Résidences privées pour les aînés : la lutte contre la maltraitance au cœur de la participation citoyenne
Résidences privées pour les aînés : la lutte contre la maltraitance au cœur de la participation citoyenne
L’un des objectifs de ce cours est de sensibiliser les étudiants à l’importance de participer à la vie de leur communauté et de l’outiller à travers la connaissance de certaines pratiques de défense de droits, pour l’exercice de sa citoyenneté.
La participation citoyenne est un processus d’engagement de personnes ordinaires, agissant seules ou au sein d’une organisation, en vue d’influer sur une décision portant sur des choix significatifs qui toucheront leur communauté. Cette participation peut avoir lieu ou non dans un cadre institutionnalisé et être organisée sous l’initiative des membres de la société civile (recours collectif, manifestation, comités de citoyens) ou des décideurs.
Selon Weinstock (2000, p.16-17) : « est citoyen, celui qui participe à la vie des institutions politiques et au façonnement du bien commun. Cette dimension est pleinement réalisée lorsque le statut de citoyen a une importance subjective pour l’individu».
D'ailleurs le modèle québécois, caractérisé par la présence et l'apport de nombreux acteurs publics et civils, appelle presque naturellement une gouvernance participative. De plus, ce modèle place le citoyen québécois au cœur des décisions qui l'affectent et l'invite à participer aux décisions qui le touchent. La participation publique est une condition essentielle au développement du capital social et de la qualité de vie des personnes.
Ma mission individuelle a consisté à me rendre au Centre Yee-Kang pour les Personnes Âgées. C'est un Organisme à but non lucratif (OBNL ou OSBL).
Mise en contexte
Suite à une nouvelle loi sur la certification, adoptée en mars 2013, des résidences privées pour personnes âgées au Québec perdront sous peu leurs activités de loisirs, et tous les autres services de soins annexes. Incapables de respecter la nouvelle loi, plusieurs établissements cesseront d’offrir des services pour devenir de simples tours de logements. Les responsables de ces établissements expliquent que les coûts de la nouvelle certification étaient trop élevés ( entre 200 000 $ et 300 000 $)
En resserrant les critères envers les résidences privées pour aînés, le gouvernement du Québec exige que tous les établissement accueillant des personnes de 65 ans et plus et offrant deux services ou plus comme des repas, des activités de loisirs ou des soins infirmiers, doivent se soumettre à la nouvelle procédure de la certification. Les résidences doivent installer des systèmes d’appel à l’aide dans les chambres et assurer une surveillance de 24 heures sur 24. Effectuer tous ces changements a un coût et plusieurs propriétaires sont incapables d’assumer ces frais. Jusqu’à maintenant, une dizaine de résidences ont changé de vocation dans la métropole pour éviter de se soumettre à la nouvelle certification.
Depuis des années l'Association québécoise des retraités des secteurs public et parapublic (AQRP) réclame une aide financière, pour aider les propriétaires à se conformer à la réglementation. Selon le Regroupent québécois des résidences pour aînés (RQRQ) il y a un risque de fermeture massive de résidences. Déjà quatre ou cinq résidences ont fait faillite depuis l'adoption de cette réforme.
Lorsque ces résidences pour aînés ne se conforment pas aux règles de la certification, elles sont obligées de se retirer du processus de certification. Les établissements ne peuvent plus alors offrir certains services. Beaucoup de ces résidences, surtout celles de moins de 10 aînés, vont arrêter leurs activités de loisirs et ne seront plus en mesure de servir des repas. En plus de perdre des services, les personnes âgées qui y sont hébergées se voient privées de précieux recours quant elles sont victimes de maltraitance. En effet, elles n'ont plus accès à plusieurs mécanismes de protection.
Démarche à suivre
Le 23/09/2013 j’ai sollicité une rencontre avec la responsable du Centre Yee-Kang pour les Personnes Âgée Mme Wei Ming Yee, dans le quartier chinois de Montréal, pour voir dans quelle mesure je peux contribuer à une action en lien avec la participation citoyenne.
Comme plusieurs autres aînées au Québec, les résidents du centre Yee-Kang ont vu leur établissement se retirer du processus de certification adopté en mars dernier.
Mme Yee explique que son établissement a décidé de ne plus se certifier. Elle ajoute que les résidents ne savent plus où porter plainte. J’ai été particulièrement intéressé par ce problème étant donné que le vieillissement de la population est observé dans plusieurs régions du Québec et les situations de maltraitance envers les aînés risquent de s’accroître, au cours des prochaines année. Plus du tiers des Québécois croient que les aînés seraient victimes de mauvais traitements.
Le 07/10/2013, j’ai eu une autre rencontre avec une responsable de l'Agence de la santé et des services sociaux de Montréal pour en savoir plus sur le sujet. Elle m' affirmé que les aînés doivent dorénavant se tourner vers d'autres ressources en cas de maltraitance. Seule la Régie du logement peut présentement les défendre. Les aînés habitant dans des résidences certifiées et qui sont victimes d'abus peuvent, en tout temps, déposer une plainte au Commissaire local aux plaintes de leur région et au Protecteur du citoyen. Mais quand une résidence perd sa certification, les personnes âgées n'ont plus accès à ces mécanismes de protection.
Le 15/10/2013, j'ai contacté le bureau du Protecteur du citoyen qui m'a confirmé que les cas de maltraitance à l’endroit des aînés, les résidents des établissements privés qui ne sont pas soumis à la nouvelle certification, ne peuvent plus malheureusement bénéficier de l'intervention du Protecteur du citoyen. Ils doivent s’adresser à la Régie du logement.
Rappelons que la mission du Protecteur du citoyen est de prévenir et corriger les erreurs ou les injustices commises à l’égard de toute personne ou groupe de personnes en relation avec un ministère, un organisme du gouvernement du Québec ou une instance du réseau de la santé et des services sociaux. Néanmoins, par la nouvelle législation, les personnes âgées qui sont hébergées dans des résidences privées non soumises à la certification se voient privées de recours au Protecteur du citoyen quant elles sont victimes de maltraitance.
La maltraitance peut être de type physique, moral, financier, sexuel ou plus simplement de la négligence. Les maltraitances passives sont rarement détectées et souvent minimisées. Pourtant leurs conséquences sont dramatiques et souvent tragiques pour les personnes âgées.
La maltraitance au cœur de la participation citoyenne
Actuellement des efforts sont déployés dans l'ensemble du Québec pour trouver comment faire participer les citoyens, les joindre, les mobiliser, suite à cette nouvelle loi de Mars 2013, sur la certification des résidences privées pour les aînés. Le maintien de la mobilisation reste le plus grand défi à relever. C'est pour cela qu'impliquer les habitants, les associations, les professionnels et tous les acteurs locaux dans l’action contre la maltraitance est une préoccupation citoyenne exemplaire en Gaspésie- Îles-de-la-Madeleine.
En effet, l’Agence de la santé et des services sociaux de la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine a tenu une première campagne de sensibilisation citoyenne contre la maltraitance envers les personnes âgées, en juin 2013. Les activités ont culminé avec la Journée mondiale de lutte contre la maltraitance, le 15 juin (1).
En Gaspésie la mobilisation citoyenne régionale contre la maltraitance a véritablement commencé après l'adoption d'un Plan d'action 2005-2010, avec la mise sur pied de tables locales qui regroupent des gens de tous les horizons (policiers, travailleurs de santé, aînés, etc)
Ici une Table de concertation a été crée pour pour tracer un portrait sur la maltraitance au sein de population âgée du territoire. ( Selon l'Institut de la statistique du Québec, la région Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine comptera, dans 15 ans, 30 % de personnes âgées de 55 ans et plus comparativement à 21 % dans l'ensemble du Québec).
Des gens ordinaires, des gestionnaires et des représentants de l’État ont pris part à la Table : parmi eux Lise April, représente les aînés à la Table de concertation pour contrer les abus et la maltraitance contre les aînés ; Jean-Denis Santerre est le coordonnateur du dossier maltraitance à l'Agence de la santé et des services sociaux de la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleines ; Henri Hotton, administrateur à la Table régionale de concertation des aînés de la Gaspésie et des Îles ; Andrée Côté, directrice de la Caisse populaire Tracadièche. Et Dany Parent, de la Sûreté du Québec poste de New Richmond.
Toujours dans le cadre de la participation citoyenne, mais au niveau du Québec cette fois, une Chaire de recherche sur la maltraitance envers les personnes aînées a été créée le 1er novembre 2010. Elle est financée pour 5 ans par le Secrétariat aux aînés maintenant au Ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). Il s’agit de l’une des quatre actions structurantes du Plan gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2010-2015.
Les autres actions consistent en une vaste campagne de sensibilisation du public, la création d’une ligne téléphonique avec réponse de professionnels (tant pour les personnes aînées, leurs proches, toute personne concernée ou encore, des intervenants qui souhaitent obtenir du soutien dans l’exercice de leurs fonctions) et le déploiement de 20 coordonnateurs régionaux qui s’assurent que le Plan est implanté partout au Québec.
Dans son livre Principes et limites de la démocratie libérale, C.B Macpherson expose une idée fort intéressante : « La faiblesse de la participation et l'injustice sociale sont si étroitement liées que toute société plus juste et plus humaine exigerait un système politique dans lequel la participation des citoyens aurait une plus grande importance. » (2)
Cette idée forte nous encourage à aller à l'avant dans la lutte contre la maltraitance des aînés qui devra rester au cœur de la participation citoyenne.
Mohamed Souhail Ftouh
(1) La journaliste Sylvie Aubut de Radio-Canada a préparé une série de reportages sur le sujet : http://www.radio-canada.ca/regions/est-quebec/2013/06/19/004-maltraitance-personnes-agees.shtml
(2) C.B Macpherson : Principes et limites de la démocratie libérale, Montréal, la Découverte- Boréal Express, 1985, p123.
Commentaires
On lira avec très grande attention Mohamed.