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Les CPE, c'est pas cher payé!

 

 Le 7 avril 2014, les électeurs québécois ont élu comme gouvernement majoritaire le Parti Libéral du Québec. Peu de temps après, soit le 4 juin 2014, le budget 2014-2015 fut annoncé par le Ministre des finances, Monsieur Carlos Leitao. Ce budget se veut, comme stipulé sur le site web de Finances Québec, “résolument axé sur la relance de l’économie du Québec et le redressement des finances publiques”1.L’équilibre budgétaire y est au coeur de toutes les préoccupations; le ministère des finances proclame haut et fort, que “ce n’est pas une obsession mais une obligation”2. Or, au cours des dernières semaines, le gouvernement provincial a cumulé les annonces de réformes et coupures dans tous les ministères; certaines n’étaient parfois qu’au stade embryonnaire du processus décisionnel et elles ont dues être modifiées ou tout simplement annulées, en réponse au mécontentement et à l’indignation des citoyens. 

 

 Dans l’actualité, une de ces mesures budgétaires qui a particulièrement retenu l’attention des médias et du peuple québécois est la hausse des frais de garderie. En effet, le gouvernement de Philippe Couillard étudie la possibilité de moduler les tarifs dans les garderies selon les revenus des parents. Une idée surprenante, car elle vient contredire la promesse électorale du chef libéral qui s'était plutôt engagé à indexer les tarifs au coût de la vie. Ainsi, la tarification actuelle, qui est gelée depuis 10 ans, passera de 7$ à 7,30$, à partir du 1er octobre, soit une hausse de 4,3%, comparativement à l’indexation du coût de la vie qui est évaluée à environ 2% par année. Ensuite, en septembre 2015, on prévoit ajuster le tarif à 7,55$ par jour. Avec cette augmentation, le gouvernement ira récupérer 8 millions cette année et 24 millions l'an prochain. Le gouvernement Couillard “se justifie en rappelant que la part des parents dans le financement des services de garde a diminué de 17% à 13,5% depuis 2004.”3 Cette diminution de la contribution parentale s’explique par la non-indexation des frais de garderie depuis 2004, comparativement à une augmentation des subventions gouvernementales pour les places en garderie.

 

 

À mon humble avis, une indexation des frais de garderie est nécessaire à la survie de ces institituions. J’oserais même ajouter que les tarifs des CPE n’auraient pas dus être gelés depuis leur création en 1997. Bien que notre province soit parmi les plus taxées et imposées au Canada et même au monde, nous vivons dans un État Providence et avons à notre disposition un éventail de services, qui sont offerts de façon équitable pour tous les citoyens, sans discrimation. Il m’apparait utopique, dans un contexte économique difficile, de déficit budgétaire perpétuel et de coupures budgétaires universelles de penser que des services qui sont subventionnés à plus du ¾ par l’État puissent poursuivre leurs mandats sans que la participation citoyenne ne soit elle aussi davantage sollicitée. Par ailleurs, puisque les salaires et le prix des biens de consommation sont indexés au coût de la vie, une non-indexation des tarifs des services publiques signifie une diminution relative du coût réel aux parents. Par contre, je suis tout-à-fait contre la possibilité de moduler les tarifs en fonction du revenu des parents. Le risque inhérent associé à cette mesure est que ce serait encore et toujours la classe moyenne qui écoperait de ce fardeau supplémentaire. Aussi, la gestion de ces tarifs pourrait s’avérer complexe et appartiendrait à quel niveau, les CPE ou le gouvernement.

 

Par contre, il est important de prendre en considération les impacts positifs qui peuvent être engendrés par les places en garderie à tarification réduite. En effet, une étude4 conduite en 2012 par les économistes Luc Godbout, actuellement président de la commission sur la Fiscalité du gouvernement Couillard, en association avec Pierre Fortin et Suzie de Cerny, a démontré que 70 000 femmes de plus sont à l’emploi, ce qui engendre des revenus de 5 milliards de dollars pour l’État québécois. Toujours selon cette étude, ces revenus compenseraient pour les subventions accordées par l’État, de par les taxes et impôts perçus chez ces femmes salariées. Dans le même ordre d’idées, Louis Sénécal, Directeur général de l’Association des Centres de la petite enfance, stipule que “dans la démagogie libérale on laisse entendre que c'est une dépense que de financer les services de garde au Québec alors que les économistes s'entendent pour dire que c'est un investissement qui rapporte 1,50 $ pour chaque tranche de 1 $ qui est investie.”5

 

Aussi, si l’on approfondi la réflexion, une augmentation trop drastique des frais de garderie pourrait décourager des futurs parents et incidemment diminuer le taux de natalité, qui rappelons le, s’est vu grandement amélioré depuis les années 90, notamment grâce à la création des CPE en 1997. Par ailleurs, l’État se doit absolument d’encourager la natalité car, selon l’Institut de la statistique du Québec, d’ici 2056 “l’accroissement naturel de la population du Québec pourrait devenir négatif”6. Donc, d’un point de vue strictement budgétaire, cela résulterait en moins de revenus fonciers contre plus de personnes à la charge de l’État.

 

Pour conclure, pour toutes les raisons mentionnées plus haut et aussi pour des raisons de solidarité sociale, il me semble impératif d’offrir aux familles du Québec des services de garderie à des tarifs raisonnables. Cependant, puisque que les garderies non subventionnées sont déductibles d’impôts, crédits pouvant varier de 26 à 75% selon le revenu familial, peut-être serait-il pertinent d’étudier en profondeur quelle type de garderie et de subventions par l’État est la plus économique, autant pour les familles que pour le gouvernement. Je termine donc en vous citant un extrait  étonnnant d’un article paru sur le site web Les Affaires : “Pour les familles qui gagnent moins de 60 000 dollars, il est plus avantageux de faire garder ses enfants pour 25 dollars par jour! C'est tellement avantageux que le coût devient négatif (on vous paie pour faire garder vos enfants...) pour les familles qui ont un revenu de moins de 45 000 dollars!”7

 

Caroline Dubé

 

 

Références bibliographiques

 

1 et 2 MINISTÈRE DES FINANCES (juin 2014). Budget 2014-2015, Le budget en un coup d’oeil, Québec, Gouvernement du Québec. 5 pages.

 http://www.budget.finances.gouv.qc.ca/budget/2014-2015a/

  

3 CHOUINARD,Tommy, (5 juin 2014). Le tarif des garderies passé à 7,30$, La Presse, 2 pages.

http://affaires.lapresse.ca/dossiers/budget-quebec-2014/201406/05/01-4772993-le-tarif-des-garderies-passe-a-730-.php

 

4FORTIN, Luc Godbout et Suzy DE CERNY (avril 2012).  L’impact des services de garde à contribution réduite du Québec sur le taux d activité féminin,le revenu intérieur et les budgets gouvernementaux, Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques, Faculté d’administration, Université de Sherbrooke, 29 pages. http://www.usherbrooke.ca/chaire-fiscalite/fileadmin/sites/chaire-fiscalite/documents/Cahiers-de-recherche/Etude_femmes_travail.pdf

 

5 GENTILE, David et Sébastien BOVET(septembre 2014).Québec songe à facturer les frais de garderie selon le revenu des parents, ICI.Radio-Canada.ca, 7 pages.

http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2014/09/11/002-garderie-modulation-tarifs-parents-fonction-revenu.shtml,7, p.3.

 

6 INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUÉBEC, Le bilan démographique du Québec, edition 2013, 153 pages.

http://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/population-demographie/bilan2013.pdf#page=35 , p.15.

 

7 PROVOST, D. (2014). La vérité sur les grais de garde d’enfants, Les affaires, 2 pages.

http://www.lesaffaires.com/imprimer/mes-finances/fiscalite/la-verite-sur-les-frais-de-garde-d-enfants/546295

 

 

 

 

 

 

 

 

Commentaires

  • Je pense aussi que l'indexation est inévitable et que les tarifs n'auraient jamais dû être gelés. Les augmentations de tarifs font moins mal lorsqu'étalées dans le temps. Il est intéressant de voir comment des subventions se traduise en revenu en bout de ligne. Un investissement rentable, mais que les gouvernements semblent oublier quand vient de temps de couper. Ici au moins, on ne parle pas de coupe, mais d'augmentations de tarifs. La modulation en fonction des revenus n'est pas une bonne avenue par contre, le risque de ramener un des 2 parents à la maison pour garder les enfants est bien réel, qui en résulterait en grosse perte fiscale.

  • Merci Alexandre. Ton commentaire résume bien ma pensée!

  • L'administration publique est en effet complexe...
    faut analyser avec soin les impacts...Caroline

  • En effet Monsieur Trudel, j'ai ressorti dans ce texte les éléments qui m'apparaissaient les plus pertinents. Cependant, c'est un sujet qui mériterait une analyse beaucoup plus poussée pour en déterminer des conclusions valides et ainsi prendre de réelles décisions.

  • Je suis d’accord avec votre position. Je suis également contre la modulation des tarifs en fonctions du revenu des parents. En bout de ligne, c’est toujours la classe moyenne qui assume le fardeau!

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