Résumé du chapitre 10 : Les systèmes de retraite québécois et suédois : approches différentes, résultats similaires
Le vieillissement de la population, le ralentissement économique et les crises financières des dernières années ont été à la source de plusieurs défis pour les décideurs publics. Au Québec et en Suède, l’un de ces défis concerne l’avenir des régimes de retraite. Ces deux pays ont des régimes publics obligatoires qui entrainent des dépenses importantes, mais qui permettent également une forte diminution de la pauvreté chez les personnes âgées. Ces régimes, qui ont à la fois des similitudes et des différences, sont actuellement confrontés à des défis semblables, qui imposent aux autorités en place de devoir prendre des décisions importantes quant à leur avenir.
Survol historique
Le soutien financier pour les personnes à la retraite était modeste avant la Seconde Guerre mondiale, si bien qu’à cette époque, au Québec et en Suède, retraite signifiait souvent pauvreté ou dépendance envers l’État, la famille ou les organismes de bienfaisances. Peu de régimes complémentaires étaient offerts par les employeurs et les régimes publics étaient résiduels et offraient une aide de dernier recours aux plus démunis.
Le Canada mit en place en 1927 un programme d’aide, cofinancé avec les provinces, s’adressant aux 70 ans et plus à faible revenu. En Suède, les personnes âgées étaient bénéficiaires de l’aide sociale, si bien que les inégalités sociales croissantes ont accentué les pressions politiques pour trouver une solution. En 1913, le premier système universel de retraite au monde fut adopté par le Parlement suédois. Ce régime n’a finalement eu qu’un impact négligeable, et l’aide sociale demeura la source principale de revenus pour les personnes âgées jusqu’en 1950.
Suite à la crise économique des années 1930 et à la Seconde Guerre mondiale, qui ont durement affectés les systèmes de retraites, le débat pour hausser les revenus des retraités s’est poursuivi. L’introduction en Suède d’une rente universelle en 1950 et de la Sécurité de la vieillesse (SV) s’adressant aux Canadiens de 70 ans et plus ne freina pas les débats politiques envisageant le développement d’une assurance retraite publique obligatoire.
C’est dans un contexte de négociation difficile avec l’employeur pour améliorer les revenus de retraite que le syndicat des cols bleus (LO) suédois proposa la mise sur pied d’un régime public contributif obligatoire. Après un long débat politique entre les divers partis suédois, le projet social-démocrate proposant une version modifiée de la proposition de la LO a été adopté en 1957.
Le régime suédois contributif obligatoire (ATP) fut fondé en 1960, pour tous les Suédois sur le marché du travail. Avant la réforme de 1994-1998, il offrait un taux de remplacement de 55 à 65% et les cotisations étaient de 17,21% du salaire, payées par l’employeur. Grace à la générosité du régime ATP, les régimes complémentaires ont toujours eu une place marginale en Suède.
L’élection de Lester B. Pearson en 1963 mena à un projet de loi pour établir un régime contributif obligatoire au Canada, proposition qui fut rejetée par Québec et accueillie froidement en Ontario. Suite à de longues négociations, le Régime des rentes du Québec (RRQ) et le Régime des pensions du Canada (RPC) ont vu le jour. Ces régimes offrent à leurs bénéficiaires 25% du salaire moyen d’une carrière de 40 ans. La mise en place tardive de ces régimes a eu pour effet que les régimes complémentaires occupaient déjà une place importante du taux de remplacement des retraités au Canada.
Répercussions et les réformes
La mission sociale des systèmes de retraite est évaluée selon deux facteurs, soit le taux de pauvreté et le taux de remplacement. Malgré les différences quant au rôle des régimes complémentaires, le Québec et la Suède obtiennent des résultats similaires. Selon des chiffres de 2004, le revenu disponible moyen des Québécois de 65 ans et plus était de 90% du revenu disponible moyen des 18-64 ans, alors que c’était 87% en Suède. Les personnes âgées vivant sous le seuil de la pauvreté, soit moins de 50% du revenu médian des ménages était de 6% au Canada en 2004, comparativement à 37% en 1970. En Suède, le taux de pauvreté chez les personnes âgées est passé de 15% à 8% pour la même période. En ce qui concerne les taux de remplacement, les régimes de retraite au Canada et en Suède sont parmi plus généreux. Le régime public contributif obligatoire offrant un haut taux de remplacement explique la performance suédoise. Sans régime similaire, le Québec et le Canada offrent une bonne performance grâce au programme de la Sécurité de la vieillesse et au Supplément de revenu garanti (SRG), qui garantissent un revenu minimal aux retraités. La maturation du RRQ et du RPC ont également permis de hausser les revenus de retraités, et de diminuer le taux de pauvreté, principalement chez les femmes. Les revenus provenant des régimes complémentaires privés ont également joués un rôle important au Québec.
Dans les années 1990, avec le déclin de la croissance économique et la hausse de l’espérance de vie, les régimes de retraites ont dû faire face à des déficits actuariels importants. Alors que la Suède a choisi une réforme en profondeur, le Québec et le Canada ont plutôt choisi des réformes paramétriques.
Le système de retraite suédois
En Suède, un rapport actuariel de 1987 de l’agence responsable des retraites a démontré la nécessité de réformer l’ATP. La coalition de droite au pouvoir a constitué en 1991 un comité de fonctionnaire et de parlementaire. Ce comité est arrivé à un compromis 18 mois plus tard et les balises du nouveau régime ont été adoptées par la législation en 1994. L’élection des sociaux-démocrates a mené à des difficultés pour adopter la réforme. La création d’une cotisation de l’employé et la diminution de la cotisation de l’employeur étaient des sources de difficulté, mais la forte cohésion au sein des comités sur les retraites a mené à son adoption finale en 1998.
Les faits saillants du nouveau régime suédois de 1998
- Il est obligatoire et offre une couverture universelle.
- Il utilise le principe des gains à vie sur la base des cotisations effectuées tout au long de la carrière pour calculer la valeur de la rente, incluant l’assurance chômage et autres prestations ou indemnité sociale
- Le service militaire et les arrêts de travail pour élever des enfants (maximum 4 ans par enfant) donnent des droits pour la rente.
- Âge de retraite flexible, sur une base neutre du point de vue actuariel (sans conséquence sur le régime).
- Une pension minimale garantie remplace la rente de base, comportant un test de revenu sur les montants accumulés dans le compte « notionnel », excluant les revenus des régimes complémentaires ou privés. Le citoyen doit avoir résidé 40 ans en Suède pour en bénéficier.
- Taux de cotisation de 18,5%, dont 2,5% peuvent être redirigés vers un compte individuel d’épargne retraite. Si aucune sélection n’est faite, ces 2,5% sont investis dans le fond public.
- Création d’un mécanisme automatique d’équilibre, le « frein », qui s’enclenche lorsque les recettes actuelles sont insuffisantes pour fournir aux obligatoires courantes et futures.
- Les cotisations sont indexées à la croissance des revenus.
- Les surplus de l’ancien système sont utilisés pour financer la transition vers le nouveau système.
Source : Encadré 10,1, Social-démocratie 2,0, p.238.
Il n’y a pas d’âge de la retraite en Suède. Les suédois de plus de 61 ans ayant fait 40 ans sur le marché du travail reçoivent à tous les ans un relevé de leur compte de retraite. Il s’agit d’un calcul incluant le solde du compte « notionnel » en fonction de l’espérance de vie qui permet le calcul de la rente. Le « frein » s’active lorsque les obligations excèdent les cotisations et les surplus de cotisation, ce qui devait arriver en 2010, alors qu’une baisse de 3,3% était prévue. Suite à une mobilisation des retraités, les autorités ont revu le fonctionnement de l’indexation pour l’ajuster sur les résultats des 3 dernières années du Fond. Néanmoins, une diminution 2,7% était prévue pour 2014. Des commissions de travail étudient présentement des mesures pour réduire les fluctuations des revenus des retraités qui dépendent actuellement de la volatilité des marchés financiers.
Des changements conformes aux tendances internationales au Québec
Durant les années 1990, de nombreux rapports actuariels au Canada ont démontrés que l’apparition d’engagements non capitalisés pour le RPC. Une hausse des cotisations semblait envisagée par ces rapports.
Nécessitant l’appui du deux tiers des provinces composant plus de 50% de la population, la réforme du RPC est complexe. L’appui de l’Ontario est obligatoire à cause de sa population, tout comme celui du Québec à cause de l’existence d’un accord d’équivalence entre le RRQ et le RPC.
Suite à de nombreuses négociations, l’appui de huit provinces a permis au gouvernement fédéral d’augmenter rapidement les cotisations. Ces augmentations ont permis de sécuriser les besoins financiers du RPC. Cependant, la réalité financière du RRQ étant différente, un nouveau déficit actuariel est apparu et une nouvelle hausse des cotisations a été adoptée par Québec en 2011.
Les réformes québécoises ne changent rien concernant l’importance des régimes complémentaires. 75% des travailleurs du privé n’ont pas accès à un régime offert par l’employeur, alors que 82% des employés du secteur public sont couverts par un régime de retraite. Ces régimes sont cependant souvent sous-financés.
Les changements faits au Québec ont souvent été « accessoire ». Aucune réforme à la suédoise n’y a été adoptée, malgré l’implantation par Québec du régime volontaire d’épargne retraite (RVER) et par Ottawa du compte d’épargne libre d’impôt (CELI), deux mesures volontaires, sans obligation de l’employeur d’y cotiser.
Les conséquences des réformes
Il prendra plusieurs années pour évaluer les impacts des réformes. Cependant, la santé financière des régimes de retraite est grandement influencée par la croissance économique, par la participation des individus au marché du travail, par la démographie et par les marchés boursiers. Les études démontrent cependant que la générosité des régimes de retraite est en baisse au Québec, comme en Suède. Le taux de remplacement brut est passé de 78,9% à 62,1% suite à la réforme de 1998 en Suède. Le RRQ s’assure de garder le même taux de remplacement, en compensant par une hausse des cotisations. L’avenir de la retraite au Québec passe toutefois par une bonification du RRQ ou par une obligation plus ferme pour les employeurs d’offrir un régime complémentaire, puisque les études sur l’adhésion automatique démontrent l’importance d’une contribution de l’employeur et d’incitatifs financiers.
Conclusion
Le Québec et la Suède ont des régimes de retraites différents, mais qui ont été jusqu’ici très efficace pour réduire la pauvreté chez les personnes âgés. Les programmes universels et les régimes publics ont joué un rôle important pour réduire les inégalités dans ces deux législations. Les modifications récentes apportées aux régimes de retraite auront des conséquences sur le niveau de vie des ainés. En Suède, on critique le remplacement de la rente de base par la pension minimale garantie, puisque cette mesure aurait pour effet de marginaliser les pauvres retraités. Au Canada, le report récent de l’âge de la retraite de 65 à 67 ans pour le gouvernement fédéral a pour effet de retarder l’accessibilité de la SV et du SRG. La Suède et le Québec s’exposent donc à une baisse considérable des revenus des retraités au cours des prochaines années, même si les mesures actuellement en place font consensus chez les partis politiques, tant au Québec qu’en Suède.
Par Frédéric Roiné
RÉFÉRENCE
MARIER, Patrik (2014). « Les systèmes de retraite québécois et suédois : approches différentes, résultats similaires », dans Stéphane Paquin et Pier-Luc Lévesque, Social-démocratie 2.0 : le Québec comparé aux pays scandinaves, Presses de l’Université de Montréal, Chapitre 10.
Commentaires
Un bon résumé d'un chapitre de ce bouquin qui devient un repère pour ceux qui veulent faire l'État autrement !