Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Mourir dans la dignité

Le 30 septembre dernier marquait le 20ième anniversaire de ce qui deviendrait une décision historique sur le plan judiciaire; l’affaire intitulée « Rodriguez c. ColombieBritannique». À ce moment, madame Rodriguez, atteinte d’une maladie neuromusculaire dégénérative grave, se voyait refuser, par la Cour suprême du Canada, plus haute instance judiciaire au pays, à cinq juges contre et quatre pour, le droit à une assistance médicale pour mettre fin à ses jours. Il appert que, 20 ans plus tard, cette décision ravive les débats et les discussions en ce qui a trait à l’aide médicale à mourir, sujet ramené sur la table par la ministre déléguée aux Services sociaux, madame Véronique Hivon, avec le projet de loi 52 proposant notamment « d’encadrer de façon stricte les cas de malades incurables qui demandent aux médecins qu’on les aide à abréger leurs souffrances ».   

 

Mise en contexte

 

D’abord, afin de bien cerner la présente question, il est d’avis qu’une mise en contexte est de mise. Depuis plusieurs années au Québec mais aussi au pays, le débat sur les soins de fin de vie refait périodiquement surface. Quand nous pensons aux différentes personnes atteintes de maladies incurables réclamant le droit d’être assistées médicalement à mourir, nous ne pouvons demeurer indifférents sur un tel sujet. Formée de neuf députés issus de différents partis politiques, la commission parlementaire spéciale s’est penchée sur le sujet et a finalement produit un rapport en mars 2012. En effet, ce dernier nous précise que différents sondages menés au cours des dernières années ont démontré un appui des Québécois à l’euthanasie (sous certaines conditions) se situant de manière constante entre 70 % et 80 %. Il est difficile de croire en ces résultats lorsque nous regardons les lettres ouvertes dans les médias ou même les mémoires de différents groupes déposés en commission parlementaire qui sont radicalement opposés à ce projet. En effet, bien que largement médiatisé, ce sujet est encore bien loin de faire l’unanimité dans la population québécoise. Toutefois, le 29 octobre dernier, une autre étape fut franchise. C’est par un peu plus de 75% des voix que l’assemblée nationale permet à ce projet de passer à une phase subséquente, soit de l’étudier article par article afin de le mener à une formulation finale.

 

Une formulation finale oui mais pas à n’importe quel prix ?

 

Tel que transmis dans les différentes recommandations du rapport de la commission spéciale, ce projet ne comporte pas uniquement de permettre, au sens de la loi, d’obtenir une assistance médicale à mourir et de l’action en résultant. En effet, il est clair qu’avec les travaux effectués jusqu’à présent, une condition demeure essentielle, celle d’améliorer l’accès et la qualité des soins palliatifs des personnes en fin de vie au Québec. Pour cela, le gouvernement se doit d’investir temps et argent à ce niveau afin de permettre aux souffrants de prendre une décision juste et éclairée quant à leur dernier moment à vivre. En ce sens, l’assistance médicale pour devancer la mort ne doit pas devenir une finalité faute d’autres moyens. En effet, ces personnes aux prises avec une maladie incurable ne doivent pas se sentir dirigées précipitamment vers la sortie, vers une inévitable finalité. Elles doivent pouvoir continuer à se sentir acceptées jusqu’à leur dernier moment et la mise en place de ce projet leur offre donc cette assurance souhaitée. Ainsi, les soins palliatifs qu’elles réclament deviendront officiellement un droit si le projet de loi 52 est finalement accepté.

 

Certains diront que les véritables intentions du gouvernement sont d’ordre économique. En effet, il est vrai de mentionner que la mise sur pied d’une telle loi permettrait d’économiser certes d’importantes sommes. Nous n’avons qu’à penser aux coûts qu’engendrent les soins prodigués par les différents corps professionnels aux personnes au prise avec une maladie dégénérative sur le plan physique ou cognitif, aux sommes allouées aux malades occupant un lit dans un CHSLD ou aux montants accordés pour les services d’un programme de soutien à domicile d’un CLSC. Cependant, cette particularité doit être abordée, selon moi, de manière différente. Lors des consultations particulières sur le projet de loi tenue en septembre dernier, la protectrice du citoyen, madame Raymonde Saint-Germain, voit d’un tout autre œil ce projet. D’abord, cette dernière salue le courage de l’Assemblée de briser le tabou qui entoure la question des soins de fin de vie. Elle rapporte d’ailleurs qu’avec ce projet, l’autonomie et le désir des personnes malades demandant à mourir sont respectés mais que d’un autre côté, il protège et respecte le droit à la vie des autres qui en décident autrement, droit d’ailleurs reconnu dans les chartes. C’est donc ce droit de pouvoir prendre librement une décision éclairée quant à ses soins en situation de fin de vie qui rend ce projet différent.    

 

 

Ainsi, force est de croire que dans les prochains temps, nos parlementaires entreront dans une étape primordiale qui leur permettra de concrétiser ce défi de taille qui les attend. Le travail qui a débuté il y a près de quatre ans par la commission spéciale (écoute de plusieurs experts sur le sujet, déposition de mémoires, collecte de questionnaires en ligne, tenue d’auditions publiques à travers la province, expériences étrangères sur la question) permet aux élus de plonger dans ce débat épineux avec une certaine maturité mais également avec un recul sur le sujet. Finalement, que nous soyons en accord ou non avec ce dernier, nous ne pouvons que souligner l’important travail réalisé par les institutions démocratiques québécoises à l’instar du gouvernement fédéral qui préfère, actuellement, faire la sourde oreille et laisser les tribunaux décider pour lui.

 

JM 

 

 

  1. JUGEMENTS DE LA COUR SUPRÊME DU CANADA,Décisions, Rodriguez c. ColombieBritannique (Procureur général), [1993] 3 R.C.S. 519, en ligne,http://scc.lexum.org/decisia-scc-csc/scc-csc/scc-csc/fr/item/1054/index.do
  1. TRUDEL, Rémy (2013), Notes de cours, ENP-7505 Principes et enjeux de l'administration publique
  1. MICHAUD, N. et coll. (2011). Secrets d’États ? 
  1. MOURIR DANS LA DIGNITÉ, Assemblée nationale, rapport de la commission spéciale, mars 2012, en ligne, http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-52-40-1
  1. http://www.ledevoir.com/societe/sante/391225/soins-de-fin-de-vie-le-projet-de-loi-cree-un-malaise-chez-les-liberaux
  1. MÉMOIRE DU PROTECTEUR DU CITOYEN À LA COMMISSION DE LA SANTÉ ET DES SERVIVES SOCIAUX, Dans le cadre des consultations particulières et auditions publiques sur le Projet de loi no 52, Loi concernant les soins de fin de vie, en ligne, http://www.protecteurducitoyen.qc.ca/fileadmin/medias/pdf/Memoire_projet_de_loi/2013/2013-09-24_Memoire_soins_fin_vie.pdf
  1. PROJET DE LOI 52 : LOI CONCERNANT LES SOINS DE FIN DE VIE, Collège des médecins du Québec, Mémoire présenté à la Commission de la santé et des services sociaux, en ligne, https://www.cmq.org/fr/RSSFeeds/~/media/Files/Memoires/PL52-soins-fin-vie-memoire.pdf
  1. LE SOLEIL (2013), Aide médicale à mourir : se protéger des dérives, en ligne, http://www.lapresse.ca/le-soleil/opinions/editoriaux/201310/25/01-4703862-aide-medicale-a-mourir-se-proteger-des-derives.php

 

 

 

Commentaires

  • À lire avec attention ...J.M.
    et vous me direz ???

Les commentaires sont fermés.