La mise en place de la deuxième chambre du parlement au Burkina Faso
Mise en place de la deuxième chambre du parlement au Burkina Faso
Le bimensuel burkinabè d’enquête et de reportage dans sa parution du samedi 7 septembre 2013 titrait à la Une, « Blaise Compaoré a-t-il compris le message ?» un article de monsieur Boureima OUEDRAOGO, journaliste et Directeur de publication.
L'auteur dans cet écrit, analyse les turbulences politiques que traverse le Burkina suite aux tentatives de mise en place de la deuxième chambre du parlement et les intensions prêtées au Président du Faso sur une éventuelle modification de la constitution dans son article 37.
Cet article est d’autant plus intéressant pour nous du moment qu’il fait référence à deux concepts clés qui sont au fondement même des démocraties modernes : La légalité et la légitimité.
La mise en place du sénat au Burkina Faso : Une disposition constitutionnelle, donc légale.
Rappelons que la création d’un sénat au Burkina Faso fait partie des propositions de réformes politiques issues de la session du Cadre de Concertation sur les Reformes Politiques et des Assises nationales sur les réformes politiques. Sa création, comme deuxième chambre du Parlement, a été consacrée par la loi constitutionnelle n°033-2012/AN du 11 juin 2012.
En vertu de cette disposition constitutionnelle, le Gouvernement a soumis à l’Assemblée Nationale un projet de loi organique qui a été adopté sous le n° 018-2013/AN du 21 mai 2013 portant organisation et fonctionnement de la deuxième chambre du Parlement. Cependant, dans le cadre de la mise en œuvre de cette loi organique, des controverses et des préoccupations sont apparues au sein de la communauté nationale, menaçant gravement la paix et la stabilité nationales.
De la légitimité sur la mise en place d’une chambre sénatoriale au Burkina Faso.
Après l’adoption des deux lois par la chambre des députés (la loi organique portant organisation et fonctionnement du Parlement et la loi modificative portant code électoral), des marches de protestation contre la mise en place du sénat jugé budgétivore et inopportun au regard des préoccupations sociales du moment notamment l’éducation, la santé et l’emploi ont mobilisé différentes catégories socio professionnelles, partis politiques de l’opposition et des associations et mouvements de la société civile sur toute l’étendue du territoire national. Autres marches de soutien ont également été organisées par des partis politiques de la majorité traduisant de ce fait la profondeur de la fracture sociale. Dans un tel contexte,bien des Burkinabès s’attendaient à un heureux arbitrage du Président dans cette fracture sociopolitique de plus en plus ouverte. Lors d’une interview accordée à la presse, le président faisant référence à la constitution insiste une fois de plus sur le fait que le sénat sera mis en place malgré les divergences.
Mais pourquoi tant de polémiques autour de la mise en place d’une institution républicaine ?
La fin du mandat du Président devant intervenir en 2015, la mise en place du sénat pourrait être interprétée comme une passerelle pour modifier une fois de plus la constitution et s’octroyer un pouvoir à vie. Depuis 26 ans, Blaise Compaoré a construit un régime semi-autoritaire au départ. Ce régime a évolué vers une « démocrature », une dictature déguisée qui est resté sous le contrôle total du président. La constitution a subit plusieurs réaménagements permettant au Président une longévité au pouvoir j’jusqu’a l’introduction en 2005 une disposition limitant le nombre de mandats à deux non renouvelables.
Il ya le coût du sénat, trente six milliards de Francs CFA soit soixante douze millions de dollars canadiens pour mettre en place une institution dans un contexte de conjoncture économique. Le pays est classé parmi les Pays Pauvres très endettés par le PNUD et vie sous perfusion. Plus de 80% des habitants vivent avec moins de 350 dollars US par an et les secteurs sociaux de base comme la santé et l’éducation subissent de plein fouet la conjoncture mondiale. Sensée jouer un rôle de contre poids au sein d’un parlement dont l’Assemblée des Députés déjà acquise à la solde du président de part sa composition quasi monocolore, d’aucun reste sceptique quant à sa capacité réelle à instaurer un équilibre sur le débat politique national et ne glisse vers une chambre d’enregistrement comme l’assemblée des Députés eu égard à sa composition, 89 sénateurs dont 26 nommés par le Président, 39 de la mouvance présidentielle et 24 de la société civile.
Ce qu’il faut comprendre et qui est essentiel de nos jours, c’est que nous vivons dans un monde nouveau, un monde emprunt de droit et de liberté et la plupart de nos Etats sont encadrés par des constitutions. Comme le disait Gil Rémillard (2011) : «la constitution est plus une référence à la légalité, elle est aussi gage de légitimité » (p 87). Même si la mise en place du sénat émane d’une disposition constitutionnelle, Nos gouvernants doivent cependant prendre la juste mesure de la déchirure sociale et de mettre un terme à un processus qui n’est que le révélateur d’un malaise très profond dans notre pays, et dont la solution ne réside ni dans des replâtrages, ni dans des arrangements ni dans des marchandages entre politiciens. La mise en place de la deuxième chambre même si elle est légale, elle n’est ni opportune, ni légitime dans sa phase actuelle eu égard en l’absence de consensus. Et nous soutenons queles institutions ne sont légitimes que si elles sont socialement utiles », favorisant le bien commun, la cohésion sociale, la paix.
Ragomézingueba Charles OUEDRAOGO
Loi de l’Assemblée Nationale du Burkina Faso , loi portant révision de la constitution, loi n° 033-2012/AN. 2012, 37 pages
Loi de l’Assemblée Nationale du Burkina Faso (2013), loi portant organisation et fonctionnement du Parlement, loi n° 018-2013/AN. 2013..
REMILLARD, Gil(2011) : « la constitution, règle de droit et contrat social » dans MICHAUD Nelson (dir), Secrets d’Etats ? Les principes qui guident l’administration publique et ses enjeux contemporains. Presses de l’Université de Laval, p 87-118.
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