DES AMENDES POUR LES CSSS!!!!!
LA SANTÉ EST MALADE !!!!!
C’est à ne plus rien comprendre. Le Ministère de la Santé et des services sociaux (MSSS) du Québec en est rendu à utiliser la méthode coercitive pour faire sortir les personnes âgées des hôpitaux, tel qu’indiqué dans l’article d’Ariane Lacoursière<!--[if !supportFootnotes]-->[1]<!--[endif]-->
Selon une directive de l’agence de la santé de Montréal […] dès le 17 novembre, les Centres de santé et de services sociaux (CSSS) qui seront incapables de retirer les aînés des hôpitaux en moins de huit jours et de leur offrir des soins à domicile se verront imposer des amendes de plus de 900$ par jour par patient.
Je suis cadre intermédiaire au soutien à domicile dans un CSSS et en lisant cette nouvelle, c’est comme si on venait de me dire que c’est par paresse ou par manque de volonté des gestionnaires et intervenants que l’on garde les gens en fin de soins actifs dans les hôpitaux! Ces personnes sont en perte d’autonomie et généralement en attente d’une place en ressource intermédiaire (RI) ou plus souvent en Centre d'hébergement de soins de longue durée (CHSLD), leur état de santé étant généralement devenu trop lourd pour effectuer un retour à domicile selon l’offre de service actuelle.
Tout le monde s’entend pour dire que leur place n’est pas dans les hôpitaux. Ce n’est pas un milieu de vie adéquat et en plus, ils occupent des lits de soins actifs qui ne sont plus disponibles pour les nouveaux patients qui se retrouvent alors dans les corridors des urgences, qui à leur tour débordent… ce qui crée des dépassements budgétaires importants. Il faut donc les sortir le plus rapidement possible, soit en les hébergeant ou en les retournant à domicile.
Or, en 2011, selon le rapport de l’AQRP<!--[if !supportFootnotes]-->[2]<!--[endif]--> ,il y avait 7200 personnes en attente de CHSLD au Québec, dont 77 % à Montréal, en Montérégie et à Québec et ce nombre ne cesse de grandir. Alors pour parer à la pénurie de ressources et à la pression des agences de santé et du ministère ( obligation de respecter les ententes de gestion de par la loi sur l’administration publique, reddition de compte, obligation de résultats et de performance…) les CSSS doivent avoir recours à l’achat de places dans des résidences privées avec qui ils ont généralement des ententes, et ce, avec l’approbation des agences, car tout dans l’administration publique doit être approuvé. Mais le besoin est tellement grand et souvent pressant que ces résidences ne sont pas toujours certifiées et inspectées comme elles le devraient.
Comme le nomme la Protectrice du Citoyen (PC), « Il y a souvent des lacunes dans la surveillance des résidents, la qualité de l’alimentation et la formation du personnel »<!--[if !supportFootnotes]-->[3]<!--[endif]--> (qui démontre un très haut taux de roulement, car les préposés sont généralement rémunérés à 12$/hre avec des conditions de travail très difficiles) avec les conséquences que l’on connait et que l’on voit souvent étalées à la une des journaux. Finalement, le MSSS, depuis la venue du Dr Hébert à sa tête, a diminué l’émission des permis CHSLD, car il veut promouvoir son projet d’assurance autonomie, donc de soins à domicile
Au niveau du soutien à domicile, avec l’arrivée de la politique « Chez soi, le premier choix »<!--[if !supportFootnotes]-->[4]<!--[endif]--> en 2003, politique visant à favoriser le maintien à domicile des personnes en perte d’autonomie, il y a eu un certain rehaussement des services, mais de façon souvent inégale et confuse. La politique laisse une grande place à l’interprétation ce qui fait qu’aucun CLSC ne l’applique de la même façon selon ses ressources humaines et financières<!--[if !supportFootnotes]-->[5]<!--[endif]-->. Comme le mentionne Mme Denis, ex-directrice de l’Association québécoise des établissements de santé et de services sociaux (AQESSS) « des règles standardisées pour tous les CLSC sur les services de maintien à domicile et les tarifs devraient être mises en place »<!--[if !supportFootnotes]-->[6]<!--[endif]-->. La PC dans ses deux derniers rapports à l’Assemblée nationale a également fait des recommandations dans ce sens, soit celle « d’élaborer des lignes directrices claires énonçant l’offre de service disponible selon les besoins de la population et de planifier les allocations des budgets et des ressources selon les différents volets de service et besoins de la population »<!--[if !supportFootnotes]-->[7]<!--[endif]-->, directives que nous attendons toujours. C’est d’ailleurs dans le rôle du MSSS de « s’assurer de la pertinence des lignes directrices en matière de politique de santé et de bien-être, et d’évaluer les résultats obtenus par rapport aux objectifs fixés »<!--[if !supportFootnotes]-->[8]<!--[endif]-->.
Mais jusqu’à maintenant, les seules directives claires qui descendent du MSSS sont des directives administratives à saveur politique, qui illustre très bien l’interaction marquée entre ces deux aspects de l’administration publique comme le démontre l'exemple suivant. En septembre 2013, nous ( et tous les CSSS) avons reçu une « demande » de notre agence de Santé, qui eux l’ont reçu du MSSS car nous sommes dans une administration décentralisée, d’implanter d’ici décembre 2013, un des éléments du Réseau de services intégré pour les Personnes âgées (RSIPA) soit la mise à jour de tous les outils d’évaluation multiclientèle (OEMC) des personnes âgées de 65 ans
Le RSIPA, qui est basé sur les recherches du Dr Hébert (quel hasard !!!) a débuté graduellement en 2006, mais a connu des ratés importants (dérapage informatique, dépassement des coûts, etc.) ce qui a provoqué un arrêt du déploiement faute de fonds<!--[if !supportFootnotes]-->[9]<!--[endif]--> en 2010 . Son implantation a augmenté considérablement le fardeau de tâches cléricales pour les intervenants diminuant par conséquent leur temps de disponibilité à domicile (ce que constate d’ailleurs le vérificateur général dans son dernier rapport<!--[if !supportFootnotes]-->[10]<!--[endif]-->) et cela les a amenés souvent à choisir entre les soins directs aux patients et la « paperasse » administrative.
Résultat : nous avions plus de 800 OEMC à mettre à jour, à 3 heures chacune !!!!
Alors, on mobilise actuellement à travers tous les CSSS des intervenants sociaux et infirmier(e)s supplémentaires (souvent en temps supplémentaire) qu’on envoie au soutien à domicile pour accélérer les évaluations et atteindre les objectifs exigés par le Ministère !!!!!
Pas pour offrir plus de services aux personnes âgées dans les hôpitaux qui attendent une place d’hébergement !
Pas pour offrir des services aux personnes à domicile qui attendent des services depuis plusieurs mois par manque de ressources !
Mais bien pour répondre à la demande ministérielle avant le 31 décembre 2013 !!!! Et, comme les employés de l’administration publique sont les serviteurs de l’État et que servir l’État signifie être au service du gouvernement du jour, on fait tout pour répondre à cette demande. C’est tout de même incroyable !!!!!
Par son communiqué à ses CSSS, l’agence de Montréal rejette la responsabilité sur eux alors qu’elle devrait dénoncer cette commande ministérielle. En agissant ainsi, elle fait porter le fardeau aux gestionnaires et aux intervenants sur le terrain qui sont déjà surchargés et qui sont en mode panique alors que son rôle est de les supporter et de les outiller. C’est assez ironique quand on sait que chaque CSSS est dans l’obligation d’atteindre l’équilibre budgétaire annuellement selon la loi de l’administration publique, les agences aussi d’ailleurs. Alors si les CSSS doivent payer des amendes de 900$/jour par personne ainées en attente d’hébergement ou de soins à domicile dans les hôpitaux (chez nous, ils sont plus que 30 et nous sommes un petit CSSSS), c’est clair qu’il y aura des coupures dans d’autres services.
Finalement, en agissant ainsi, l’agence et le Ministère ajoutent davantage à la pression déjà trop grande sur les proches aidants que l'on ignore souvent et qui assume 60 à 80% de la tâche malgré l’aide à domicile reçue. <!--[if !supportFootnotes]-->[11]<!--[endif]-->
Oui, la santé coûte de plus en plus cher peu importe ce que l’on fait, année après année, gouvernement après gouvernement. Après tout c’est le propre des dépenses publiques dans tous les états de droit selon Wagner. Quand la santé d’un patient se détériore, on ne le menace pas de lui couper son oxygène, mais on tente de lui trouver la meilleure thérapie possible avec support et attention en prime.
La santé est malade... qui trouvera le bon remède ?
Une gestionnaire qui s’interroge
<!--[if !supportFootnotes]-->[1]<!--[endif]--> Lacoursière, Ariane (2013)m « Des amendes pour forcer le retrait d'aînés des hôpitaux », La Presse, 30 septembre
<!--[if !supportFootnotes]-->[2]<!--[endif]--> AQRP communication (2011), http://archives.aqdr.org/general/general/manque_de_place_en_CHSLD.pdf
<!--[if !supportFootnotes]-->[3]<!--[endif]--> Protecteur du Citoyen. « Rapport annuel d’activités 2012-2013 » et « rapport annuel des activités 2011-2012 » www.protecteurducitoyen.qc.ca/
<!--[if !supportFootnotes]-->[4]<!--[endif]-->MSSS. La politique de soutien à domicile “Chez soi: le premier choix”, Québec: Direction des communications du ministère de la Santé et des Services sociaux, 2003
<!--[if !supportFootnotes]-->[5]<!--[endif]--> Pelchat, Pierre(2013, « Maintien à domicile: les québécois divisés sur une hausse de frais », La Presse, 30 septembre 2013
<!--[if !supportFootnotes]-->[7]<!--[endif]--> Protecteur du Citoyen. « Rapport annuel d’activités 2012-2013 » et « rapport annuel des activités 2011-2012 » www.protecteurducitoyen.qc.ca/
<!--[if !supportFootnotes]-->[8]<!--[endif]--> Trudel,Rémy (2013), Notes de cours ENP7505, séance 10
<!--[if !supportFootnotes]-->[9]<!--[endif]--> Robillard, Jean-Philippe , Couteux dérapage informatique à Québec, Radio-Canada, 6 décembre 2010
<!--[if !supportFootnotes]-->[10]<!--[endif]-->Vérificateur général du Québec (2013), « Rapport annuel 2013-2014 – personnes âgées en perte d’autonomie », http://www.vgq.gouv.qc.ca/fr/fr_publications/fr_rapport-annuel/fr_2013-2014-VOR-Printemps/fr_Rapport2013-2014-VOR-Chap04.pdf
Commentaires
Une montée de lait ...bien fondée madame C.