Péage du pont Champlain?
Péage du pont Champlain?
Mise en contexte
L’actuel pont Champlain est un passage vital entre l’île de Montréal et la Rive-Sud et il relève dela responsabilité du fédéral. Son état a amené le gouvernement central à annoncer en 2011 son remplacement et dont la construction se ferait dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP).1 Le principe du PPP impliquerait l’instauration d’un péage.
Le Québec fait donc face actuellement à une grosse problématique concernant la mise en place d’un péage du nouveau pont Champlain imposé par le gouvernement fédéral. Des analyses sur le sujet ont été faites dont l’étude réalisée par Steer Davies Gleave qui a été récemment publiée en partie par Radio-Canada. Elle consiste à identifier quels sont les impacts sur la circulation et mesurer les revenus générés par un tel péage. 2
Dans le cadre de cette étude, un sondage sur 2007 participants rémunérés en provenance de Montréal, les régions de Laval, de la Montérégie et de l’Estrie montre que 56% seraient favorables et 32% contre le projet de péage. Parmi ces participants au sondage, 75% traversent le pont pour les loisirs, le magasinage et 25% pour le travail et les études. Toujours dans ce rapport, le tarif du péage serait de 4,40$ par voiture, près de 15$ par camionnette et près de 20$ par camion, ce qui permet au fédéral d’amasser des revenus de 118 millions de dollars par année. Si péage il y a, un peu moins de 30 000 usagers actuels décideront d’utiliser d’autres ponts, ce qui augmenterait de 15% la fréquentation sur le pont Jacques-Cartier et de 35% sur le pont Victoria2.
Par ailleurs, il a été demandé au directeur parlementaire du budget de faire une étude sur l’estimation des revenus générés par l’imposition d’un péage3. D’après son analyse, le coût estimé par le gouvernement central pour la conception et la construction du nouveau pont est entre 3 et 5 milliards de dollars. Ainsi,afin de couvrir les frais de l’exploitation et d’entretien, le prix du péage devrait être entre 2,60 et 3,90$. Entre 3,4 et 10,6% de la circulation totale sur le pont serait détournée vers d’autres axes routiers qui seront congestionnées, provoquant ainsi un fort déséquilibresur le réseau routierde Montréal.
On serait amené à avoir une réflexion s’il faudrait pour autant, rejeter totalement l’idée d’un péage comme le suggère unanimement l’ensemble de la classe politique et municipale!
Tarification du nouveau pont…?
La question sur la tarification du nouveau pont Champlain reste un sujet politiquement sensible et le gouvernement provincial ainsi que les municipaux, de toutes couleurs politiques confondues, sont pour une fois unanimes quant à cette idée. Selon le rapport de Roger Galipeau sur la tarification des services, de toutes les provinces Canadiennes, le Québec est celle qui fait le moins appel aux revenus tirés de la tarification. 4
L’annonce de l’instauration d’un péage par le gouvernement fédéral, qui va entièrement financer la construction, pourrait être perçue de façon négative par les citoyens québécois, en particulier les Montréalais même si d’après Justin Leroux dans son article sur « La tarification des services publics au Québec : de la théorie à la pratique »5, les citoyens sont de plus en plus ouverts à une discussion sur la tarification des services publics. Cette tarification serait considérée comme une autre forme de taxation supplémentaire par les citoyens. D’où la nécessité de faire une distinction entre les termes tarification et taxation.
Claude Montmarquette, président du groupe de travail sur la tarification des services publics6, parle de tarification quand la personne qui utilise le service est celle qui paie. On évoque ici la notion d’utilisateur-payeur qui ne plait pas à tout le monde. Pour ce qui est de la taxation, cependant, celui qui paie la taxe n’utilise pas forcément les services financés par cette dernière. La tarification est un des moyens de financer les infrastructures, utilisé notamment dans le cadre d’une réduction des dépenses publiques.
On serait amené à penser quelle serait la volonté d’un usager à payer? À mon humble avis, tout dépend de l’importance qu’il va accorder au facteur temps s’il choisit prendre le pont. En effet, si l’individu change d’itinéraires, il risquerait de payer plus chers en temps mais aussi en carburant. Le péage peut aussi être perçu d’une autre manière car si certains automobilistes décident de prendre des voies alternatives, les usagers des autres réseaux routiers, du fait de la congestion, peuvent décider de prendre le pont Champlain qui est payant pour éviter les embouteillages.
Relevant du fédéral, et par souci d’équité vis-à-vis des autres provinces, il semble que le gouvernement soit inflexible à l’idée d’un péage sur le pont Champlain. En effet, tous les nouveaux ponts qui relèvent du fédéral ont un péage au Canada. Cependant, tous les ponts fédéraux relient deux provinces ou servent de liaison internationale, seuls les ponts Champlain, Jacques Cartier et Mercier forment des exceptions car sont des ponts situés dans une province mais déclarés d’utilité nationale par le parlement.7
Conclusion
À mon avis, il y a surtout un manque de communication et de concertation dans ce projet eton fait face à un dialogue de sourd. Il serait important de réfléchir à la manière de financerles infrastructures publiques en concertation avec le fédéral, le provincial ainsi que les élus et tous les acteurs économiques de la région montréalaise. Même si le pont Champlain est sous la responsabilité du gouvernement fédéral, celui-ci se doit néanmoins d’être à l’écoute de toutes les parties prenantes.
De toute évidence, un péage uniquement sur le pont Champlain, pour la liaison île de Montréal avec la Rive Sud, créera un transfert de circulation vers les autres ponts et donc un engorgement supplémentaire sur ces derniers. Afin d’éviter cela, envisager un système de péage sur l’ensemble des points d’entrées de Montréal serait-elle vraiment la solution? Le sujet vient d’être évoqué par le fédéral concernant la tarification des ponts Jacques Cartier et Mercier. Cela relève d’un autre débat encore plus hautement sensible.
… À suivre!
MNR
Références :
1-3 MacDonald, Duncan (2014). « Remplacement du pont Champlain : Établissement des droits de péage », Rapport du Bureau du Directeur Parlementaire du Budget. (En ligne, consultée le 6 octobre) www.pbo-dpb.gc.ca
2 DENIS Marie-Maude. « Péage sur le pont Champlain : les autres ponts paieront en congestion», Ici Radio Canada, 15 septembre 2014 (En ligne, consultée le 22 septembre 2014)
4 Galipeau, R. (Août 2012). « La tarification de services publics : constats et recommandations pour les municipalités du Québec ». (En ligne, consultée le 22 septembre 2014)
http://cirano.qc.ca/pdf/publication/2012RP-19.pdf
5 LEROUX Julien. « La tarification des services publics au Québec : de la théorie à la pratique », Rapport d’étude HEC Montréal. (En ligne, consultée le 22 septembre 2014)http://www.cirpee.org/fileadmin/documents/Vulgarisation_de_la_recherche/Vulgarisation-Justin_Leroux_web-fr.pdf
6 Bibliothèque et Archives nationales du Québec (Mars 2008). « Mieux tarifer pour mieux vivre ensemble », Rapport du Groupe de travail sur la tarification des services publics. (En ligne, consultée le 22 septembre 2014)
http://www.groupes.finances.gouv.qc.ca/GTTSP/RapportFR_GTTSP.pdf
7 CROTEAU Martin. « Péage sur les ponts fédéraux : levée de boucliers contre Ottawa, 30 septembre 2014. (En ligne, consultée le 7 octobre 2014)
CROTEAU Martin. « Pont Champlain : une étude sur le péage gardée secrète », La Presse, 26 juin 2014. (en ligne, consultée le 22 septembre 2014)
DUBUC Alain. « Facile de dire non au péage », La Presse, 19 septembre 2014. (en ligne, consultée le 22 septembre 2014)
MARISSAL Vincent. « Pont, péage et politique ». La Presse, 23 septembre 2014. (en ligne, consultée le 7 octobre 2014)
Institut de Montréal (décembre 2003). « La tarification des services publics : Avantages et inconvénients ». (en ligne, consultée le 22 septembre 2014)
http://www.iedm.org/files/decembre03.pdf
MERCIER, J. (2002). « L’administration publique : de l’École classique au nouveau management public », Québec, Presses de l’Université Laval, Chap.6 p.181-237
Commentaires
L'administration publique ...appliquée...au Pont à péage ??? Des enjeux !!!!
Mais qui MNR... à proftrudel@hotmail ?
Le gouvernement fédéral ne semble pas vouloir s'ouvrir au dialogue sur ce sujet. Le seul avantage des opposants à ce projet demeure les élections canadiennes à venir. C'est le levier qu'ils ont à leur disposition pour faire fléchir le Ministre Lebel. Cet énoncé demeurera d'autant plus vrai tant que la majorité des votes de leur (parti conservateur) sera pas assurée. Pour arriver à les faire reculer, il faudrait faire la démonstration que les opposants sont des partisans. La divergence d'opinion sur le péage de ce point reflète bien la faille qui existe entre ces deux régimes politiques où l'un est issu de l'Alberta où le mouvement d'utilisateur -payeur est bien ancré et celui du Québec où l'on croit encore en l'État-providence.
Votre blogue est très d’actualité et il le demeurera pour plusieurs années! J’ai quelques petites (voir grandes) réserves sur le fait d’instaurer un péage sur le futur pont Champlain, et encore plus sur tous les ponts de Montréal.
La première grande erreur, à mon sens, dans ce débat est la raison utilisée pour instaurer un péage… Nous entendons le gouvernement conservateur dire que le péage servira à financer la nouvelle structure. Il ne s’agit pas d’une nouvelle structure, mais d’une ancienne structure qui doit être changée. L’ajout d’un nouveau pont Champlain n’est pas un « plus » pour la région de Montréal. Aucun gain n’est réalisé en matière de fluidité du transport. Par la suite, les péages sur les ponts a comme objectif de contrôler (voir diminuer) le trafic. Ce n’est pas de payer celui-ci !
Instauré une tarification unique sur le futur pont Champlain serait également économiquement inégal car une personne qui gagne 100 000$ par année payerait le même tarif qu’une personne qui a un salaire de 22 000$ par année.
D’autres moyens peuvent être envisagés afin de diversifier le financement du futur pont Champlain. Pourquoi ne pas réaliser une grande campagne de financement à Montréal et sur la Rive-sud? Et si le gouvernement fédéral n’avait pas accordé les importantes baisses d’impôts ces dernières années, peut-être que ces coffres seraient plus disposés à financer le futur pont.
Sujet très intéressant. Lors de notre déplacement, du lundi 27 octobre 2014, à l’hôtel de ville de Montréal, M.Coderre était très claire sur ce point. En réponse a notre question sur ce même sujet, il a réaffirmé son engagement de ne pas permettre l’instauration d’un péage pour le nouveau pont Champlain. Ila affirmé que ce pont vient en remplacement de l’actuel pont Champlain qui a été mal construit. Son utilité et son importance est vitale pour tout l’est du Canada.
Le débat sur le péage du pont Champlain est intéressant. Il m’amène à réfléchir sur la qualité de nos infrastructures routières en général. Je ne peux m’empêcher de penser aux États-Unis où je voyage régulièrement en voiture. Quelles belles routes!! Des routes qui sont financées par les usagers en grande partie avec une alternative un peu plus longue pour ceux qui ne veulent pas payer. Avec l’état général des routes au Québec on peut se demander pourquoi les péages n’existent plus.
Y a-t-il eu un aussi grand débat lorsque l’autoroute 25 a instauré un péage sur le pont Olivier-Charbonneau qui enjambe la rivière des Prairies entre Montréal et Laval? Il serait donc intéressant de se demander si le pont Champlain était de juridiction provinciale, est-ce que le même débat aurait lieu? On peut se demander s’il ne s’agit pas davantage d’une question de politique qu’une question de financement.
De 1967 à 1990 le pont Champlain était payant. L’abolition de ce péage était une grande erreur selon moi. L’état providence est une chose mais on ne peut s’attendre à avoir tout sans rien donner. Si le péage était demeuré en place le fédéral n’en serait pas à vouloir imposer une tarification aussi élevée pour les usagers.
Pour ma part je pense qu’il est temps de se pencher sur une meilleure façon de financer nos autoroutes et ponts plutôt que de repousser le problème vers les générations futures. Si un parti politique ne trouve rien d’autre pour se faire élire que de nous promettre de ne pas tarifier les routes, c’est sûrement que ce n’est pas un parti qui prône le développement durable par ce qu’avec les nouvelles technologies électroniques on ne peut plus parler d’abolir les péages pour cause de pollution comme en 1990.