Québec cinq siècles d’échange entre nous » :
« DB : La plupart des québécois vous connaissent mal. Puis, il y a une très mauvaise presse … J’ai l’impression que vous ne vous aidez pas. Tout de suite, on a en tête les histoires de contrebande de cigarettes, de casinos illégaux et du trafic d’armes. Tout ça ternit l’image de toutes les Premières Nations. En tant que représentant des Premières Nations, comment tu réagis à ça?
GP : Tu vas peut-être penser que c’est un argument qui est trop facile, mais … ça s’explique beaucoup du fait que la relation avec les gouvernements doit être renouvelée.
DB : Je comprends que, parce que tu n’as pas de ressources sur ton territoire, nécessairement tu vas créer des excès, tu vas créer une économie parallèle. C’est une réalité propre au contexte de pauvreté. Mais … votre capital de sympathie s’épuise avec le temps. Bloquer des ponts et d’autres gestes du genre, ça ne marche pas, ça ne fait que fragiliser les relations entre les peuples.
GP : C’est oublier le messager, le niveau de sympathie du messager, parce que la sympathie, ça veut aussi dire que de l’autre côté, il y a écoute. » (Extrait du livre « De Kebec à Québec cinq siècles d’échange entre nous », rédigé par Denis Bouchard, Éric Cardinal et Ghislain Picard, les Éditions des Intouchables (2008), aux pages 19-20)
Si je comprends bien, c’est à défaut d’une autonomie financière légale, il y a un risque de création d’une économie parallèle. Un peu comme les gens qui utilisent le travail au noir pour améliorer leur situation financière. À la lecture du livre « De Kebec à Québec cinq siècles d’échange entre nous », je pense que l’essentiel du message des Premières Nations est le besoin d’être reconnu comme peuple afin d’acquérir le pouvoir et les moyens de se prendre en charge et de se développer en tant que nation.
Ce qui m’amène à parler de la « paix des braves ». C’est une entente qui a mis de côté les négociations de type traditionnel afin de faire place à l’écoute de l’autre dans ses besoins. Le 16 mars 2010, à l’hôtel de ville de Longueuil, les étudiants à la maîtrise de la prestigieuse École National de l’administration Publique (ENAP) ont eu le privilège de rencontrer notamment monsieur Bernard Landry (Premier ministre (2000-2003) et monsieur Ted Moses (Grand Chef du Grand Conseil Cris de la Baie James) afin d’expliquer aux étudiants la « paix des braves ». Avant cette entente historique, il y a eu 25 ans de négociation devant les tribunaux qui ont coûté très cher aux deux nations et cela ne menait à rien. C’était un dialogue de sourd. En fait, chacune des parties avait à cœur ses revendications, mais ils ne reconnaissaient pas les besoins de l’autre. Monsieur ex-Premier ministre a dit une phrase importante pendant la conférence afin de qualifier le succès de la démarche : « Reconnaître les intérêts mutuels ». Qui plus est, il a parfaitement raison lorsqu’il affirme que pour mener ce type de négociation : « il faut vouloir la paix et être brave ». En effet, c’est très courageux de proposer en administration publique (où tout doit être approuvé) un mode de négociation non-conventionnel qui ressemble davantage à de la médiation. Dans les faits, monsieur Bernard Landry et monsieur Ted Moses se sont reconnus mutuellement comme chef d’état et ils ont discuté respectueusement des besoins de leur peuple.
Il y a trois ans, j’ai eu la chance d’être formée en « médiation », mieux connu sous le nom de « négociations sur intérêts », par le Centre jeunesse de la Montérégie (CJM). À l’occasion, je présente à mes collègues de travail les bénéfices qu’on peut observer lorsqu’on applique le processus de « négociation sur intérêts » :
1) Réduction des conflits;
2) Augmentation du sentiment de pouvoir (empowerment);
3) Participation à trouver et à appliquer ses propres solutions (collaboration);
4) Diminution du stress;
5) Meilleure gestion du temps de travail;
6) Gain en temps passé devant les tribunaux permettant ainsi l’accroissement du temps disponible pour le projet;
7) Mobilisation plus active des partenaires.
(Ce sont textuellement les sept bénéfices que je présente en conférence dans le cadre de « négociations sur intérêts » destiné aux intervenants du CJM.)
C’est exactement ce qui s’est produit avec la « paix des braves ». D’un côté, :
« Landry déclare que les deux nations doivent s’entendre et que le territoire et les ressources sont suffisamment importants pour permettre à deux nations de prospérer. » (Extrait du livre « De Kebec à Québec cinq siècles d’échange entre nous », rédigé par Denis Bouchard, Éric Cardinal et Ghislain Picard, les Éditions des Intouchables (2008), page 106)
L’entente à permis au peuple québécois de poursuivre les travaux dans le nord du territoire et de travailler en collaboration avec la communauté Cris. D’autre part, monsieur Ted Moses qualifie la relation de « win/win », car son peuple s’est grandement impliqué dans le projet, ce qui a permis le développement social et économique durable de sa communauté. Ce dernier va jusqu’à comparer sa réserve à la ville de Pointe-Claire En effet, une négociation de type médiation tend à créer une relation de partenariat où on valorise les solutions qui permettent à chacune des parties de sortir gagnante.
Comme en témoigne l’article de Isabelle Grégoire, Des Cris en or, paru dans le magazine l’Actualité, le 19 octobre 2005. Les Cris sont mieux représentés dans la communauté de Val-d’Or, car il s’est développé une meilleure représentation de la communauté autochtone :
« … sur le plan de la santé, de éducation, du social, du culturel et des partenariats économiques. » (Extrait de l’article de Isabelle Grégoire, Des Cris en or, parut dans le magazine l’Actualité, le 19 octobre 2005)
L’article rapporte également les propos de l’anthropologue Serge Bouchard, spécialiste des questions amérindiennes :
« Val-d’Or peut effectivement servir d’exemple. Ce qui se fait là bas est formidable, dit-il. La ville a compris que la présence des autochtones est importante et va avec le rester. Et qu’elle a tout intérêt de travailler avec eux ». (Extrait de l’article de Isabelle Grégoire, Des Cris en or, parut dans le magazine l’Actualité, le 19 octobre 2005)
En somme, en reconnaissant la communauté Cris comme partenaire d’affaire, ils ont été en mesure de créer un développement durable qui profitera aux deux peuples ainsi qu’aux générations à venir. Nous sommes loin d’une économie parallèle en contexte de pauvreté dont faisait référence monsieur Denis Bouchard.
Finalement, monsieur Bernard Landry et monsieur Ted Moses ne sont pas seulement deux hommes braves qui voulaient la paix. Ils sont une source d’inspiration pour les prochaines générations, car ils ont démontré qu’il était possible de négocier les différemment et ce, même en politique. En tant que québécoise, je souhaite « reconnaissance » pour mon peuple afin que nous puissions être indépendants dans nos choix. Comment pouvons-nous discuter avec le reste du Canada afin que les différentes nations puissent cohabiter sur un même territoire dans un contexte de partenariat de type « gagnant/gagnant »?