Réforme du régime de retraite des députés provinciaux
Dans Le Devoir du 1er octobre dernier, on pouvait lire un article titré : « L’Assemblée nationale ne devrait pas échapper au grand ménage libéral » signé Jocelyne Richer de La Presse canadienne. Si le lecteur n’a lu que le titre sans lire le reste du texte, il a dû être rassuré de voir que nos élus se sentent la responsabilité de participer à l’effort d’austérité. S’il a lu l’article, il s’est rendu compte que l’effort n’équivaut peut-être pas à celui des contribuables et encore moins celui des fonctionnaires municipaux. S’il est bien renseigné sur le dossier, il s’est peut-être même dit que ce titre faisait partie des tactiques de communications des élus provinciaux pour faire endosser le projet de loi 3 aux contribuables de la province.
En effet, le whip du gouvernement, Stéphane Billette, a annoncé le 1er octobre dernier avoir écrit au Bureau de l’Assemblée nationale (BAN) pour lui demander de réviser le régime de retraite des députés du gouvernement du Québec.
On sortira donc d’une tablette le rapport d’un groupe de travail mené par la juge à la retraite Claire L’heureux Dubé, rendu public l’an dernier, qui suggérait de réformer le régime de retraite des députés, mais aussi de rendre plus transparente leur rémunération. C’est une des options qui seront étudiées par le BAN, peut-on lire dans l’article. Alors que les députés cotisent présentement à 21 % de leur régime de retraite, le rapport suggère que le taux soit augmenté à 41%. Un député ayant eu une longue carrière politique peut présentement toucher une pension de 100 % de son salaire à partir de 60 ans à son départ de politique, on recommande de réduire ce taux à 70 % au maximum. Des changements au niveau de la rémunération sont aussi suggérés. On suggère de baisser les différentes indemnités qui s’ajoutent au salaire des élus, mais de hausser considérablement ce dernier. Un député pourrait passer d’un salaire de 88 186 $ (plus une allocation de 16 027 $ exempt d’impôts) à 136 010 $, et ce, dans un souci de transparence. On cesserait de verser l’allocation de transition de 100 000 $ aux députés qui quittent en cours de mandat, à moins d’un motif sérieux tel un problème de santé.
Est-ce que l’effort sera équivalant à celui demandé aux fonctionnaires municipaux? Le projet de loi 3 prévoit que les fonctionnaires municipaux contribuent à 50 % de leur régime de retraite, c’est 9 % de plus de ce qui est recommandé pour les députés par le groupe de travail. Alors que les fonctionnaires municipaux risquent d’avoir à rembourser le déficit de leur caisse de retraite à 50 % avec l’employeur, il est intéressant de mentionner que le régime de retraite des députés provinciaux affiche un retard actuariel assez important. Peut-on penser qu’ils devront aussi le rembourser? Finalement, la principale distinction entre les deux réformes vient du fait que c’est le BAN qui a le pouvoir de décider des changements apportés à la rémunération et au régime de retraite des députés et qu’il est composé d’élus de tous les partis politiques. Ces derniers pourront donc décider confortablement de leur avenir, alors que les fonctionnaires municipaux peinent à négocier et craignent de se faire imposer le projet de loi 3, sans possibilité de l’amender.
Malgré cette comparaison, qui semble accablante, il est important de revenir à l’essence même des conditions salariales des députés. Les élus ont un revenu sommes toute assez bas comparativement à ce qu’ils seraient en mesure de recevoir pour le même type de responsabilité dans le secteur privé et ils n’ont aucune sécurité d’emploi. Ils n’ont pas, non plus, droit à l’assurance-emploi lorsqu’ils perdent leurs élections. Il faut aussi tenir compte du fait, que le code d’éthique demande à un ancien ministre d’attendre une certaine période de temps avant de travailler dans le secteur privé dans le domaine d’activité du ministère qu’il a occupé. On peut se féliciter d’avoir un régime de rémunération et de retraite qui permet une certaine sécurité à ces personnalités qui ont accepté de servir comme élus au sein d’un gouvernement et qui assure une certaine indépendance à ces derniers. On peut donc penser que ces avantages servent la démocratie. Dans certains pays moins développés, ce manque de filet pour les élus est une des raisons, pour certains d’entre eux, de s’accrocher au pouvoir au prix du respect de plusieurs règles élémentaires de la démocratie.
Toutefois, même si le budget alloué à la part des salaires et des régimes de retraite des élus est infime par rapport à celle des fonctionnaires et à peu d’impact sur les finances publiques, le message n’en reste pas moins important pour l’opinion publique.
En conclusion, si les deux régimes de retraite ne peuvent être comparés, les efforts que les élus consentiront risquent d’être moins grands que ceux demandés aux fonctionnaires municipaux. Ces derniers se manifestent, parfois maladroitement, pour protéger non plus leurs régimes de retraite dans leur état actuel, mais surtout le respect de conventions collectives négociées de bonne foi. Même si l’on peut saluer l’effort de rendre plus transparent le système de rémunération des élus et leur régime de retraite, on peut déplorer que le Parlement se serve de cet exercice pour faire croire aux contribuables qu’ils consentent au même effort de réduction des dépenses. Il est aussi intéressant de noter que « La Presse » a choisi un titre plus conservateur lors de la publication du même article de Jocelyne Richer la même journée : « Les dépenses et le régime de retraite des députés sous la loupe ».
MA
Commentaires
Bien d'actualité aussi ...cher ??? chère MA
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proftrudel@hotmail.com
Bon blog que j'ai pris plaisir à parcourir.
Dans ce paragraphe «Dans certains pays moins développés, ce manque de filet pour les élus est une des raisons, pour certains d’entre eux, de s’accrocher au pouvoir au prix du respect de plusieurs règles élémentaires de la démocratie.» vous parlez du non respect de plusieurs règles élémentaires de démocratie comme cela se passe très souvent en Afrique?!
Bien que j'ai eu le plaisir de visiter deux fois l'Afrique des pays d'Afrique de l'Ouest, je n'ai pas la prétention de maitriser le système politique en place, même si j'ai une opinion. Ce commentaire vient d'une nouvelle que j'ai entendue il y a plusieurs années sur le prix de la Fondation Mo Ibrahim (http://www.moibrahimfoundation.org/ibrahim-prize/). On y donnait sensiblement le même argument que vous avez cité pour justifier la création de ce prix. Ceci dit, je ne pense pas que ce soit un phénomène uniquement africain et le manque de filet social n'est qu'un aspect parmi tant d'autres qui expliquerait le non respect des règles démocratiques dans plusieurs pays. Toutefois, si elle prends des allures différentes, on a pu constater que même au Québec, nous ne sommes pas à l'abri de la corruption. La commission Charbonneau s'est chargé de nous le rappeler.
Je suis d'avis que les élus devraient en effet montrer l'exemple. Toutefois, si nous souhaitons avoir des personnes compétentes et expérimentées, nous ne pouvons nous permettre de sous-payer nos élus. Par ailleurs, contrairement aux fonctionnaires municipaux qui ont leur permanence après un certain temps, un élu est toujours sur la sellette sans sécurité d'emploi et se retourner à la suite de la perte d'une élection ne semble pas toujours évident. Finalement, après une visite de l'assemblée nationale où j'ai appris le nombre d'heures consacrées par les élus et le peu de reconnaissance de la population, je suis encore plus convaincue qu'ils méritent leur salaires et avantages.