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Financement controversé d’une cimenterie à Port Daniel, loin des tendances actuelles d’énergie renouvelable.

Lors de son passage au sommet de l’ONU à New York en septembre dernier, le premier ministre Philippe Couillard a dût répondre au questionnement soulevé par rapport à la décision de son gouvernement de financer la mégacimenterie de Port Daniel (ciment McInnis), en Gaspésie. En effet, l’endroit était bien choisi pour aborder le sujet de cette industrie d’envergure allant à l’encontre des politiques environnementales modernes. Le ministre Couillard a alors réitéré tel que son prédécesseur, madame Marois, qu’il y aura une création importante d’emploi en Gaspésie. Ce qui m’amène à remettre en doute le prix à payer pour cette création d’emploi, le moyen pris pour l’atteindre et s’il s’agit vraiment du seul argument qui justifie une telle décision.

 

C’est au printemps 1995 que Cimbec Canada à déposer le projet et ce avant que la nouvelle loi obligeant l’étude des grands projets industriels par le Bureau d’audiences publiques en environnement (BAPE) soit en vigueur. Il s’agissait alors d’un avantage certains pour ce promoteur de ne pas passer par l’évaluation du BAPE qui comportait la tenue d’audience publique, ce qui aurait pu ternir l’image de la future cimenterie. Un premier geste qui à mon avis aurait dût être pris en compte par le gouvernement et mis au fait du grand public afin de pouvoir prévenir ce qui allait être un projet controversé.

 

D’autant plus, qu’il était important qu’une vérification soit faite car l’usine sera alimenté par le coke de pétrole qui est connu plus polluant que le charbon. En effet, selon Greenpeace Canada, le coke de pétrole émet de 5 à 10% de CO2 de plus que le charbon, le CO2 étant considéré comme un gaz à effet de serre non-négligeable. De plus, en 2012, le projet a doublé de taille allant vers une production de 2,2 millions de tonnes par an qui ira principalement vers les États-Unis par bateau.

 

Du point de vue de l’administration publique, il est très intéressant mais également troublant de voir ce qui a motivé le financement de 350 millions de dollars de cet entreprise par le gouvernement Marois. Ceci sans avoir pris le temps de vérifier l’impact de cette nouvelle cimenterie sur les 4 autres présentes au Québec. L’enjeu du Parti Québécois de conserver la circonscription de Bonaventure, celle où se trouve Port Daniel, a été soulevé afin d’expliquer le désire du gouvernement de mettre de l’avant ce projet sans l’accord de tous ses ministres. Elle a atteint cet objectif aux élections d’Avril dernier, le PQ a en effet réussi à garder son député dans ce secteur. Il est également particulier de constater que le gouvernement était, en fait, divisé sur cette question. À ce moment, le ministre du développement économique Élaine Zakaib exigeait des preuves que les emplois promis ne sont pas des emplois qui seront perdus ailleurs. Le ministre des finances, Nicolas Marceau, était également en désaccord. C’est le conseil exécutif qui a refusé au final d’obtenir l’étude demandé par sa ministre, malgré cela.

Aux élections qui ont suivi, le parti libéral a maintenu le désir de poursuivre le financement de ce projet. Cependant, une fois élu, le Ministre de l'Économie, de l'Innovation et des Exportations, Jacques Daoust avait au départ  des doutes devant ce projet comme son prédécesseur du gouvernement Marois mais il a vite changé d’idée influencé par le cabinet du ministre. L’ancien ministre péquiste Sylvain Gaudreault maintenant dans l’opposition demandait le 24 septembre dernier, que le gouvernement libéral : « assortisse l’autorisation de la cimenterie McInnis de conditions de reconversion de son énergie au coke à l’énergie renouvelable». Ce qui nous amène à questionner son accord à l’époque du gouvernement Marois face à ce projet.

Tandis qu’en parallèle, le Centre québécois du droit à l’environnement, Environnement Vert-Plus et Lafarge Canada se sont alliés afin d’utiliser les tribunaux pour forcer le gouvernement québécois à passer par les procédures du BAPE et ses lois. L’utilisation des tribunaux demeure, d’après moi, la voie la plus pertinente à utiliser afin de baliser ce projet qui a été mis sur pied en contournant les exigences actuelles environnementales. Lorsque l’on sait que la mise en marche aura lieu au courant de l’été 2016, l’urgence de réagir se fait sentir. Le précédent de l’affaire du port pétrolier à Cacouna, où « un jugement de la Cour supérieure a suspendu l'autorisation émise par le ministère du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques jusqu'au 15 octobre» laisse aussi entrevoir de l’espoir pour l’utilisation des tribunaux afin de questionner les décisions ministérielles passées et exiger des redditions de compte.

Le premier ministre du Québec, de son côté, défend ce projet avec la création d’emplois intéressants pour les Gaspésiens, cependant il y a déjà plus de 4 cimenteries au Québec, il ne s’agissait alors pas d’un marché en pénurie. Pourquoi ne pas avoir opté pour le financement et l’agrandissement d’une de ces usines afin de créer de l’emploi et faire un virage vers une technologie moins polluante? Le ministre maintient surtout que sur le marché du carbone, la réglementation actuelle (crédit de carbone) responsabilise les émetteurs pour innover vers de nouvelles sources d’énergie. L’efficacité de cette responsabilisation est cependant contestable quand on sait que depuis janvier 2013, les entreprises visées ont un plafond de gaz à effet de serre et qu’en 2015, le nombre d’unités allouées sera diminué graduellement d’environ 1-2% par année. Cependant, il demeure toujours la possibilité d’acheter des crédits carbone du gouvernement ou sur le marché du carbone (unités excédentaires des entreprises n’ayant pas atteint leur allocation totale). Ce qui, en effet, influence positivement vers la modernisation et le remplacement des équipements pour diminuer la production de gaz à effets de serre mais c’est un processus à long terme tributaire de la capacité de payer de l’entreprise. Il est alors difficile d’évaluer l’efficacité d’une telle mesure.

Il est donc compréhensible que cette décision de financement ne fasse pas l’unanimité quand on sait que le réchauffement de la planète et la diminution des gaz à effets de serre est un enjeu prioritaire dans la société actuelle. Quand chacun d’entre nous fait des efforts pour diminuer sa consommation de carburant et que ce projet représentera à son fonctionnement en 2016, la mise en marche constante de 500000 voitures. L’image du Québec est également ternie par le fait qu’il y aura une augmentation de la pollution pour encore plusieurs années, si on se base sur la latitude que laisse le crédit au carbone. À quel prix les enjeux politique et financier de l’administration publique doivent être priorisé par rapport aux enjeux environnement et l’avenir des prochaines générations.

JBD

 

Bibliographie :

Règlements refondus :

Règlement sur l'évaluation et l'examen des impacts sur l'environnement, R.R.Q., c. Q-2, r. 23. 2. n.4

 

Sites Web :

 

DE LA CHENELIÈRE, Véronik (consulté le 9 octobre 2014), « Projet de port pétrolier à Cacouna: un danger pour les bélugas », dans Baleine Magazine, [en ligne], http://baleinesendirect.org/blogue/actualites-dici-et-dailleurs/projet-de-port-petrolier-a-cacouna-un-danger-pour-les-belugas/

 

GAGNÉ, Gilles (consulté le 1 octobre 2014), « Cimenterie à Port-Daniel: les travaux s'accélèrent malgré la grogne », dans LAPRESSE.ca, [en ligne], http://www.lapresse.ca/le-soleil/affaires/les-regions/201408/09/01-4790618-cimenterie-a-port-daniel-les-travaux-saccelerent-malgre-la-grogne.php

 

LESSARD, Denis (consulté le 1 octobre 2014), « Port-Daniel: le gouvernement Marois était profondément divisé » dans LAPRESSE.ca, [en ligne], http://www.lapresse.ca/environnement/economie/201409/25/01-4803382-port-daniel-le-gouvernement-marois-etait-profondement-divise.php

 

LATREILLE, Christian (consulté le 6 octobre 2014), « Sommet sur le climat : Couillard rattrapé par la cimenterie de Port-Daniel », dans ici radiocanada.ca, [en ligne], http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/Politique/2014/09/22/002-couillard-new-york-sommet-climat.shtml

 

BONIN, Patrick (consulté le 6 octobre 2014), « Cimenterie en Gaspésie : un mauvais projet dopé au coke de pétrole », dans Greenpeace Canada, [en ligne], http://www.greenpeace.org/canada/fr/Blog/cimenterie-en-gaspsie-un-mauvais-projet-dop-a/blog/48108/

 

BONIN, Patrick (consulté le 6 octobre 2014), « Petcoke : véritable poison issu des sables bitumineux », dans Greenpeace Canada, [en ligne], http://www.greenpeace.org/canada/fr/Blog/petcoke-inquitante-drogue-issue-des-sables-bi/blog/45346/

 

 

Commentaires

  • Environnement et économie... avec les impacts sur l'économie régionale !!! À lire...

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