De Tchernobyl à Sept-Îles
La semaine dernière, une vingtaine de médecins du Centre de Santé et de Services Sociaux de Sept-Îles ont fait parvenir une lettre au ministre de la Santé Yves Bolduc pour exprimer leur profond désaccord vis-à-vis la décision du gouvernement de permettre l’exploration uranifère à la compagnie Terra Venture à 20 km de la ville. Ceux-ci ont même menacé de démissionner en masse si le gouvernement Charest n’imposait pas un moratoire sur cette pratique car, prétendent-ils, l’exploration pour ce minerai serait nuisible à la santé de la population de cette région.
En usant de leur crédibilité en matière de santé et en faisant du chantage professionnel dans une région qui peine à attirer les médecins, ceux-ci ont réussi à mettre au grand jour la problématique de l’exploration, voire de l’exploitation uranifère au Québec. Or, le débat semble avoir dévié de sa trajectoire initiale pour devenir un procès en règle de l’uranium. Ne serait-il pas plus important de revenir à l’essence même du problème et de se questionner sur les conséquences néfastes que peut avoir l’exploration uranifère sur la santé de la population?
A priori, il semble que le débat concernant l’exploration uranifère ait été pris en otage par deux grands schèmes de pensées, à savoir l’opposition totale au nucléaire et le laisser-faire proposé par les grandes compagnies minières. Chez les élus, on n’ose pas prendre position publiquement sur cet épineux sujet. Le maire de Sept-Îles, conscient des retombées positives de l’activité minière sur l’économie de la région (après tout, Sept-Îles à vu le jour suite à l’exploitation du fer) n’a pas participé à la manifestation des opposants. De son côté, le gouvernement Charest a tenté de calmer le jeu et s’est vu dans l’obligation de proposer des modifications à la Loi sur les mines du Québec. Plus précisément, les conférences régionales des élus et les MRC pourront désormais demander de soustraire des parcelles de leur territoire de l'activité minière. Les entreprises d'exploration minière qui ne restaurent pas leurs sites se verraient également imposer des pénalités beaucoup plus sévères. Hélas, ces modifications prévues à la loi ne s’appliqueront seulement qu’aux nouveaux permis octroyés, ce qui n’a donc aucune répercussion sur le travail actuel de Terra Venture sur la Côte-Nord… Dans la même foulée, le Dr. Alain Poirier, directeur national de la Santé Publique, a également promis aux médecins de mettre sur pied un comité spécial pour étudier les risques de l’exploration uranifère sur la santé.
Au lieu de se déchirer sur la place publique, il serait peut-être intéressant pour les décideurs québécois et les différentes parties prenantes de se pencher conjointement sur les méthodes d’exploration actuellement en vigueur ailleurs dans le monde et sur les répercussions que ces méthodes peuvent avoir sur la santé des populations locales. Il est important de rappeler que les deux plus grands producteurs mondiaux d’uranium, à savoir la Saskatchewan et l’Australie, possèdent des lois très strictes concernant la Santé Publique. On ne parle pas ici d’anciennes républiques soviétiques… ni même de Tchernobyl. Leur exemple pourrait donc être instructif.
A court terme, il serait vraisemblablement raisonnable pour le gouvernement de décréter immédiatement un moratoire sur l’exploration de l’uranium, même s’il en coûte de dédommager les compagnies minières en attendant le verdict de ce comité spécial. Il est primordial que le débat redevienne rationnel et réussisse à évacuer les arguments fondés sur la peur tout en respectant la volonté de la population. Cette source d’uranium, si elle est confirmée et surtout d’assez bonne qualité, pourrait s’avérer être une des plus grandes richesses du Québec.
Toutefois, le message actuel est clair : une grande partie de la population de Sept-Îles, habituellement réceptive aux projets miniers, ne veut rien savoir de l’uranium. Et dans toute démocratie, c’est la population qui a généralement le dernier mot. Sauf que la circonscription de Duplessis est représentée par le PQ depuis 1976 et cet argument ne sera sûrement pas très convaincant pour le gouvernement Charest…
Par Martin Carrier
(Cours du lundi soir)
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