Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

La remise en cause de l’Etat de droit au Mexique

Dans la nuit du 26 au 27 septembre dans la ville d’Iguala au Mexique, trois bus qui transportaient des étudiants ont été attaqués par des policiers municipaux et des hommes armés non identifiés. Des vidéos ont ainsi révélées que les étudiants avaient été embarqués par des policiers. 

Ce n’est que le 5 octobre que le procureur de l’Etat de Guerrero annonça que le donneur d’ordre de cette répression n’était autre que le directeur de la sécurité publique d’Iguala, Felipe Florez. En effet, il aurait demandé aux membres des Guerreros Unidos, un cartel de drogue, d’épauler les policiers municipaux. Le chef du cartel aurait ensuite donné l’ordre d’enlever et d’assassiner des jeunes. Depuis, Felipe Florez et le maire de la ville, Jose Luis Albarca sont en fuite (1).   

Il faut dire que les cartels de drogue sont très puissants au Mexique. En effet, le poids de l’économie illégale (trafic de drogue, d’armes, immigration clandestine) y est considérable puisqu’elle représente environ 15% du PIB. Par conséquent, dans un pays économiquement fragile, celle-ci prend d’autant plus de place. Il peut donc être tentant pour la population vivant sous le seuil de pauvreté de prendre les narcotrafiquants comme modèle (2).

De plus, les transitions politiques ont souvent permis aux narcotrafiquants d’infiltrer les pouvoirs locaux. En effet, entre 1929 et 2000 « des règles non écrites permettaient aux narco d’opérer avec l’accord tacite des gouverneurs » (2). Par conséquent, les pouvoirs locaux s’assuraient qu’il n’y ait qu’un cartel par Etat, pas de violence, pas de vente de drogue près des écoles et pas de visibilité sur la place publique. De plus, « une partie des gains devait être investie dans l’économie locale pour favoriser la prospérité économique régionale » (2). Pénétrer les partis politiques permettait donc aux narcotrafiquants d’accéder au pouvoir et de développer leur économie illégale en toute impunité. Par exemple, en 2010, le gouverneur de Tamaulipas avait été pris en photo avec un tueur du cartel du Golfe comme garde du corps. Celui-ci donnait l’ordre aux chefs de police de ne pas arrêter les chargements qui passaient par sa région.

Les forces de l’ordre, par cupidité, sont aussi touchées par la corruption. En effet, leur bas salaire (environ 434 $ par mois pour un policier municipal et 944 $ pour un policier fédéral) les incite à se tourner vers l’économie illégale. Par exemple, en juillet 2010, le responsable de la coopération policière internationale de Basse-Californie a été arrêté aux États-Unis pour collusion avec le cartel de Tijuana (2).

Cependant, avec l’arrivée du pluralisme politique dans les années 80 on a assisté à une escalade de la violence entre personnalités politiques et narcotrafiquants. En effet, puisque les responsables politiques appartenaient à des partis différents, les narcotrafiquants ne pouvaient plus obtenir une garantie d’impunité complète. Par conséquent, « quand un criminel ne peut corrompre un politique, il le tue ». On a donc assisté au développement de négociations entre les personnalités politiques et les narco trafiquants (2).

On peut donc se demander quel est le rôle de la justice au Mexique, si les narcotrafiquants agissent en toute impunité. Selon un rapport de Gabriela Knaul, publié en 2010, le système juridique mexicain serait en grande mesure soumis aux décisions du pouvoir exécutif.L’article 17 prône toutefois que « les lois fédérales et locales devront établir tous les moyens nécessaires (...) au maintien de l’indépendance des tribunaux » (3).  Or, ce sont les gouverneurs qui nomment les juges et nous avons vu précédemment que les gouverneurs étaient souvent corrompus. Par conséquent, les narcotrafiquants infiltrent les plus hautes structures de l’Etat sans jamais être mis en danger (3).

Les peines peuvent être lourdes pour un narcotrafiquant. Toutefois, la probabilité que celui-ci soit puni reste faible. En effet, au Mexique, « seul 4 malfaiteurs sur 100 sont punis, [soit] 4 % » (3).

            « En raison de la corruption, les cadres dirigeants, les chefs d'entreprise et les fonctionnaires coupables de malversations ou de fraude se trouvent donc moins exposés au châtiment judiciaire que le mexicain normal » (3).

Le Mexique possède donc une justice discriminatoire puisque celle-ci n’est pas indépendante. La puissance publique n’est ainsi pas soumise aux règles de droit puisque les pouvoirs exécutifs et judiciaires ne sont pas séparés. Or, l’indépendance du pouvoir judiciaire par rapport aux pouvoirs exécutif et législatif fonde l’Etat de droit (4). En effet, dans le système mexicain, les personnes physiques ou morales ne sont pas égales devant la loi. De même, on constate que les gouvernants ne sont pas responsables de leurs actes et décisions puisque par exemple, les gouverneurs corrompus ne comparaissent pas devant la justice mexicaine. L’intérêt public est ainsi bafoué par la corruption et le manque de services publics à la population qui ne se sent pas en sécurité.

 

 

Audrey AURET

 

 

Sources :

 

1)    SALIBA, Frédérique (page consultée le 7 octobre 2014), Au Mexique, l'armée investit Iguala, où ont disparu les 43 étudiants, [en ligne], http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2014/10/07/mexique-l-etat-prend-le-controle-de-la-ville-ou-les-43-etudiants-ont-disparu_4501505_3222.html

 

2)     KENNY, Samuel (page consultée le 7 octobre 2014), Mexique : en guerre contre les narcotrafiquants, [en ligne], http://www.alternatives-economiques.fr.rproxy.univ-pau.fr/mexique-en-guerre-contre-les-narcot_fr_art_947_50335.html

 

3)      MIEL, Nina et SAMBA, Sabrina (page consultée le 9 octobre 2014), Droit et corruption aux États-Unis du Mexique, [en ligne], http://justitia.e-monsite.com/blog/droits-etrangers/droit-et-corruption-aux-etats-unis-du-mexique.html

 

4)     LA TOUPIE (page consultée le 9 octobre 2014), Définition d’Etat de droit, [en ligne], http://www.toupie.org/Dictionnaire/Etat_droit.htm

Commentaires

  • Merci de porter haut et fort ce que vivent la plupart de pays africains. Une justice à double vitesse à travers laquelle le filet laisse passer les gros poissons et arrête les plus petits. Dommage pour le malheureux peuple qui est toujours le porteur des douloureuses conséquences

  • Bien d'actualité pour les États de droit Audrey.
    Des enjeux fondamentaux ...
    prof

  • Jolie métaphore du système politique mexicain. Le pire, c'est que la corruption mexicaine est devenue modèle pour d'autres pays, soit-dits développés. Voir la France, l'Allemagne, les Étas-Unis, etcétera. Le Mexique un pays échoué, qui terminera par être absorbé par les Étas-Unis ...

Les commentaires sont fermés.