Intra no 1 par Patrice Savoie
N.B que les notions publiées dans ce blogue s’inspirent des ouvrages indiqués à la fin.
A) Contrairement au secteur privé où tout est permis sauf ce qui est défendu, on ne peut tout permettre à l’administration publique
Les courants de pensées néolibérales voudraient voir intégrer des recettes de la gestion du secteur privé au secteur public, on voudrait surtout voir la diminution des contraintes légales et la réduction des normes imposées. À la lumière de quelques principes fondamentaux et enjeux associés à l’État de droit, est-il possible d’appliquer la logique de gestion du secteur privé à celle qui relève de l’administration publique?
Dans une démocratie, les administrations publiques mettent en œuvre les décisions des autorités, elles sont au service du bien public, lequel est reconnu comme l’intérêt général. L’objectif du secteur public est de satisfaire équitablement l’intérêt général au moyen d’une redistribution minimale des ressources et des richesses sans référence à la capacité de payer de celui qui reçoit le service. Afin d’éviter le népotisme, le favoritisme ou l’arbitraire, certaines règles héritées du passé déterminent l’organisation des institutions, c’est pourquoi tous les gestes de l’État doivent recevoir l’appui de la législature et faire l’objet d’une reddition de compte. Pour y parvenir, chaque loi est rattachée à un ministère, auquel un ministre doit y répondre.
Les responsabilités de l’État sont inscrites dans des textes législatifs, elles doivent trouver leur source ou leur racine dans la Constitution canadienne ou dans la Charte des droits et libertés de la personne. De nombreux groupes d’intérêt interagissent afin d’influencer ce qui va être produit. La décision de ce qui va être produit et comment est politiquement prise cette décision se fait en réaction aux diverses pressions des groupes d’intérêt ou de l’opinion publique. Les décisions d’aujourd’hui auront des impacts sur les générations futures. Les gestionnaires du secteur public ont comme clients, des citoyens, des politiciens et des groupes de pression, beaucoup de normes et de directives lient les gestionnaires du secteur public, lesquels sont soumis à de nombreuses contraintes légales.
Le secteur public fonctionne selon une logique et des contraintes qui diffèrent du secteur privé. Les lois du marché n’opèrent pas de la même façon, la finalité des biens et services produits et leur quantité sont différents, la composition de l’environnement et l’influence de ses membres sont entremêlées, les objectifs et les modes de production sont plus encadrés. Le secteur public opère dans un contexte de haute visibilité, d’imputabilité et de reddition de compte envers la société et les parties prenantes, lesquelles désirent des politiques publiques différentes ou clairement opposées. Le secteur public est plus complexe que le secteur privé, mais cette complexité est nécessaire pour assurer le bien public, l’équité, l’ordre, la stabilité et le droit à tous et c’est ce qui en fait sa particularité comme domaine d’intervention. Contrairement au privée, ou tout peut-être fait sauf ce qui n’est pas légal, au public rien ne peut-être fait sauf ce qui a été voté.
B) L’administration publique : Un lieu de pratique artistique de l’administration publique… sous observation
L’administration publique pour assurer son fonctionnement s’appuie sur de nombreux fondements, principes et pratiques administratives spécifiques à la gestion du secteur public. Ceux-ci ne sont pas par le fruit d’une improvisation, mais le résultat de connaissances et d’expériences acquises du passé, auquel la science administrative a contribué. Œuvrant dans un univers de haute complexité, les administrateurs élus et nommés doivent adapter leurs pratiques et faire preuve de discernement dans la gestion de ce qui relève de l’État, le bien public.
D’une part, l’administration publique est considérée par plusieurs auteurs comme un domaine qui étudiele système bureaucratique des relations d’autorité du pouvoir politique envers la société et les activités des institutions dans la préparation et la mise en application des décisions des autorités politiques.L’administration publique est une science lorsqu’elle tente objectivement de décrire et d’expliquer l’administration publique dans sa pratique à partir de nombreux objets d’analyse tels que le droit administratif, l’histoire, l’économie, la philosophie, la psychologie la sociologie, les théories de l’organisation, le management et la science politique. Mais attention, celles et ceux qui pratiquent cette science doivent être objectifs et s’assurer de ne pas mêler les jugements de faits et ceux de valeurs, ils doivent situer l’approche et les disciplines qui leur servent de cadre d’analyse.
D’autre part, l’administration publique peut aussi être considérée comme un art lorsqu’elle traite des méthodes administratives de la pratique de gestion de l’ensemble des structures organisationnelles par les individus chargés de préparer et d’exécuter les décisions du pouvoir politique. Celles et ceux qui œuvrent en administration publique, cherchent alors à combler des carences ou des manques par rapport à des normes ou des standards définis et doivent prescrire les meilleures façons de mettre en œuvre les moyens d’administrer la fonction publique. Ce travail administratif, implique l’ensemble des moyens humains et matériels à la mise en marche des services publics et à l’encadrement des fonctions d’exécution, par l’utilisation optimale des ressources. Les modes de gestion et d’organisation de l’administration publique reposent sur des principes administratifs, des règles et des procédures associés à la machine bureaucratique, dont les moyens sont déterminés par les lois.Sous cet angle l’administration publique fait donc référence aux divers comportements humains dans la gestion des ressources à sa disposition en vue de la production des biens publics.
L’un des éléments majeurs qui caractérise l’administration des organisations publiques, c’est la présence de plusieurs logiques d’action qui cohabitent ensemble ou parfois en opposition dans un même environnement. Le gestionnaire public, qu’il soit politique ou administratif, doit arriver à comprendre chaque logique et doit être capable d’influencer les divers acteurs et les faire cheminer vers un terrain d’entente. Pour maitriser son environnement de travail, le gestionnaire doit envisager dans l’action, toutes les logiques. Cette maîtrise de son environnement demande de faire appel à des qualités personnelles, innées et intuitives, qui se rapprochent de ce qu’on pourrait qualifier de 6ième sens. Savoir, savoir-faire et savoir-être doivent donc tous être au rendez-vous dans l’art de gérer les intérêts de tous au nom du bien public.
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Commentaires
Excellente analyse Patrice! On croirait même que tu as enregistré le prof Trudel :-) !
Et à mon point de vue, avec la maîtrise des 3 "savoirs", l'administrateur public doit réussir à développer une certaine "expertise" dans le "général". Deux contradictions pourtant bien utile pour développer le 6e sens.
Merci !