Centralisation-décentralisation, le sain équilibre est-il possible?
Dans un contexte où les administrations municipales ont mauvaise presse et où les institutions sont continuellement remises en question, la Ville de Montréal a plus que besoin de stabilité. Le défi des orientations stratégiques communes versus l’autonomie et l’identité locale nous amène à nous questionner sur le constant jeu de forces entre centralisation et décentralisation.
D’un côté, la gestion centralisée fait référence à un état où tous les pouvoirs de décision en matière administrative, financière et politique sont détenus par l’autorité centrale. Par ailleurs, la décentralisation consiste en un transfert des pouvoirs de l’état vers les organisations locales qui, sous la surveillance de l’état, bénéficient d’une certaine autonomie de gestion.
Est-ce qu’un équilibre est encore possible entre ces deux modes de gouvernance alors que la Ville de Montréal doit se repositionner en tant que leader municipal et modèle de stabilité?
Mise en contexte :
En juin 2000, le livre blanc sur la réorganisation municipale est déposé par la ministre d’état aux affaires municipales et de la métropole, Louise Harel. La Loi 170 qui s’en suit, porte sur la réforme de l’organisation territoriale municipale des régions métropolitaines de Montréal, de Québec et de l’Outaouais, et a pour objectif de «changer les façons de faire pour mieux servir les citoyens», à moindre coût. Les fusions se concrétisent le premier janvier 2001.
Par ailleurs, depuis le début des années 2000, la mise en œuvre de la Loi sur l’administration publique (LAP), qui s’appuie sur le principe de transparence et sur une imputabilité accrue de l’Administration gouvernementale et qui accorde la priorité à la qualité des services aux citoyens, répond quant à elle à une critique de la gestion publique traditionnelle, dite wébérienne (modèle bureaucratique) et s’inscrit au Québec dans le mouvement du nouveau management public (NMP), amorcé depuis la fin des années 1980.
Ainsi, selon Michèle Charbonneau, « les principales critiques qui ont ouvert la voie au NMP sont celles qui ont remis en cause la prétention de la bureaucratie à assurer l’efficacité de l’administration publique. On déplore alors la lenteur d’action, voire l’immobilisme de ce mode de gestion ainsi que le trop-plein de paperasserie et le gaspillage des ressources qui s’y fait. » (MICHAUD, Nelson, p.303)
«La forme hiérarchique et centralisée de l’Administration serait ainsi en voie d’évoluer vers un modèle plus souple, davantage axé sur les résultats que sur les règles, et favorisant l’innovation, l’esprit d’entreprise et la responsabilisation. » (MERCIER, Jean p.472)
Le cas de la ville de Montréal
N’échappant pas à ces changements et tendances dans le modèle de gouvernance de l’administration publique, sous l’administration de Gérald Tremblay, la Ville de Montréal modifie sa charte pour se doter d’une structure polycentrique, ou les pouvoirs de gestion et de prestation des services aux citoyens sont décentralisés vers les arrondissements. Subséquemment, après quelques épisodes de fusions et de défusions, depuis le premier janvier 2006, la Ville de Montréal compte 19 arrondissements et est liée à 15 villes de banlieue reconstituées composant ainsi l’agglomération de Montréal.
Les arrondissements sont dotés d’un conseil d’arrondissement élu et d’une administration publique locale favorisant l’écoute et la participation citoyenne. «L’arrondissement est une instance de représentation, de décision et de consultation proche des citoyens, instituée pour préserver les particularités locales et pour gérer localement les services de proximité. » (NOTES DE COURS ENP 7505)
<!--[if !supportLists]-->1. <!--[endif]-->Réussite sur le plan démocratique, un avantage de la décentralisation
La décentralisation en arrondissements répond favorablement à l’objectif de la démocratisation des services public, améliorant l’efficience dans l’allocation des ressources, grâce à une meilleure connaissance et prise en compte des attentes spécifiques de la population. «Les municipalités sont la réponse pour les services de proximité » (NOTES DE COURS ENP7505)
Effectivement, la dynamique ascendante (du citoyen vers l’administration ou le politique) est bien établie. Citons notamment les 22 comptoirs de services en arrondissement, les Bureaux Accès Montréal (BAM), ainsi que la ligne téléphonique unique 311, disponible 365 jours par année, répondent aux demandes et aux plaintes des citoyens. Aussi, Ceux-ci sont de plus en plus nombreux lors des séances mensuelles des conseils d’arrondissement pour faire valoir leur point de vue, alimenter et questionner leurs élus. Dans un contexte d’arrondissement, l’intervention du citoyen est nettement moins diluée que dans un contexte de métropole.
Le foisonnement des consultations publiques et des concertations locales fait également état que l’administration est tournée vers le citoyen. La prise en charge, par la communauté, de certains aspects de l’administration publique, notamment en ce qui a trait à l’offre de service culturelle, sportive, de loisirs et le développement social grâce aux partenariats établis entre les arrondissements et les organismes à but non lucratifs (OBNL) témoigne de cette tendance.
<!--[if !supportLists]-->2. <!--[endif]-->Défis de la décentralisation
La perte de l’expertise et des processus centraux constitue un défi de taille de la décentralisation. Aussi, la concertation inter arrondissements, qui tente de maintenir une certaine unité, est victime de luttes idéologiques.
La plus grande flexibilité des arrondissements dans l’adaptation des règles à leur situation est certes un avantage local de la décentralisation qui permet de mieux répondre aux attentes des citoyens, et ce, de façon plus rapide. Toutefois, cet avantage a son inconvénient lorsque nous nous élevons au niveau municipal et que nous constatons les inégalités des services entres arrondissements. En effet, certains règlements ne sont pas appliqués avec la même rigueur ou sont interprétés différemment, ou encore diffèrent complètement d’un arrondissement à l’autre. C’est le cas de plusieurs règlements des anciennes villes qui sont toujours en vigueur sur le territoire de leur arrondissement depuis les fusions municipales. Certains ont d’ailleurs fait l’objet d’harmonisation comme par exemple le règlement sur la construction et la transformation de bâtiments (11-018).
Du côté de l’administration, la gestion des ressources humaines est un autre exemple de décentralisation extrême alors que jusqu’à tout récemment, chaque arrondissement avait la compétence au niveau de la dotation du personnel. Avec cette plus grande flexibilité dans la gestion des ressources humaines, certains arrondissements ont adapté des postes qui ont étés spécialisés ou transformés pour mieux répondre aux besoins locaux. Cela a créé une grande disparité dans les critères d’embauche qui, pour une même fonction, différaient d’un arrondissement à l’autre. Or, depuis 2012, la Ville «centre» a repris le pouvoir quant à l’embauche du personnel, ce qui fait cependant craindre des délais supplémentaires dans l’embauche des employés saisonniers et temporaires (emplois étudiants).
<!--[if !supportLists]-->3. <!--[endif]-->la recherche d’un équilibre, est-ce une utopie ?
Nécessairement, les avantages de l’un étant les désavantages de l’autre, un équilibre entre ces forces pour un même service public est synonyme d’inefficacité et d’inefficience. Or, tel que le précise Rémi Trudel, prestigieux professeur à la prestigieuse École Nationale d’Administration Publique (ENAP), «la centralisation ou la décentralisation de l’administration des services publics est une question obligatoire à tous les niveaux». Ainsi, la recherche d’un équilibre au sein d’une administration municipale se traduit par des choix de l’administration quant à la décentralisation de certains services ou de compétences et à la centralisation des autres. Le dilemme étant dans le choix des services et le degré de décentralisation de ceux-ci.
Certaines lignes directrices doivent émaner de l’organisation centrale afin d’éviter la décentralisation extrême qui donne un caractère ingérable à la Ville de Montréal alors que des arrondissements peuvent prendre des enlignements contraires au bénéfice général de l’ensemble des montréalais. Une concertation entre les différents organismes décentralisés est nécessaire afin de tendre vers certains services unifiés.
conclusion
Dimanche le 3 novembre dernier, les citoyens ont voté pour élire un nouveau maire pour la Ville de Montréal. Que fera celui-ci quant au mode de gestion de la Ville de Montréal? Nous n’avons pour ainsi dire aucune indication, car le débat sur la gouvernance de Montréal n’a pas été approfondit dans les discours publics des principaux candidats à la mairie, alors que l’intégrité, la lutte à la corruption et à la collusion, les scandales financiers, les problèmes de transport et les infrastructures vétustes occupaient toutes les discussions.
Face aux exigences croissantes des citoyens et aux nouveaux défis de la société (mondialisation, nouvelles technologies, gestion transparente et intègre, conciliation des droits collectifs et des droits individuels, l’imputabilité, la privatisation, etc.) l’adaptation du secteur public apparaît comme une nécessité.
Étant donné que l’on peut s’appuyer sur une expérience d’une dizaine d’années, serait-il rentable pour la Ville de Montréal d’investir dans une commission d’enquête ou d’analyse des forces et faiblesses de la décentralisation avec pouvoirs de recommandations afin d’optimiser ce qui a été fait?
Cath
Références :
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DICTIONNAIRE ENCYCLOPÉDIQUE DE L’ADMINISTRATION PUBLIQUE (LE), ENAP, l’Université de l’administration publique, Décentralisation, [en ligne], (page consultée le 14 octobre 2013) [http://www.dictionnaire.enap.ca/Dictionnaire/17/Index_par_mot.enap?by=word&id=13]
DICTIONNAIRE ENCYCLOPÉDIQUE DE L’ADMINISTRATION PUBLIQUE (LE), ENAP, l’Université de l’administration publique, Nouveau management public, [en ligne], (page consultée le 14 octobre 2013) [http://www.dictionnaire.enap.ca/dictionnaire/docs/definitions/defintions_francais/nouveau_mp.pdf]
GORTNER, Harold F., Julianne MAHLER, Jeanne Bell NICHOLSON (2010), La gestion des organisations publiques, Québec, Presses de l’Université du Québec, ISBN 2-7605-0739-4, p.130
GOUVERNEMENT DU QUÉBEC (2005) (page consultée le 26 octobre 2013). Rapport sur la mise en œuvre de la Loi sur l’administration publique, Cinq années de gestion axée sur les résultats au gouvernement du Québec, Québec, Bibliothèque nationale du Québec, 69 p., p.1- 59 [en ligne], [http://www.tresor.gouv.qc.ca/fileadmin/PDF/publications/rapport_lap_05.pdf].
MERCIER, Jean (2002). L’administration publique : de l’École classique au nouveau management public, Sainte-Foy, PUL, ISBN 2763778313, pp. 371-373; 472.
MICHAUD, Nelson (2011), Secrets d’états? Les principes qui guident l’administration publique et ses enjeux contemporains, Sainte-Foy, PUL, ISBN 978-2-7637-8704-6, pp.303-305; 313.
SECRÉTARIAT DU CONSEIL DU TRÉSOR (2002). Guide sur la gestion axée sur les résultats, Québec, Québec, Gouvernement du Québec, juin, 31 p., p.1-31, [en ligne], [http://www.tresor.gouv.qc.ca/fileadmin/PDF/publications/guide_gest-axee-resultat_02.pdf].
TRUDEL, Rémy (2013), Notes de cours, ENP-7505 Principes et enjeux de l'administration publique
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Commentaires
Cath...on lira avec attention et vous me direz...????