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PARVULOS RECREANDO SALVAT

Il y a plus de cent ans, aux abords du fleuve St-Laurent,  l’abbé Adélard Desrosiers fondait la Colonie de vacances des Grèves.  Cette première colonie de vacances francophone en Amérique s’était dotée d’une devise, en latin, forte et révélatrice: « PARVULOS RECREANDO SALVAT » ou encore, « C’est en les recréant que l’on sauve les enfants »1 .  

 

La Colonie des Grèves est un cas intéressant puisqu’il nous rappelle une certaine époque où les plus démunis des grandes villes devaient s’expatrier « en campagne » pour se recréer.  Qu’est-ce qu’ils y retrouvaient finalement?  Une plage fluviale, une sablière, des grands espaces de verdure et une pinède.  Des dizaines et des dizaines de milliers de « petits colons » se sont finalement recréés à la Colonie des Grèves étant donné le « produit brut » qui s’y retrouvait : le plein air. 

 

Une question de valeurs et de jugement

Depuis la période industrielle et ses impacts sur l’urbanisation, les municipalités ont investi et investissent encore beaucoup d’argent afin d’adapter les parcs et les espaces verts aux différentes réalités de leurs quartiers.  Par l’intermédiaire de ces lieux publics, ils tentent de reproduire l’« arcadie » : une sorte de société idéale vivant dans la paix et le bonheur.  Ce n’est pas fou puisque dans les faits, l’arcadie, c’est presque le paradis, mais avec du vrai monde!

 

C’est probablement pour cette raison que de plus en plus de municipalités s’impliquent dans la gestion de leurs espaces verts, par l’intermédiaire de leurs services de loisir municipal 2.  Le « comportement citoyen » associé à l’usage des parcs et espaces verts est une expertise dont ces administrateurs publics saisissent et reconnaissent les retombées.  Le décodage entre les besoins, les services publics et les aménagements est une compétence non négligeable considérant la complexité des usages et le comportement de leurs usagers.  

 

Il faut se rappeler que ce « comportement citoyen » est basé sur des valeurs typiques aux adeptes de plein air.  Des valeurs généralement reconnues par une marque de respect et de civilité envers les autres.  Il suffit d’observer des travailleurs qui marchent sur le trottoir d’un centre-ville bétonné versus des marcheurs qui se croisent sur le sentier d’un parc linéaire. Le constat est directement proportionnel.  Plus la nature est présente, plus les valeurs humaines s’expriment.  Que ce soit par la marche, le ski de fond, le kayak, la motoneige ou en VR, les adeptes de plein air se reconnaissent mutuellement et s’avouent, sans le savoir, adeptes de l’arcadie.  La « salutation » spontanée en est d’ailleurs leur distinction.  

 

Les administrateurs publics du milieu municipal doivent rester alertes quant à la cohabitation et à la mixité des usages.  Au-delà de leur beauté esthétique et de leur qualité technique, les aménagements urbains, les sentiers polyvalents, les parcs et espaces verts doivent offrir ces opportunités de recréation dans l’objectif ultime de répondre favorablement aux besoins de la population.  Et l’une des principales difficultés identifiées en administration publique est justement, « l’identification des besoins ».  Un défi important attend donc les administrateurs de la fonction publique, l’obtention de sources fiables 3.

 

Ainsi, faut-il le rappeler, l’administration publique est une science ET un art !  Dans le domaine public, les administrateurs doivent travailler avec des valeurs, ce qui nécessite l’utilisation de leur jugement.  Par conséquent, les politiques d’intervention, les plans d’action ou, dans le cas actuel, les plans directeurs de parcs actualisés régulièrement avec la population deviennent des outils de travail essentiels sur les bureaux des administrateurs publics.  À l’intérieur d’un état de droit, l’administration publique doit être neutre, compétente et suffisamment à l’écoute pour répondre favorablement aux besoins.

 

Travailler dans la complexité, axée sur les résultats

Le plein air est donc bien présent en administration publique puisqu’il encourage la pratique libre et l’expérimentation.  Mais pour en assurer un développement harmonieux, les administrateurs doivent faire face à une série de structures qui le fragmentent.  La dépendance aux différents ministères en fait la preuve :

 

  •  Vous faites du VTT?  Adressez-vous au ministère des Transports;
  •  Vous chassez?  Adressez-vous au ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs;
  •  Vous faites de la raquette? Adressez-vous au ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport ;
  •  Vous faites de la navigation récréative? Adressez-vous au ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre le changement climatique ;
  •  Vous faites du bénévolat au sein d’un club d’ornithologie?  Adressez-vous au ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale.

 

Avouons-le, cela ne facilite pas les choses… Le plein air nous rappelle que les administrateurs publics ne peuvent travailler à l’intérieur de ces « chapelles » d’exclusivité.  Avec la présence de tous ces ministères et l’importante capacité d’influence que représentent les organismes centraux au sein de la gouverne québécoise, les administrateurs publics dans le domaine du plein air, doivent non seulement être conscient de leur interdépendance ministérielle, mais en plus, ils doivent davantage considérer une administration axée sur les résultats plutôt que sur les moyens pour y arriver, considérant que l’offre de plein air s’adapte généralement mieux dans une approche décentralisée 4.

 

Enfin, l’administration publique à un rôle important dans le plein air puisqu’il permet aussi d’échapper à un danger.  L’activité de plein air procure l’endorphine, une hormone inhibant la douleur et produisant l’état de bien-être 5.  Par conséquent, elle procure le plaisir.  Ce fameux plaisir tant recherché et malheureusement souvent galvaudé par tous ceux qui en tirent des avantages pécuniaires.  Il faut donc porter une attention particulière dans les « valeurs de vente » que sont le plaisir et le loisir de plein air.  Le plaisir, n’est-il pas la faculté qu’a le cerveau de trouver l’équilibre ?  Le loisir, porteur de recréation, devient donc un aliment équilibré qui nourrit le cerveau.  Il est un service essentiel, pas un luxe mercantile dont certains services publics, à soif de revenus, ont parfois l’envie de profiter puisque le « marché » le demande.  Ainsi, il faut dire oui à « l’économie de marché », mais attention à la « société de marché ».  Il en va de la solidarité sociale et d’un juste partage des ressources.

 

Finalement, cette devise centenaire « PARVULOS RECREANDO SALVAT » reste toujours aussi vraie.  Si on l’adaptait aux réalités actuelles, elle pourrait se traduire ainsi: « Le plein air sauve la jeunesse » !

 

PAR BENOÎT SIMARD, RÉCRÉOLOGUE (Blogue #1)

 

1 Société d’histoire du haut St-Laurent et Colonie des Grèves (2012). Les Grèves, 100 ans de plaisir et de loisir 1912-2012, Contrecœur (Québec).

2 Thibault, A. (2012). Ville plein air, ville bitume : le plein air fait-il le pont et le poids ?, AGORA FORUM, Vol. 35 No 1, p. 24-29.

3 Tremblay, P.P. (1997).  L’État administrateur, modes et émergences, Ste-Foy : Presses de l’Université du Québec p. 3-22

4 Michaud N. et coll. (2011) Secrets d’États?, chapitre 16, page 361-379

5 Blanchet C. (2009) Activité physique au mitan de la vie un effet sous-estimé?, Le Médecin du Québec, Vol. 44, No 12 p. 47-52

 

Commentaires

  • Voilà une super sujet à réflexion cher Benoit. Man sana in corpore sano...!!!

  • Mon latin est plutôt loin... Mais j'en déduit "un esprit sain dans un corps sain !"
    Merci pour votre commentaire.

  • Wow! Benoit, très bon texte. Je perds le latin que je n'ai jamais eu! En lisant les premières lignes de ton texte, je trouvais justement dommage que les montréalais n'aient pas accès plus facilement au fleuve et à ses berges... Pour le plaisir, mais aussi pour le potentiel économique qui s'y trouve!

  • Merci Brigitte! T'as tout à fait raison.
    Il s'agit là d'un enjeux essentiel pour le juste partage des ressources. D'ailleurs, la Colonie des Grèves avait été fondée en 1912 pour faire sortir les jeunes montréalais... ils y venaient par bateau et par train... Ils les appelaient les "petits colons" haha!
    Aujourd'hui, la colonie existe toujours et elle est intégrée à l'intérieur d'une coopérative nommée le Parc Régional des Grèves, justement dans le but de rendre ce lieu exceptionnel accessible à la population de la rive sud.
    Merci pour tes commentaires!

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