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La syndicalisation des travailleurs agricoles

Mise en contexte

 

Depuis le 11 mars dernier, l’ensemble des travailleurs agricoles du Québec, qu’ils soient permanents ou saisonniers, employés d’une grande ou d’une petite ferme, ont acquis le droit à la syndicalisation.  La décision du gouvernement provincial se conforme ainsi à un jugement de la Cour supérieure du Québec rendu en mars 2013.  Celui-ci rend inopérant l’alinéa 5 de l’article 21 du Code du travail qui privait de la syndicalisation les employés travaillant sur une ferme de moins de trois employés permanents.

 

Ailleurs au pays, les travailleurs d’une ferme manitobaine ont été les premiers à se doter d’une convention collective, et ce, à l’été 2008.  D’autres ententes ont été négociées en Colombie-Britannique et en Saskatchewan dès 2009.  Par ailleurs, dans plusieurs provinces, dont l’Alberta et l’Ontario, la main d’œuvre agricole étrangère est privée du droit à la syndicalisation.

 

Analyse de la situation

 

Globalement, on peut dire que les programmes de migration temporaire dans le secteur agricole répondent à un double besoin : permettre à des personnes étrangères de gagner leur vie en migrant temporairement dans notre pays, et combler des pénuries de main d’œuvre dans le secteur agricole au Canada.  À première vue, il s’agit d’une situation gagnant-gagnant.  Mais qu’en est-il vraiment?

 

On peut dire que le travail migrant temporaire représente une opportunité pour de nombreux pays en développement qui sont aux prises avec un taux de chômage important : les chômeurs en quête d’un emploi migrent temporairement vers le Canada ou les États-Unis, ce qui assure la subsistance de nombreuses familles restées au pays.  Ces travailleurs en provenance du Mexique, de la Jamaïque ou encore du Guatemala, en envoyant l’argent gagné dans leur pays, permettent au pays d’origine de tirer d’importants bénéfices du travail de leurs citoyens à l’étranger.

 

Mais la preuve n’est plus à faire; les travailleurs temporaires dans le secteur agricole ont des conditions de travail et de vie difficiles.  Les tâches qu’ils effectuent sont pénibles, leur horaire de travail est très chargé et leur santé et leur sécurité sont parfois compromises par le manque de mesures appropriées.  En fait, s’il est vrai que des ententes sont signées entre le Canada et les pays d'origine des travailleurs agricoles étrangers relativement à leurs conditions de travail, cela n'est pas équivalent à la protection d'une convention collective…

 

Par ailleurs, considérant la nécessité de travailler pour faire vivre leur famille, qui s’ajoute à la barrière de la langue, et à une méconnaissance de la culture et des différents recours, ces travailleurs n’auront pas tendance à se plaindre.  En fait, ils ne peuvent se permettre de perdre leur emploi ou de ne pas être rappelés l’année suivante.  Ainsi, malgré les conditions inhérentes au secteur agricole, il est de la volonté des travailleurs migrants de travailler le plus d’heure possible.  Compte tenu de la courte durée d’un contrat de travail et des aléas climatiques, ceux-ci aspirent à obtenir une garantie d’heures par leur employeur.

 

En obtenant le droit à la syndicalisation, les travailleurs agricoles saisonniers se placent sur le même pied d’égalité avec l’ensemble des travailleurs du Québec pouvant ainsi aspirer à de meilleures conditions de travail que le minimum exigé.

 

L’autre côté de la médaille

 

La logique de gestion des entreprises agroalimentaires n’est pas différente de celles de toute autre entreprise : les coûts de production doivent être au plus bas, ce qui inclut les salaires et autres avantages versés aux travailleurs.  Et puisque le travail agricole est difficilement délocalisable, contrairement aux emplois dans le secteur manufacturier par exemple, on choisit d’importer de la main d’œuvre étrangère afin de combler les emplois.

 

Il n’est pas rare de voir des travailleurs étrangers au boulot entre 60 à 70 heures par semaine.  Souvent payés au salaire minimum, ils sont malgré tout assurés d’amasser une somme d’argent importante pour faire vivre leur famille en rentrant au pays.  Ces coûts en main d’œuvre peuvent facilement représenter de 40 à 60 % des coûts d’exploitation d’une ferme.  Si les syndicats se mettent à exiger de payer des heures supplémentaires après 40 heures de travail dans une semaine, le niveau de profits en sera grandement affecté, et les agriculteurs craignent de ne plus être concurrentiels.  En fait, c’est l’impact sur le coût de la marchandise qui les inquiète.  Si, pour être rentable, un agriculteur doit augmenter son prix de vente, fort à parier qu’un produit similaire moins coûteux sera privilégié par le consommateur.  Toutefois, peut-être que ce produit proviendra de fermes de nos voisins du sud, ou encore de l’Ontario… 

D’ailleurs, certaines études démontrent que depuis 2003, le Québec perd 1,5% de part de marché au profit de l’Ontario.  Avec la syndicalisation, certains producteurs estiment que ce taux pourrait rapidement doubler.  Il est donc impératif pour les agriculteurs de rester compétitifs.

 

Conclusion

 

Les travailleurs agricoles ont maintenant le droit à la syndicalisation.  Devons-nous considérer cette décision comme une bonne nouvelle?  Sur une base humaine d’équité, assurément.  C’est une question fondamentale de justice sociale.

 

Mais devons-nous craindre pour la compétitivité?  Ça reste à voir.  J’aurais toutefois tendance à dire que la syndicalisation ne constitue pas une réelle menace.  Concrètement, verrons-nous beaucoup de conventions collectives se signer dans les prochaines années?  Laissez-moi en douter.  Selon certains experts, il serait surprenant que les fermes doivent faire face à une vague de syndicalisation.  De toute façon, il ne faut pas oublier que le droit de se syndiquer, c’est avant tout le droit de négocier des conditions de travail avec l’employeur, qui devra d’abord les accepter!

 

R.G.

Commentaires

  • Une autre réalité qui appelle réflexion sur le rôle de l'État autant à la régulation des conditions de la main d'œuvre que le soutien au développement économique. Intéressant. À découper par tranche pour ...déguster RG !

  • Je vous vante pour votre critique. c'est un vrai œuvre d'écriture. Développez .

  • Je vous applaudis pour votre exercice. c'est un vrai œuvre d'écriture. Développez .

  • Merci de votre commentaire. On continue.

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