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Blogue #1 – SOINS DE SANTÉ OU INDUSTRIES DE LA SANTÉ?

Comme bien d’autres droits économiques, sociaux et culturels, le droit à la santé est inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme depuis 1950.  En signant ce document, le Canada et le Québec se sont engagés à respecter, à promouvoir ce droit et à y consacrer les ressources financières nécessaires. Pourtant ce droit, comme bien d’autres, apparaît de plus en plus fragile et menacé.

On parle beaucoup de la santé, mais qu’en est-il vraiment?  Doit-on parler de la santé, ou plutôt de la maladie qui fait, depuis longtemps et de plus en plus, l’objet de commerce.   Plusieurs industries, qui vivent davantage de la maladie que de la santé, ont vu le jour au XXe siècle.  Vers la fin des années 1990, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec créait le Bureau du partenariat économique et découpait l’industrie de la santé en cinq secteurs, dont certains n’étaient encore qu’à leur début, alors que d’autres avaient déjà atteint leur pleine maturité économique.

 

Autant le gouvernement du Québec que le gouvernement du Canada ont fait de ce secteur économique un point important de leur stratégie économique, en identifiant les biotechnologies en tête de liste. Les deux gouvernements n’ont ménagé aucun effort :  des avantages fiscaux pour les individus, des crédits d’impôt remboursables, des taux d’imposition faibles et du capital de risque disponible pour les sociétés; des centres de recherche et développement disponibles.  Tout est mis en œuvre pour attirer les investisseurs potentiels.

 

L’industrie de la santé se partage cinq secteurs, dont quatre sont entièrement privés, bien que subventionnés à même les fonds publics.  On retrouve les services de la santé, l’industrie pharmaceutique, celle des biotechnologies, de l’information et la télésanté, et tout ce qui concerne celle du matériel médical.

 

L’industrie des services de santé piétine pour se développer. Les gens d’affaires souhaitent la privatisation des assurances de personne, les soins à domicile privés, les services hospitaliers, mais en tout premier lieu figure l’hébergement privé des personnes âgées; sans oublier les services ambulatoires et tous les services chirurgicaux. Le gouvernement du Québec tente de garantir l’accès aux services.  Pour sa part, l’industrie pharmaceutique qui, protégée par des brevets sur la propriété intellectuelle, est largement financée grâce aux subventions gouvernementales et aux crédits d’impôt, déploie des moyens financiers presque hors du commun pour maintenir sa domination. Les produits pharmaceutiques constituent l’une des principales causes de l’augmentation des coûts du système de santé. Les pouvoirs publics font d’ailleurs peu d’effort pour contrer cette croissance.  Cette partie de l’industrie pharmaceutique est entièrement privée.

 

L’industrie des biotechnologies est encore à un stade assez jeune. Il s’agit de procédés scientifiques utilisés pour développer de nouveaux produits pharmaceutiques, des produits agroalimentaires et des pesticides. La majorité des activités utilisant les biotechnologies visent le marché de la santé (médicaments, trousses diagnostiques, etc.). Cette industrie privée rendrait plusieurs progrès médicaux possibles (fabrication d’organes artificiels, culture de peau en laboratoire, etc.).  La mission de la télésanté est de fournir des services et des soins de santé et de l’information en cette matière sur de petites et grandes distances. Les entreprises en information et en télécommunications sont donc au cœur de cette industrie en pleine expansion, largement soutenue elle aussi par les fonds publics, qu’il s’agisse d’Inforoute Santé Canada ou du gouvernement du Québec, via son programme de gouvernement en ligne. Télémédecine, téléconférence et consultations à distance, enseignement médical permanent à distance, applications réseau, recherche en direct, gestion de bases de données, systèmes d’information et traitement de l’information sur les médicaments constituent autant d’applications possibles. Cette nouvelle industrie se développe dans le secteur privé, avec un puissant soutien des fonds publics.  L’industrie du matériel médical combine la biologie et le génie.  Celle-ci est dominée par les multinationales américaines qui offrent une très large gamme de produits (équipements spécialisés, aides techniques, fournitures pour les blocs opératoires). En raison de la demande liée au vieillissement de la population, cette industrie s’orienterait vers des produits mieux adaptés aux usagers, en favorisant leur autonomie. Elle est également entièrement privée.

 

Ces secteurs industriels encore jeunes aux Canada ont pris leur essor il y a moins d’un siècle et n’existent que grâce aux faiblesses du corps humain. L’atteinte d’un meilleur état de santé des populations ne menacerait-il pas un certain équilibre économique, voire le développement industriel lui-même?  Quand on sait que les faiblesses dans la santé des individus et des populations contribuent pour une bonne part à soutenir la croissance économique. 

 

Est-ce le meilleur choix à faire quand on sait que plusieurs dizaines de milliers de personnes n’ont pas de médecin de famille et, de ce fait, ont un accès plus que limité à des soins de santé de base? Et que dire de la marchandisation toujours croissante de la santé qui nous est imposée, sous couvert de l’amélioration de l’accessibilité aux services? Encore en ce début de XXIe siècle, il nous faut bien constater que beaucoup de chemin reste à parcourir pour atteindre cet idéal de la « santé pour tous en l’an 2000 » que souhaitait l’Organisation de la santé (OMS) il y a maintenant quelques décennies.

 

Les correctifs à apporter pour atteindre un monde en santé sont aussi nombreux que variés. Les pouvoirs publics auront-ils le courage de discipliner l’industrie? Ou, au contraire, continueront-ils de remettre la responsabilité de la santé sur les épaules des seuls individus, comme si la santé n’était qu’un phénomène individuel, mettant ainsi l’accent sur les habitudes de vie de ces derniers plutôt que sur leurs conditions sociales et économiques? De ce point de vue, la réflexion sur la santé m’apparaît plus politique que strictement sanitaire.

 

MARYSE GUGLIELMINETTI  (MONTRÉAL)

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