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Le développement du tourisme dans le cadre du Plan Nord

Mise en contexte

Plan Nord

Le Plan Nord, véhicule de développement au nord du 49e parallèle[1], marque le domaine de la politique québécoise par ses vastes possibilités. Au niveau économique, des investissements d’une valeur de plus de 80 milliards sur une période de 25 ans sont anticipés et génèreront une création d’emplois, puis d’importantes recettes fiscales. Au niveau social, l’amélioration des conditions de vie des communautés autochtones et locales est annoncée. Au niveau environnemental, le Plan entrevoit la protection de l’environnement, des écosystèmes et de la biodiversité nordiques, au moyen, entre autres, de la soustraction d’environ 50 % du territoire à toute activité industrielle. Ainsi, le Plan Nord se donne pour objectifs le développement économique, social et environnemental dans sa planification et son processus décisionnel.[2]

Développement du Plan Nord et de son aspect touristique

Selon Castonguay (2012), l’origine du Plan Nord se situe à la fin de l’automne 2007. À la recherche d’un « grand projet, un rêve, pour mobiliser les Québécois pendant des années […] » (Parisella, 2012, cité dans Castonguay, 2012), un projet permettant également d’agir comme stratégie de campagne électorale, Jean Charest, premier ministre, Daniel Gagnier, chef de cabinet et deux conseillers bénévoles, préparent ce qui deviendra le Plan Nord.

Castonguay (2012), nous indique que les quatre hommes s’inspirent de la stratégie de Robert Bourassa qui visait la création de 100 000 emplois à la Baie-James dans le secteur de l’hydro-électricité. En même temps, le premier ministre a en tête d’autres idées plus vastes et plus inclusives pour le Plan Nord. En entrevue avec Castonguay (2012), celui-ci démontre sa passion pour les régions nordiques, ses paysages et ses communautés. Il évoque des régions qui se situent au Nord du Canada, dans le cadre d’un « voyage de 1992 à Iqaluit, puis à
l’île d’Ellesmere et au Yukon, avec sa
femme et leurs enfants ». De cette façon, la vision du potentiel relié au nord québécois intègre le développement des attraits touristiques.[3]

Le potentiel et les défis du secteur touristique au nord du 49e parallèle

Le secteur touristique au nord du 49e parallèle se caractérise par des atouts importants. Le secteur du tourisme, par ses ressources distinctives, attire les investissements. Le tourisme génère des revenus importants : 13 milliards de recettes en 2012 (Institut de la statistique du Québec, page consultée le 1er octobre 2014).Ce « secteur se classe ainsi au 3e rang des produits d’exportation du Québec » (Institut de la statistique du Québec, page consultée le 1er octobre 2014), ce qui en fait l’un des secteurs d’exportation les moins coûteux à développer et l’un des plus rentables en termes de création d’emplois, selon le Comité performance de l’industrie touristique (2009).

Le secteur touristique au nord du 49e parallèle comporte également son lot de défis. Essentiellement, les connaissances et le savoir-faire sur le territoire, l’accessibilité et des coûts de transport et la diversité des nations autochtones et des communautés du Nord créé un défi pour le développement, la prise de décision et les ententes sur le partage du territoire et des ressources.

En résumé, le ministère du Tourisme (page consultée le 1er octobre 2014) considère que :

l’état du développement touristique à peine émergent, les espaces sauvages et les cultures autochtones présentent à la fois une occasion unique de renouvellement de l’offre touristique québécoise et un défi pour une exploitation durable de ces territoires vierges.

Question

Comment peut-on, dans le cadre du Plan Nord, obtenir des résultats au niveau du tourisme en tenant compte :

-  du potentiel de l’offre touristique au Nord du 49e parallèle;

-  des défis et des risques associés au développement de l’offre touristique?

Analyse

L’objectif général du secteur touristique est résumé par Andrée Bélanger, de la Direction de la coordination du Plan Nord, lors de la Conférence Maxxam, le 29 février 2012 :

D’ici 2021, faire du Nord […] une destination de classe mondiale qui procure une expérience authentique, sécuritaire et exceptionnelle, alliant la cohabitation des peuples nordiques et le respect de la nature, dans une perspective de développement économique durable et d’enrichissement collectif.

À partir de ce grand objectif, nous pouvons définir le développement du secteur touristique dans le cadre du Plan Nord, ainsi que les moyens de développement facilitant l’atteinte de résultats concrets.

Stratégies de développement

Le Comité performance de l’industrie touristique (2011)  nous spécifie qu’il est nécessaire de « réviser le mode de management de notre industrie. » En premier lieu, selon le ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire, (2011), le développement du tourisme dans le cadre du Plan Nord provient d’abord de la vision, de la planification, de la mobilisation du gouvernement et des citoyennes et citoyens du Québec pour l’occupation de son territoire. Ainsi, le développement des idées, la communication et la gestion doit se faire conjointement entre l’État, les communautés, le secteur privé, le secteur institutionnel et le secteur environnemental. À l’intérieur même de l’État, la coordination interministérielle et régionale est essentielle.

En second lieu, le Comité performance de l’industrie touristique (2011)  nous indique qu’il est nécessaire de construire « [Un] nouveau modèle de management du tourisme québécois unifié, imputable et dont les actions seront mesurables.

Conséquemment, l’offre touristique ayant les caractéristiques d’une vision, d’une planification, d’une mobilisation et d’une évaluation conjointe entre le gouvernement et des citoyennes et citoyens du Québec et étant gérée de façon cohérente (unifiée), imputable (responsable des résultats) et évaluable (avec des actions mesurables), aura davantage de succès dans le développement d’une performance en continu (investissement à long terme qui produit un rendement). Dans le cadre de ce blog, la vision du développement de l’industrie touristique sera abordée.

Vision-comment considérer le développement de l’industrie touristique

En premier, le succès du développement et de la commercialisation des produits touristiques des régions nordiques ne sera possible sans l’amélioration de la connaissance du territoire visé. La connaissance du territoire, de ses enjeux, de sa population est un préalable au développement de l’activité touristique dans les régions nordiques du Québec. On ne saurait organiser et mettre en œuvre les nombreux objectifs pour le Plan Nord (environnementaux, économiques, sociaux), sans la compréhension du système dans lequel ils agissent. D’après le ministère du Tourisme (2011), chaque action posée a un effet sur le système présent dans ces régions nordiques. La stratégie touristique est donc une intervention avec des impacts potentiels, dans un milieu social et économique, un écosystème qui se régissait de lui-même avant la politique et les mesures annoncées dans le cadre du Plan Nord. Une conception du système se révèle être une des stratégies des mieux adaptées dans cette situation.

Ensuite, une première évaluation du potentiel de développement touristique dans ces régions peut être faite. Le développement du secteur d’activité touristique rejoint les objectifs généraux du Plan Nord. En ce sens, ce type d’activité du secteur tertiaire a l’avantage d’intégrer les « trois critères du développement durable, soit : des bénéfices économiques, […] sociaux et […] environnementaux » (Association de l’exploration minière du Québec, 2008). Au niveau économique et environnemental, le potentiel du Nord québécois se situe majoritairement dans ses dimensions « nouvelles et inusitées », d’après le ministère du Tourisme (2011), qui ont la capacité de créer des marchés et d’attirer les clientèles entrepreneures et les touristes d’ci et d’ailleurs.  Les six régions touristiques couvertes par le Plan Nord, c’est-à-dire le Nunavik, la Baie-James, Eeyou Istchee, Duplessis et une partie des régions de Manicouagan et du Saguenay–Lac-Saint-Jean, trouvent principalement leur richesse dans la nature sauvage[4] et ses possibilités au niveau des différents produits touristiques, essentiellement le tourisme hivernal, l’écotourisme, le tourisme sportif, le tourisme culturel et évènementiel ainsi que le tourisme de nature et d’aventure. Les activités telles que les excursions pédestres, la valorisation de la culture autochtone, les croisières nordiques et les ressources du terroir en sont des exemples concrets. Le ministère du  Tourisme (2011) souligne que « La qualité des ressources hydriques, fauniques et floristiques » permet des activités de découverte et d’exploration, produits authentiques des régions nordiques québécoises. Au niveau social, dans le communiqué du ministère du Tourisme (2011), le ministre responsable des Affaires autochtones, Geoffrey Kelley, soutient que :

La mise en œuvre de cette stratégie favorisera la rencontre des populations du nord et du sud […], l’amélioration de la qualité de vie des populations autochtones […] en créant des emplois et en appuyant l’émergence de nouvelles entreprises […] [et] en offrant aux nations autochtones de nouvelles perspectives qui contribueront au rayonnement de leur culture, de leur histoire et de leur patrimoine. Le tourisme permettra de valoriser leurs connaissances et leurs traditions, et servira de véhicule à leur fierté.

Une première évaluation des défis et des risques du développement touristique de ces régions peut également être produite. En premier, l’accessibilité au territoire est un défi tangible. Peu de routes aériennes, terrestres et maritimes existent. La durée du transport jusque dans ces régions nordiques est d’autant plus augmentée. Ensuite, vu la rareté de l’offre en tourisme, les coûts du transport, des services et de l’accompagnement pour les touristes sont élevés. Le ministère du Tourisme (2008) aborde un autre défi présent : la forte concurrence présente en provenance des pays scandinaves en ce qui concerne la conception, la commercialisation et de la diversité de l’offre de produits offerts. De plus, tel que l’a précisé Monsieur Charest au cours de la conférence sur le Plan Nord à l’École Nationale d’administration publique le 2 octobre 2014, la diversité des nations autochtones et des communautés du Nord créé un défi pour la compréhension, le développement, la prise de décision et les ententes sur le partage du territoire et des ressources. Enfin, le fait de mener divers objectifs de front et la diversité des objectifs du Plan Nord représentent un défi pour le développement équitable de chacun de ceux-ci. Par exemple, le développement économique relevant du secteur primaire, tel que l’exploitation des ressources minières, forestières et énergétiques comporte des risques au niveau financier, au niveau du développement durable, au niveau social avec les communautés en place, ce qui, en retour, agit sur le secteur du tourisme à développer.

La connaissance du système, de son potentiel et de ses défis servira, par la suite, à la définition du « développement viable » de l’industrie touristique. Cette définition participera à unifier la vision du développement touristique auprès des différentes actrices et acteurs de développement et à établir des préalables ainsi que des priorités de développement de l’offre touristique. Nous rappelons que l’objectif global de la « Stratégie touristique du Plan Nord:
Des cultures et des espaces à découvrir » selon Nicole Ménard, ministre du Tourisme (2011), est « la réalis[ation] [d’]un modèle de tourisme durable qui fera rayonner le Québec dans le monde ». Selon le ministère français de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie (page consultée le 5 octobre 2014), le tourisme durable « repose sur des critères de durabilité. Il doit être supportable à long terme sur le plan écologique, viable sur le plan économique et équitable sur le plan éthique et social pour les populations locales. » De cette façon, le développement de l’offre touristique au nord du Québec bénéficierait d’« une vision à long terme » (Comité performance de l’industrie touristique, 2009) et globale des priorités dans le cadre du Plan Nord dans son ensemble.

Étant donné la présence de l’imputabilité gouvernementale sur le plan écologique et la notion voulant que la position écologique supporte les plans économiques et sociaux, les préalables à l’offre touristique ont de fortes chances de se retrouver dans les conditions de protection de l’environnement. Puis, étant donné le nouveau modèle de management nécessitant la conciliation du gouvernement avec les populations locales et le développement de produits se basant sur les atouts du territoire et les conditions sociales existantes, le développement social peut aussi se retrouver dans les préalables au développement de produits touristiques viables. Le tourisme reposant en majorité sur des services à des touristes et sur la richesse des ressources présentes sur le territoire, le développement social et éducatif des communautés nordiques ne pourra que solidifier la base sur laquelle le développement des produits touristiques se développe.

S’agissant de priorités, Handal (2010) cité dans la note socio-économique « À qui profite le Plan Nord? » de l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS) (2012) nous met en garde contre le fait de « privilégier l’activité minière […] au détriment d’autres usages non extractifs, comme la création de nouvelles aires protégées » dans le Nord québécois. Selon la Société pour la nature et les parcs du Canada, section Québec (page consultée le 5 octobre 2014), « […] la plus grande partie du territoire québécois, soit plus de 85 %, est accessible à l’industrie minière aux fins de prospection. Le free mining consacre ainsi la préséance des droits miniers sur tout autre usage du territoire, comme si les activités minières constituaient toujours la meilleure option pour un territoire. » De cette façon, le développement du secteur primaire et des ressources minières comporte des avantages et des inconvénients, comme tout autre développement économique. Il a l’avantage, par exemple, de permettre l’investissement dans l’accessibilité au territoire, avec la construction de routes. Il peut cependant laisser à l’abandon les déchets des sites inutilisés. Le Comité performance de l’industrie touristique (2011) souligne que la « conviction que l’industrie touristique peut jouer un rôle plus important dans l’économie québécoise ». En effet, cette conviction pourra servir à définir les préalables et les conditions essentielles au développement de l’offre touristique sur le territoire au nord du 49e parallèle. En somme, nous considérons comme faisant partie de la vision du développement de l’industrie touristique au nord du Québec : l’étude du système (la population présente et les caractéristiques et enjeux du territoire), la prévision de la préservation des territoires, l’investissement dans le développement social et éducatif, ainsi que l’imposition de règles claires aux entreprises privées en termes de transparence, de résultats obtenus, de développement durable et de redevances.

 

Conclusion

 

Le Plan Nord, politique et mesures de développement du potentiel de Nunavik, de la Baie-James, de Eeyou Istchee, de Duplessis et d’une partie des régions de Manicouagan et du Saguenay–Lac-Saint-Jean, « Repousse les limites de notre dernière grande frontière, le nord du Québec», selon Monsieur Jean Charest, cité dans Castonguay (2012).

Raymond Chabot Grant Thornton décrit bien l’objectif global du Plan Nord qui est l’« Accroissement d’une richesse durable pour nos générations futures. »[5] Les dimensions environnementales, économiques et sociales font partie de la vision et des mesures de développement du Plan Nord, dont la « Stratégie touristique du Plan Nord:
Des cultures et des espaces à découvrir », lancée par le ministère du Tourisme en novembre 2011.

En raison de la nécessité de réaliser les étapes de développement de façon conjointe, entre l’État, les communautés, le secteur privé, le secteur institutionnel et le secteur environnemental (vision, planification, mobilisation), mais également en raison des qualités demandées pour une performance optimale (unification, imputabilité, évaluation), un nouveau modèle de management est nécessaire au succès du déploiement de la Stratégie touristique. Dans la vision du développement de l’industrie touristique des régions nordiques du Québec, nous avons accordé une importance accrue à la connaissance du système économique, environnemental et social en présence avant l’intervention de la Stratégie touristique (comprenant le potentiel et les défis de ces régions), à la définition du « développement viable » de l’industrie touristique à l’intérieur même de la politique du Plan Nord, à la définition de préalables au développement du tourisme et aux priorités de l’industrie touristique dans le cadre du Plan Nord.

Par la suite, les étapes de planification, de mobilisation et d’évaluation permettront d’entrevoir les possibilités quant aux outils d’action, de gestion et d’amélioration en continue du développement de l’industrie touristique au nord du Québec.

Geneviève Ménard, maîtrise en administration publique, GRH

 


[1]Selon Radio-Canada (2011), les régions visées se situent entre le 49e parallèle et le détroit d'Hudson, dans un axe nord-sud, et de la Basse-Côte-Nord jusqu'à la partie boréale de l'Abitibi-Témiscamingue, dans un axe est-ouest.

[2] Le ministère du Développement durable, de l’Environnement de la Lutte contre les changements climatiques indique que « La Loi sur le développement durable reconnaît le caractère indissociable des dimensions environnementale, sociale et économique des activités de développement. » (Démarche de développement durable : Des outils d'aide à la décision et à la conception de projets, page consultée le 30 septembre 2014).

[3] Le ministère des Affaires municipales et de l'Occupation du territoire (2011, p.48) précise que : « Parmi les secteurs prometteurs […] [présentant] des possibilités à saisir pour les entreprises et les acteurs économiques du Québec, mentionnons […] l’industrie touristique ».

[4] La population vivant sur ces territoires est peu nombreuse (1,6% environ), la nature a une grande place dans la détermination et la transformation du paysage.

[5] Raymond Chabot Grant Thornton partage son expertise sur le Plan Nord, page consultée le 4 octobre 2014

Commentaires

  • Une réflexion aussi vive que son auteure...Geneviève
    À lire avec attention

  • Merci pour ce commentaire, j'apprécie beaucoup.

  • Merci Geneviève d'aborder ce que je qualifierais de petit orphelin du Plan Nord. L'aspect social comprenant le volet touristique ne semblent pas avoir été autant poussé de l'avant que les autres volets plus payants.

    Une des grandes difficulté mentionnée étant la grande distance à faire parcourir aux touristes pour les emmener sur ce territoire peu connu reste entière et c'est là que je me demande pourquoi. On a toujours dit que le transport commercial vers la Côte-Nord était exorbitant dû au fait qu'il y avait peu de traffic et que donc la demande était rare et peu de compétition. Par contre nous sommes en droit de se demander pourquoi que les billets d'avions restent si chers étant donné que maintenant les travailleurs affluent et qu'il y a plus de touristes. Ne devrait-il pas y avoir une réduction du coût de ceux-ci? Pour l'instant, de mon expérience, il n'y a que difficulté à obtenir des billets.

    Ton analyse est franchement intéressante et semble mener à une partie II. Je serais vraiment intriguée à lire la suite.

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