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Blogue 2 - Christian Barrette

Christian Barrette
Principes et enjeux de l’administration publique (ENP7505)
Groupe du mardi

 

Mélange-t-on l’éthique avec conflits d’intérêts ?

 

On entend le mot éthique sur toutes les lèvres depuis plusieurs mois et on peut lire de nombreuses rubriques sur ce sujet dans les journaux. Les émissions de télévision en ont fait leur chou gras à plus d’une reprise. Des organismes publics sont rabroués constamment sous la mention d’un manque d’éthique dans l’octroi d’un contrat, que ce soit la ville de Montréal, le ministère des transports et j’en passe. Des organismes du réseau de la santé et des services sociaux et du réseau de l’éducation ont aussi contribué à alimenter l’actualité. Bref on utilise l’éthique, je devrais spécifier le terme éthique, à toutes les sauces et à qui veut bien l’entendre. Pourtant, il ne s’agit pas d’une nouveauté dans le domaine du secteur public et encore moins d’une exclusivité puisque le secteur privé possède ses propres règles de conduite en éthique. Mais restons dans le domaine du secteur public. Alors, qu’est-ce que l’éthique ?

 

L’éthique est en quelque sorte une manière d’agir, de penser. Le petit manuel d’éthique appliquée à la gestion publique en fait une bonne définition : l’éthique est un mode de régularisation des comportements qui provient du jugement personnel de l’individu, donc autorégulatoire, et qui se fonde sur ses valeurs personnelles et sur des valeurs partagées pour donner sens à ses décisions et à ses actions. Donc, si nous voulons un équilibre dans nos agissements, nous devrions travailler autant en éthique qu’avec un amalgame des concepts suivants :

 

  • la Déontologie;
  • le Droit;
  • les Mœurs;
  • la Morale;

 Alors, comment se fait-il que des organismes publics font si souvent la manchette des quotidiens lorsque les paramètres de nos décisions sont clairement identifiés ? Bien sûr, tout n’est jamais blanc ou noir et il existe malheureusement de nombreuses zones grises lorsqu’on parle d’éthique. Cependant, est-ce le cas ? Prenons le secteur de l’approvisionnement. Lorsqu’on octroie des contrats, on doit tenir compte des grands principes de la loi sur les contrats des organismes publics : la transparence, le traitement équitable des compagnies, la reddition de compte et l’obligation d’aller en appel d’offres pour des montants supérieurs à 25 000 $. Les organismes publics n’ont carrément pas le choix. Par contre, il est faux de prétendre que les organisations du réseau de la santé et des services sociaux appliquent à la lettre ces beaux principes. Vous n’avez qu’à faire le tour de la province et vous n’aurez d’autre choix que de me donner raison. D’ailleurs, le Vérificateur Général du Québec a fait le même constat. Mais est-ce par un manque d’éthique des personnes attitrées à ces tâches ou même des organisations ? Loin de là. Je crois sincèrement que toutes ces transactions ont été effectuées scrupuleusement avec le plus de rigueur, d’intégrité et de transparence possibles.

Ce qui provoque beaucoup plus les médias est le manque de transparence ou pis encore, la perception de conflits d’intérêt. Cette particularité est probablement celle qui soulève le plus d’interrogations. Comment définit-on un conflit d’intérêt ? En quelques mots, c’est une situation dans laquelle une personne, en l’occurrence un employé de l’État, doit accomplir une fonction, un acte ou une transaction où ses intérêts personnels seraient en contradiction avec les intérêts de son administration, provoquant ainsi un manque d’impartialité de sa part.

 

Tel que préconisé par le règlement sur l’éthique et la discipline dans la fonction publique de la loi sur la fonction publique (L.R.Q., c. F-3.1.1), le fonctionnaire doit éviter de se placer dans une situation où il y a conflit entre son intérêt personnel et les devoirs de ses fonctions.

 

Donc, est-ce normal de voir des ententes de gré à gré octroyées par certains organismes publics comme le réseau de la santé et des services sociaux, par exemple ? Encore une fois, oui ! Mais à la condition qu’elles ont été attribuées de bonne foi, sans ingérence de la part des soumissionnaires, que la transparence et l’intégrité du processus n’ont pas été entachées de tentative de corruption, d’intimidation ou de trafic d’influence, tel que décrit dans la politique de gestion contractuelle entrée en vigueur le 20 octobre 2009. D’ailleurs, la loi sur les contrats des organismes publics prévoit quelques dérogations concernant l’obligation d’aller en appel d’offres que ce soit dans le cas où cela ne servirait pas l’intérêt public ou tout simplement lorsqu’il s’agit d’un produit protégé par  un brevet. Il n’est donc pas anormal de voir des ententes de gré à gré s’octroyer dans le secteur public.

 

En fin de compte, il est injuste de lapider le gouvernement sur la place publique pour son manque d’éthique et de rigueur. La question qu’on doit se poser est plutôt la suivante : est-ce que les personnes octroyant les contrats ou étant impliquées dans le processus d’octroi ont fait preuve de transparence, d’intégrité et d’impartialité ? Je vous dirais que dans la très grande majorité des cas, je répondrais dans l’affirmative. Le processus d’octroi de contrats dans les organismes publics exige une rigueur exemplaire, des connaissances approfondies des lois nous régissant, une compréhension élargie du marché et demande une créativité pour minimiser les risques reliés à l’octroi des contrats.

 

Tout compte fait lorsqu’on parle de l’éthique au sens large, nous devrions plutôt concentrer nos efforts à prévenir l’éventualité qu’un conflit d’intérêts survienne. De cette façon, nous minimiserions les conséquences malheureuses d’un soi-disant manque d’éthique. Cependant, si le conflit d’intérêts n’est pas résolu, on se retrouve dans une situation où l’éthique risque fort d’être malmenée.

 

Mais il faut réaliser que l’absence de risque n’existe pas. Le jour que la distinction entre l’éthique et le conflit d’intérêts sera clairement comprise par l’ensemble des joueurs, l’État ne s’en portera que mieux.

 

Une petite parenthèse en passant. Les compagnies du secteur privé se targuent de faire partie d’associations communes qui mettent en valeur des conduites acceptables entre les professionnels de la santé et les représentants des compagnies. L’association Medical Device in Canada (MEDEC) en est un bon exemple. Certains membres se vantent même d’être très intègres dans leurs relations avec les professionnels alors qu’elles sont les premières à couvrir les frais d’inscription de ces dites personnes à de quelconques congrès. Ne trouvez-vous pas que cela laisse un goût amer ?

Commentaires

  • Je vous trouve particulièrement indulgent envers les gestionnaires publics lorsque vous affirmez que ceux qui ne respectent pas à la lettre la Loi sur les contrats des organismes publics (L.R.Q., chapitre C-65.1) ne font pas preuve d’un manque d’éthique. Du moins, il y a une certaine ambigüité lorsque vous dîtes que lorsque ça se produit « les personnes impliquées font preuve de transparence, d’intégrité et d’impartialité. » Il n’est pas clair si cette « bonne volonté » s’exerce dans le cadre permis pas la loi (dérogations) ou à l’extérieur.

    Comme vous dîtes, la Loi sur les contrats d’organismes publics (articles 13, 27, 28, 35, 37) prévoit des dérogations permettant à un organisme (ou ministère) de se soustraire aux dispositions de celles-ci. Alors, oui, lorsque qu’un gestionnaire se prévoit de l’une des ces dispenses, nous pouvons suggérer qu’il le fait avec transparence, intégrité et impartialité. Encore fait-il qu’il soit en mesure de justifier clairement sa décision de le faire. Par contre, si le gestionnaire ne respecte pas la les dispositions de la Loi et qu’il ne peut invoquer une dérogation permise par celle-ci pour justifier sa décision de ne pas aller en appel d’offres pour attribuer un ou des contrats, par exemple, il ne fait aucun doute à mon avis qu’il y a un manque d’éthique. On ne peut prétendre dans un tel cas que cette personne a fait son travail « scrupuleusement avec le plus de rigueur, d’intégrité et de transparence possible. » Un tel manque d’éthique, même s’il n’est pas motivé par les gains personnels du gestionnaire, provoquera une perception de conflit d’intérêts au sein de la population. Cette perception sera autant dommageable pour l’administration publique qu’un conflit d’intérêts clairement démontré et prouvé. En fait, ce n’est-ce pas une des motivations principales du législateur en adoptant une loi semblable, d’éviter cela?

    Pour ce qui est d’un conflit d’intérêts qui est révélé au grand jour et lorsqu’il est clairement démontré que le gestionnaire en était conscient, ou encore pire, qu’il en tirait profit, il n’y a pas de débat à avoir pour déterminer s’il a fait preuve d’éthique ou non. Poser la question, c’est y répondre.

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