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La sexualité des personnes atteintes de déficience intellectuelle

Dans un article paru le 24 mars 2014, on énonce la problématique reliée à la sexualité des personnes déficientes. « Certains parents en ont si peur qu'ils cherchent à faire stériliser leur jeune, dans la plus totale illégalité. Et ce déni du sexe a des conséquences parfois dramatiques, exposant les personnes déficientes à un risque accru d'être victimes d'agressions sexuelles.[1] »

Mise en situation réelle :

« Jocelyn et sa femme se rendront bientôt dans un hôpital québécois avec leur fils Justin, 16 ans, déficient intellectuel. Justin va passer sous le bistouri d'un urologue. Motif officiel: on va lui décoller la peau du prépuce. Motif officieux: Justin va subir une vasectomie. Jocelyn, ce n'est pas le vrai nom de l'homme que nous avons rencontré. Justin ne s'appelle pas Justin non plus. Mais cette vasectomie programmée, qui se déroule totalement en marge de la légalité, est bien réelle. Jocelyn tient à ce que son fils déficient soit vasectomisé pour éviter qu'il n'engendre lui-même un enfant.[2] »

Définition du problème

En effet, on dénombre un grand nombre de médecins qui effectuent des vasectomies et des hystérectomies malgré les lois en vigueur. Ce sont en grande majorité les parents des personnes atteintes de déficience intellectuelle qui prennent rendez-vous avec les médecins lorsqu’ils commencent à voir un éveil sexuel chez leurs jeunes. Ceux-ci ont peur de devoir s’occuper d’un autre enfant qui n’est pas le leur. Il est donc essentiel de voir en l’éducation des parents ayant des enfants atteints de cette maladie, comme l’explique Carole Boucher, sexologue depuis 25 ans dans le milieu de la déficience intellectuelle. Le gouvernement, avec l’aide de personnes ressources, doit apporter du support aux familles victimes de ce genre de situation.

Carole Costo, chef des processus cliniques au Centre de réadaptation en déficience intellectuelle de Montréal, déclare que dans le milieu médical, les stérilisations sont confidentielles et secrètes. Ces stérilisations sont demandées par les parents des jeunes atteints de déficience intellectuelle, qui craignent une grossesse et donc la naissance d’un enfant qu’ils devront élever. Toutefois, une question se pose, est-ce que les personnes atteintes de déficience intellectuelle sont consentantes et connaissent les répercussions de leurs actes? Sont-elles aptes à demander de telles chirurgies irréversibles? Selon Stéphane Bolduc, urologue pédiatrique au Centre hospitalier universitaire de Québec, ce genre de demandes demeure un tabou éthique. Sans motif valable, ce type de demandes serait déclaré « éthiquement irrecevable ». Si l’enfant peut manifester son désir d’opter pour ce genre d’opération, il n’y a pas de problème. Cependant, s’il ne peut pas donner son consentement, un problème éthique naît d’une telle demande. Il est donc important que le gouvernement instaure des règles plus restrictives concernant les normes d’éthiques applicables à ce genre de pratique des médecins et d’accroître les conséquences pour ceux qui continuent de la pratiquer.

Analysons cette situation…

Le progrès des sciences et des technologies qui se fait sentir depuis plusieurs décennies a engendré de nouveaux questionnements en regard au droit, aux principes moraux ainsi qu’à l'éthique. Malheureusement, le développement des sciences médicales a engendré une confusion en ce qui a trait à l’individu. En ce sens, il devient difficile de distinguer le sujet, du patient, de l’objet de recherche. De surcroît, les responsables des organisations médicales tendent à perdre de vue leur rôle ultime qui demeure l'amélioration de la vie et de la santé du patient. Dans une société pluraliste, il convient de se demander sur quoi doivent s’appuyer les décisions et quelles en seront les répercussions tant sur la personne que la société. 

L’éthique est décrit comme la discipline qui établie des règles de conduite qui visent le bien et le respect de l’individu. Celle-ci soutient la prise de décision dans de multiples domaines dont notamment celui de la santé. D’ailleurs, dans un monde où la transparence des pratiques est de mise, les professionnels de la santé n’ont pas d’autres choix que de tenir compte des considérations éthiques, déontologiques et légales. Selon la présente situation énoncée ci-dessus, il existe plusieurs principes de droit au Québec qui sont applicables :

1.     La stérilisation doit être un soin requis sur le plan médical et non pour satisfaire le bien-être des proches du malade.

2.     Lorsque la stérilisation n’est pas requise sur le plan médical, le médecin doit évaluer si la personne atteinte de déficience intellectuelle est consentante et connaît les répercussions de ce type d’opération.

3.     Dans le cas où la personne est jugée apte et consentante, celle-ci peut avoir recours à l’opération.

4.     Si la personne est inapte, ou non consentante, c’est le tribunal qui peut autoriser l'intervention 

Aussi, la politique du Centre de réadaptation en déficience intellectuelle de Québec s’appuie sur les orientations de la Fédération québécoise des centres de réadaptation en déficience intellectuelle et déclare que :

«La personne présentant une déficience intellectuelle a le droit de s’épanouir au niveau des relations affectives et de vivre sa sexualité. Elle sera accompagnée et soutenue dans la formation et le développement d’attitudes et de comportements appropriés. Elle recevra l’information et l’éducation nécessaires afin de vivre pleinement cet aspect de son développement tout en agissant de façon préventive afin d’éviter les maladies transmises sexuellement et les situations d’abus.[3]»

En agissant ainsi, les parents viennent donc à l’encontre de la politique du CRDI du Québec et contreviennent à l’épanouissement et aux droits de leurs enfants. Le gouvernement doit fournir les informations nécessaires au développement sexuel de l’enfant et encadrer les parents afin qu’ils aient le soutien nécessaire dans ce genre de situation. Aussi, selon Germain et Langis (1990), la sexualité de l’être humain est un élément essentiel pour l’enfant afin qu’il puisse se fonder une identité et se développer de la naissance jusqu’à sa mort.

Selon Igalens (2010),  «le risque éthique peut être lourd de conséquences, non seulement en termes financiers ou pénaux, les sanctions multijuridictionnelles étant de plus en plus sévères, mais aussi en termes de réputation.» Toutefois, selon le cas de la stérilisation, il semble y avoir un manquement au niveau des sanctions et des pénalités pour les médecins pratiquant ces types de chirurgies. Étant donné le caractère confidentiel de ce type de pratique, les professionnels sont moins à risque d’être sanctionnés par les lois en vigueur. Étant un problème important dans une société prônant la liberté de la personne, le gouvernement doit voir à cette problématique et sanctionner davantage les médecins contournant les règles d’éthiques.

Certaines professions, telle la médecine, requièrent des principes éthiques bien ancrés, puisque les répercussions des comportements peuvent avoir des répercussions sur la santé et le bien-être d’autrui. Les professionnels de la santé sont souvent confrontés à de multiples situations demandant de prendre des décisions concernant la vie et la santé des patients. Le malade en perte d’autonomie devient par sa condition médicale plus vulnérable, et sa situation peut se dégrader potentiellement autant sur le plan physique que sur le plan émotif. On peut définir les personnes vulnérables comme étant celles dont l’autonomie, la dignité, et l’intégrité sont menacées. En ce sens, le malade qui perd sont autonomie a un risque éthique d’être vulnérable et/ou d’être frappé par l’incapacité.

De telles situations peuvent engendrer un risque éthique puisque de l’incapacité du malade, on remet en question sa liberté et sa capacité à évaluer la situation, faire des choix rationnels et établir une communication qui a du sens. Par conséquent, le risque éthique est que le patient devienne un « objet de soins » et non un individu ayant une personnalité à part entière du système de santé.[4] Il y a donc un conflit d’intérêts et de valeurs : d’un côté,  le soignant veut maintenir la dignité du malade et faire preuve de professionnalisme et d’empathie envers le soigné, et d’un autre côté, il doit prendre des décisions parfois difficiles et/ou douloureuses dans le meilleur intérêt du patient et de sa famille. Le gouvernement doit agir afin de conserver la dignité de la personne et assurer que ses libertés individuelles ne sont pas brimées.

Conclusion

En guise de conclusion, le raisonnement du spécialiste demeure primordial dans l’intérêt du malade, d’autant plus si celui-ci a une incapacité de discernement. L’absence de capacité de discernement rend le patient plus vulnérable au risque. Ce dernier doit donc se fier au raisonnement du médecin traitant. Il faut donc que le professionnel suive les directives, les règles et les normes partagées par la population québécoise. En ce sens, l’ordre professionnel des médecins doit véhiculer des valeurs qui prônent la santé des patients et l’intérêt de ceux-ci. Certes le code déontologique assure une certaine conformité, toutefois il faut axer les efforts sur l’engagement des spécialistes en médecine concernant le respect de l’être humain quant à ses soins et sa santé. Il ne faut plus simplement que les professionnels suivent les règles, il faut dorénavant qu’ils perçoivent chaque conséquence de leurs actions posées. Ils ne doivent plus seulement savoir ce qui est bon ou juste de faire, mais aussi s’informer du pourquoi de leurs actions. Pourquoi ces gestes sont-ils plus justes et plus valables auprès de la société? Quelle action serait moralement et éthiquement plus acceptable pas tous à l’inverse d’une autre? Ce sont là des questions qui permettent de vérifier que les agissements respectent les normes éthiques instaurées. Pour se faire, l’État doit règlementer et veiller au respect des normes à ce sujet. Dans un gouvernement où tous possèdent des droits et libertés équivalentes, cette problématique doit être au centre des intérêts des partis politiques. Somme toute, le but ultime recherché par les professionnels devrait toujours être porté vers le bien-être et le respect du patient et de sa famille. Il ne faut pas perdre de vue le respect et la dignité de l’individu qui laisse sa vie entre les mains d’un inconnu. L’État a donc un rôle essentiel à jouer afin que les professionnels de la santé n’utilisent plus ce type de chirurgie illégale. Pour se faire, les médecins traitants doivent pouvoir guider les familles dans d’autres ressources mises sur pied par le gouvernement.

 

LAF

 


[1] La Presse. Sexe et déficience: le grand tabou de la stérilisation. (mars 2014). Récupérée le 24 mars 2014 du site de La Presse : http://www.lapresse.ca/vivre/sexualite/201403/22/01-4750271-sexe-et-deficience-le-grand-tabou-de-la-sterilisation.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B9_vivre_259_accueil_POS2

[2] La Presse. Sexe et déficience: le grand tabou de la stérilisation. (mars 2014). Récupérée le 24 mars 2014 du site de La Presse : http://www.lapresse.ca/vivre/sexualite/201403/22/01-4750271-sexe-et-deficience-le-grand-tabou-de-la-sterilisation.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B9_vivre_259_accueil_POS2

[3] Centre de réadaptation en déficience intellectuelle de Québec. Politique en matière de vie affective, amoureuse et sexuelle. (15 juin 2004). Récupérée le 5 avril 2014 du site du CRDI : http://www.crdiq.qc.ca/images/crdiq/documentation/politiquevieaffective150604.pdf

[4] IGALENS, J. La prévention et la gestion du risque éthique. Anvie. 2012. Récupérée le 24 mars 2014 du site : http://www.anvie.fr/actions/pr%C3%A9vention-et-gestion-du-risque-%C3%A9thique

Commentaires

  • On écoute que ceux qui dérangent...Félix Leclerc !
    Une réalité importante pour tous les humains. Il faut du courage pour aborder ce sujet avec autant d'autorité et parcimonie.
    À lire avec attention . Bravo LAF

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